2014/07/01

Déclaration conjointe Euro-BRICS sur la crise ukrainienne - Trois propositions stratégiques

[republiée à partir du site Euro-BRICS du L.E.A.P.]

Nous [1], soussignés, membres de la société civile en Europe et dans les BRICS (chercheurs et professeurs universitaires, responsables de groupes de réflexion, journalistes, dirigeants d’entreprises, représentants de la société civile), souhaitons exprimer notre inquiétude commune quant aux tendances enclenchées par  la crise en Ukraine. Ces tendances ont une incidence sur la communauté internationale, menacent entre autre la souveraineté de l’Ukraine et l’indépendance de l’Europe, et provoquent une polarisation malvenue du système international avec des répercussions sur un équilibre géopolitique toujours fragile.
Nous voulons rappeler qu’une transition historique est en cours entre un monde unipolaire avec les Etats-Unis comme seule superpuissance et un monde multipolaire, transition qui doit être soutenue plutôt que contenue. Le monde entier, y compris l’Europe et les Etats-Unis, a tout à gagner à participer ensemble à la réorganisation d’une gouvernance mondiale fondée sur la multipolarité.
Nous tenons à réaffirmer notre analyse[2] selon laquelle l’Europe est en mesure de contribuer positivement à l’émergence pacifique d’un monde multipolaire. En effet, la crise ukrainienne a montré que, alors qu’une Europe indépendante et ouverte contribue à l’émergence d’un monde multipolaire, une Europe unilatérale créé les conditions mêmes d’un monde polarisé entre un bloc occidental et les nouvelles puissances mondiales.
Par conséquent, nous désapprovons fermement l’interruption des relations euro-russes et ses conséquences négatives sur les relations Euro-BRICS porteuses d’avenir. Nous sommes en total désaccord avec le déploiement de troupes des deux côtés de la frontière euro-russe et en particulier de troupes militaires américaines sur le territoire de l’Europe. Nous nous opposons à l’accroissement de tensions provoqué par le caractère non-concerté des politiques de libre-échange européenne et russe au niveau de pays frontaliers communs tels que l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, etc…
Nous considérons que la crise ukrainienne nécessite la mise en place d’un espace diplomatique destiné à débattre des droits de l’Europe et de la Russie à organiser leurs marchés communs et des moyens pour que ces marchés coexistent pacifiquement.
Nous tenons également à remarquer que la situation d’urgence humanitaire en Ukraine ainsi que les crimes et les exactions commises contre les populations civiles pendant la crise ukrainienne doivent être traités rapidement et faire l’objet d’enquêtes.
Nous estimons que le cadre de la coopération Euro-BRICS est susceptible de fournir la médiation appropriée  pour atteindre un résultat positif.

La situation requiert un sens élevé des responsabilités historiques et de l’intérêt collectif de la part des dirigeants du monde. C’est à ce sens que nous faisons appel à travers cette déclaration :
**  PARTAGER LES RESPONSABILITES COMME PREALABLE – Nous avons convenu que les responsabilités liées à la crise en Ukraine doivent être partagées entre l’Europe et la Russie. Ce n’est que sur cette base de reconnaissance mutuelle des responsabilités de chaque acteur que la paix en Ukraine pourra être reconstruite et les relations euro-russes relancées.
**  RELANCER LES RELATIONS EURO-RUSSES POUR CREER LES CONDITIONS D’UNE SORTIE DE CRISE MENEE PAR L’UKRAINE – Il appartient aux Ukrainiens de s’organiser et de reconstruire la paix en Ukraine. Cependant, les tensions entre les Ukrainiens pro-russes et pro-européens ne se désamorceront pas si les tensions entre la Russie et l’Europe ne se désamorcent pas en prier lieu. Par conséquent, au nom de la paix en Ukraine, nous appelons les dirigeants européens et russes à relancer un dialogue constructif. Par ailleurs, nous  souhaitons encourager les médias à fournir une information plus objective et à corriger toute désinformation susceptible de mener à de futurs conflits.
**  UN SOUTIEN EURO-BRICS A L’EFFORT DE SORTIE DE CRISE – En guise de contribution à encourager et soutenir l’effort euro-russe pour la relance d’un dialogue de sortie de crise, nous appelons les dirigeants Euro-BRICS [3] à convoquer très rapidement [4] le premier “sommet  Euro-BRICS pour l’Ukraine » qui aura pour objet d’établir les causes, d’identifier les solutions et de contribuer à mettre en place les conditions politiques et diplomatiques pour une résolution souveraine de la crise ukrainienne et pour la prévention de crises similaires avec d’autres États frontaliers euro-russes à l’avenir.

Ont signé la présente déclaration, les personnes suivantes, représentantes de la société civile en Europe et dans les BRICS (professeurs universitaires, chercheurs, dirigeants de groupes de réflexion, journalistes, représentants d’entreprises) par ordre alphabétique :
. Adriana Abdenur – Professeur, Institut des Relations Internationales, PUC-Rio, Rio de Janeiro, Brésil
. Jean-Paul Baquiast – Honorary State controller / Editeur de www.europe-solidaire.eu, Paris, France
. Marie-Hélène Caillol – Présidente LEAP/E2020 (Laboratoire européen d’Anticipation Politique), Paris, France
. Jayanthi Chandrasekharan – Assistant Professor, Département de français, Loyola College, Chennai, Inde
. Jose-Maria Compagni-Morales – Président FEFAP (Fundación para la Educación y Formación en Anticipación Política), Associate Professor IE Business School, Séville, Espagne
. Taco Dankers – Entrepreneur, software engineer, Dankers & Frank, Consulting and Software Engineering, Amsterdam, Pays-Bas
. Baudouin De Sonis – Executive manager, e-Forum & EU-China-Forum / Associate director IERI (Institut Européen des Relations Internationales), Bruxelles, Belgique
. Anna Gots – Directrice financière, AEGEE-Europe / European Students’ Forum, Bruxelles, Belgique
. Harald Greib – President IRPA (Internationaler Rat fur Politische Antizipation), Hambourg, Allemagne
. Christel Hahn – Coordinatrice générale, AAFB, Allemagne
. Michael Kahn - Professor Extraordinaire, Stellenbosch University, South Africa / Director, Research and Innovation Associates, Cape Town, South Africa
. Caroline Lubbers – Project manager Euro-BRICS, Amsterdam, Pays-Bas
. Bruno Paul - Docteur es Sciences, founder of conscience-sociale.org, Paris, France
. Zhongqi Pan – Professor at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, Chine
. Sylvain Perifel – Coordinateur GEAB, Leap2020, Paris, France
. Marianne Ranke-Cormier – Présidente Newropeans, Paris, France
. Yi Shen - Associate Professor at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, Chine
. Suyuan Sun – Research Associate at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, Chine
. Veronique Swinkels – Directrice Générale, BBK/Door Vriendschap Sterker, Amsterdam, Pays-Bas
. Alexander Zhebit – Professor of International relations, Universidade Federal de Rio de Janeiro, Brésil
. Jiejin Zhu - Associate Professor at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, Chine


[1] Cette déclaration commune a été prise à l’issue d’une vidéo-conférence historique, organisée le 27 mai par LEAP en partenariat avec FEFAP et en collaboration avec l’Université Fudan de Shanghaï, qui a réuni 28 représentants d’Allemagne, Brésil, Chine, Espagne, France, Inde, Pays-Bas, Russie et Ukraine, sur le thème suivant: “L’impact de la crise ukrainienne sur les relations Euro-BRICS – Un échange de points de vue Euro-BRICS sur la crise ukrainienne en vue de solutions possibles”. Les points de convergence ont été frappants et ont conduit le groupe à rédiger cette présente déclaration conjointe.
[2] Le LEAP et MGIMO ont initié le concept Euro-BRICS en 2009 comme cela a été établi dans ce document: Why Euro-BRICS? Ou ici: Concept of the 4th seminar
[3] Au moins M. Hollande, Mme Merkel, M. Modi, M. Poutine, Mme Rousseff, M. Xi, M. Zuma.
[4] Idéalement, en marge du Sommet BRICS qui doit se tenir au Brésil mi-Juillet; au plus tard, début 2015.

2014/06/28

A Euro-BRICS joint statement on the Ukrainian crisis : Three strategic proposals

[Republished from LEAP/E2020 site.]
We [1], the undersigned members of civil society in Europe and the BRICS (academic professors and researchers, think-tank leaders, journalists, business representatives, civil society representatives), declare our common worry about the trends currently at play resulting from the crisis in Ukraine. These trends are affecting the international community, threatening the sovereignty of Ukraine and the independence of Europe mainly, triggering an unwelcome polarisation of the international system and impacting an always fragile geopolitical balance.
We strongly disagree with the disruption of Euro-Russian relations and its negative consequences on Euro-BRICS future-bearer relations, with the deployment of troops on both sides of the Euro-Russian border and in particular of foreign US military troops on Europe’s territory, with the growing tensions provoked by the non-concerted free-trade policies of Europe and Russia on common border countries such as Ukraine, Georgia, Moldova, etc…
We also want to state that the humanitarian emergency situation in Ukraine and crimes and abuses committed against the civil populations during the Ukrainian crisis should be promptly dealt with and investigated.
We consider that the Ukrainian crisis calls for the set-up of a diplomatic arena to discuss Europe’s and Russia’s rights to organize their common markets and how to make these markets coexist peacefully. We estimate that the Euro-BRICS cooperation framework is likely to provide the proper mediation required to reach a positive result.
We wish to reaffirm our analysis [2] that Europe presents assets to contribute positively to the peaceful emergence of a multipolar world. Indeed the Ukrainian crisis has showed that, while an independent and open Europe provides grounds for the emergence of a multipolar world, a one-sided Europe creates the conditions for a world polarized between a Western bloc and the new global powers.
We want to remind that a historical transition from a unipolar world with the US as the sole superpower towards a multipolar world is underway that must be accompanied instead of contained. The whole world, including Europe and the United States, will gain from a commonly-conducted reorganisation of global governance acknowledging multipolarity. To this purpose, we need global leaders with a high sense of historical responsibility and collective interest.
It is this sense historical responsibility and collective interest that we call onto through this declaration.

** ACKNOWLEDGING SHARED RESPONSIBILITIES AS A PREREQUISITE – We have agreed that responsibilities over the crisis in Ukraine must be shared among Europe and Russia. On this basis of recognition of each player’s responsibilities only can peace be rebuilt in Ukraine and Euro-Russian relations revived.

** RESUMING EURO-RUSSIAN RELATIONS TO CREATE THE CONDITIONS FOR A UKRAINIAN-LED CRISIS RESOLUTION – It belongs to the Ukrainians to get organized and rebuild peace in Ukraine. However there is no way tensions between the pro-Russian and pro-European Ukrainians will deescalate if tensions between Russia and Europe do not deescalate first. Therefore, for the sake of peace in Ukraine, we require from European and Russian leaders to restart a constructive dialogue and we wish to encourage the media to provide a more objective information and correct the mis-information which would lead to more conflict in the future.

** A EURO-BRICS BACK-UP OF THE CRISIS RESOLUTION EFFORT – As a contribution to encourage and mediate the Euro-Russian effort to relaunch a solution-oriented dialogue, we request from Euro-BRICS leaders [3] that they soon [4] convene the first “Euro-BRICS summit for Ukraine” in an effort to establish causes, identify solutions and contribute to put in place the political and diplomatic conditions for a sovereign resolution of the Ukrainian crisis and for the prevention of similar crises with other Euro-Russian border states in the future.

 Undersigned members of civil society in Europe and the BRICS (academic professors and researchers, think-tank leaders, journalists, business representatives) by alphabetical order
. Adriana Abdenur – Professor, Institute of International Relations, PUC-Rio, Rio de Janeiro, Brazil
. Jean-Paul Baquiast – Honorary State comptroller / Publisher of www.europe-solidaire.eu, Paris, France
. Marie-Hélène Caillol – President LEAP/E2020 (Laboratoire européen d’Anticipation Politique), Paris, France
. Jayanthi Chandrasekharan – Assistant Professor, Department of French, Loyola College, Chennai, India
. Jose-Maria Compagni-Morales – President FEFAP (Fundación para la Educación y Formación en Anticipación Política), Associate Professor IE Business School, Sevilla, Spain
. Taco Dankers – Entrepreneur, software engineer, Dankers & Frank, Consulting and Software Engineering, Amsterdam, The Netherlands
. Baudouin De Sonis – Executive manager, e-Forum & EU-China-Forum / Associate director IERI (Institut Européen des Relations Internationales), Brussels, Belgium
. Anna Gots – Financial Director, AEGEE-Europe / European Students’ Forum, Belgium
. Harald Greib – President IRPA (Internationaler Rat fur Politische Antizipation), Hamburg, Germany
. Christel Hahn – General coordinator AAFB, Germany
. Michael Kahn - Professor Extraordinaire, Stellenbosch University, South Africa / Director, Research and Innovation Associates, Cape Town, South Africa
. Caroline Lubbers – Project manager Euro-BRICS, Amsterdam, The Netherlands
. Bruno Paul - Doctor in Sciences, Founder of conscience-sociale.org, Paris, France 
. Zhongqi Pan – Professor at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, China
. Sylvain Perifel – Coordinator GEAB, Leap2020, Paris, France
. Marianne Ranke-Cormier – President Newropeans, Paris, France
. Yi Shen - Associate Professor at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, China
. Suyuan Sun – Research Associate at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai, China
. Veronique Swinkels - Director general, BBK/Door Vriendschap Sterker, Amsterdam, The Netherlands
. Alexander Zhebit – Professor of International relations, Universidade Federal do Rio de Janeiro, Brazil
. Jiejin Zhu - Associate Professor at Center for BRICS studies, Fudan University, Shanghai,

________________

[1] This common statement results from a historical video-conference, organised on May 27th by LEAP in partnership with FEFAP and in collaboration with the Fudan University, Shanghai, which gathered 28 representatives from Brazil, China, France, Germany, India, Netherlands, Spain, Russia and Ukraine, on the following theme: “The impact of the Ukrainian crisis on Euro-BRICS, Euro-U.S. and BRICS’ relations – A Euro-BRICS exchange of views on the Ukrainian crisis with a view to possible solutions”. The convergence of views was striking and led the group to draft this joint statement.
[2] LEAP and MGIMO launched the Euro-BRICS process in 2009 on this intuition stated here: Why Euro-BRICS? or here: Concept of the 4th seminar
[3] At least Mr Hollande, Ms Merkel, Mr Modi, Mr Putin, Ms Rousseff, Mr Xi, Mr Zuma.
[4] Ideally as a side event of the upcoming BRICS Summit in Brazil mid-July; at the latest, early 2015.

2014/06/22

US Treasuries, BRICS and all other


FOREIGN HOLDERS OF US TREASURY SECURITIES, ranked by the rate of annual change 

(HOLDINGS AT END OF PERIOD, in billions of US dollars)

Country Apr Apr RoC,
2014 2013 YoY 
Russia 116,4 149,4 -22,1%
Thailand 46,9 59,3 -20,9%
Peru 13 15,9 -18,2%
Chile 26,4 32,1 -17,8%
Turkey 50,5 60,4 -16,4%
Philippines 33,9 39,3 -13,7%
Australia 31,2 35,8 -12,8%
Canada 60,5 66,2 -8,6%
Ireland 112,1 120,5 -7,0%
Oil Exporters  255,5 271,7 -6,0%
Luxembourg 141,3 149,7 -5,6%
Taiwan 175,7 185,7 -5,4%
All Other Countries 195,9 206 -4,9%
Switzerland 177,6 185,8 -4,4%
Poland 30,5 31,6 -3,5%
Spain 22,3 23 -3,0%
Brazil 245,8 253,1 -2,9%
China, Mainland 1263,2 1290,7 -2,1%
Singapore 93,1 92,3 0,9%
Germany 63 62,2 1,3%
Korea 55,3 53,1 4,1%
South Africa 14,2 13,6 4,4%
Colombia 32,9 30,9 6,5%
Israel 26,1 24,5 6,5%
Carib Bkg Ctrs  308,4 285 8,2%
Japan 1209,7 1112,7 8,7%
Sweden 35 32,1 9,0%
Hong Kong 155,1 141,2 9,8%
Denmark 15,3 13,7 11,7%
Italy 32 28,1 13,9%
Norway 85,6 74,9 14,3%
United Kingdom  185,5 160,2 15,8%
India 68,7 55,8 23,1%
France 62,3 50,6 23,1%
Mexico 70,6 57 23,9%
Netherlands 36,2 27,3 32,6%
Kazakhstan 32,7 23,1 41,6%
Vietnam 14,2 9,7 46,4%
Belgium 366,4 185,5 97,5%
Grand Total 5960,9 5709,7 4,4%

Of which:
Foreign Official 4067,5 4080 -0,3%
BRICS + Oil Exporters 1963,8 2034,3 -3,5%

Eurozone excepting
Belgium 469,2 461,4 1,7%

(RoC = rate of annual change)

Remember: Belgium, Luxembourg, UK and Switzerland are custodial centers. More details here.

Source: TIC data, published 06/2014


2014/06/15

Artwork: Création originale pour la fête des pères


- "Papa, quel est ton animal préféré?"
- "Je crois que c'est le colibri."
- "Et sinon le chat?"
- "Oui c'est aussi mon préféré."


 Miaou! Je m'appelle Havana Matoucubos.
Je suis de la célèbre race des chats cubains, les Cha Guevara.
Je suis un chat très rare parce que je ne ron-ronne pas.


Joue avec moi!


Tu peux toujours essayer de m'attraper!


La nuit, tous les matous sourient  :-P


---Un concept original de ma fille cadette :)  sous licence CC BY SA.

2014/06/06

Les banques dupées par Draghi et la BCE


De "la pluie d'annonces" que la BCE a fait tomber hier, nous retiendrons ceci:
  • tout d'abord que ces mesures sont sensées parer à la déflation et à la baisse de croissance dans la zone euro, notamment en faisant baisser l'euro par rapport au dollar
  • que les traders et analystes des grandes banques ou fonds (ce que l'on nomme un peu vite "les marchés") ont tous applaudis des deux mains;
  • que les effets seront longs à se faire sentir d'après Draghi : "Il est très vraisemblable que nous constaterons des effets immédiats sur le marché monétaire et des effets sur l'économie réelle attribuables à ce programme avec retard... cela prendra probablement trois à quatre trimestres."
  • que les projections des services de la BCE sont révisées pour 2014 avec les risques à la baisse : risques géopolitiques, pays émergents, demande intérieure insuffisante, réformes insuffisantes.
  • qu'à la fin de la journée un analyste à ce point convaincu a déclaré : "Après ce paquet d'annonces vraiment, si ça ne fonctionne pas, ça ne peut être que la faute des banques!"

La dernière section de cet article détaille les principales mesures. Il y en a d'autres, notamment concernant l'arrêt de la stérilisation -déjà lacunaire- lors des rachats de SMP (retrait de liquidités), qui vont gonfler la masse monétaire de 165 milliards d'€ environ; ainsi que les rachats de certaines dettes titrisées dites ABS (mais on ne sait pas encore lesquelles exactement: credit immobilier, credit aux entreprises grandes ou petites...). Dans tous les cas leur volume sera faible :
Before the global financial crisis erupted in 2007, Europe had a nascent market for ABS backed by small business loans. In 2006, for example, there were 34 issues worth a total €46 bn, with Spain accounting for 15 of them, according to data from the Fitch rating agency. [1]

Revenons au début: la déflation.

Comment l'observe t'on? Certainement pas par une inflation entre 0 et +1%, comme actuellement. Au mieux, c'est de la desinflation, au pire de la desinformation.
Elle s'observe par l'évolution longue de la structure des taux d'intérêts, ramenés à 10 ans. Or ceux-ci continuent de baisser, baisser, depuis plusieurs années en Occident malgré les QE, LTRO et politiques monétaires non conventionnelles, ce que ne comprend aucun analyste ou économiste hors ceux de l'école de Menger :

10 Year Eurozone AAA government bond yield since 2004 (source)

... idem pour les USA depuis 1980 :
US government bond 10Y since 1912, implied yield

... et pour UK :
UK government bond 10Y since 1980, implied yield

Et cela se mesure aussi clairement sur la vélocité de la monnaie, calculée ici avec le rapport PIB/M2 pour les US et la zone euro :

Velocity of M2 money stock (calculated using GDP/M2): U.S. (lhs) and Euro Area (rhs); data series since 1959 and 1994; updated quarterly

L'explication est pourtant simple: des baisses de taux directeurs appellent des taux encore plus bas. Les entreprises et les ménages l'anticipent et retardent un peu leurs investissements, dans l'attente de taux plus bas, c'est à dire un crédit moins cher. Comme les médecins de Molière, les banquiers centraux n'ont pas compris qu'un malade pouvait mourir de saignées répétées (c'est à dire les baisses de taux directeurs), parce que c'est le seul traitement à leur disposition dans leur valise. Parce qu'ils n'ont pas étudié ou compris Menger et Fekete. Et les retards d'investissement (un problème de demande et de confiance, voir la dernière section) signifient une transmission cassée ou opposée de l'impulsion souhaitée par la politique monétaire (sauf si ce que l'on souhaite en réalité c'est la déflation!). 

Les politiques monétaires des banques centrales depuis un siècle (hormis la période gaullienne) sont devenues une partie essentielle du problème, au lieu d'être une partie essentielle de la solution comme tous les médias et économistes le diffusent.

En l'absence de guerre militaire et de destruction physique du capital, la seule issue possible d'un système monétaire centralisé et entièrement fiduciaire est la déflation.

L'euro est-il trop cher actuellement? Clairement non, pas encore.

La position relative de l'euro par rapport aux autres devises ne doit se mesurer que sur une longue période pour avoir le moindre sens. Voila ce qu'il en est pour la position vis à vis du dollar :

US Dollar / Euro exchange rate since 1999, updated daily (source: BCE)

Bref entre 1.2 et 1.4 on est dans un territoire absolument normal, qui n'a pas exigé des mesures non conventionnelles auparavant, et qui n'en exigent donc pas maintenant. Au mieux on peut dire que c'est le dollar qui s'affaiblit et qu'on veut éviter de franchir bientôt le seuil de 1,4 USD/€
Et pour la position de l'euro vis à vis des autres devises... :

Euro area-17 countries vis-a-vis the EER-20 group of trading partners (AU, CA, DK, HK, JP, NO, SG, KR, SE, CH, GB, US, BG, CZ, LV, LT, HU, PL, RO and CN) ; Data serie since 06/1993; updated daily

... c'est pareil. Il n'y a pas le feu au lac sur ce sujet, pas plus ni moins qu'en 2006.

Les banques dupées

En résumé:
  • concernant la déflation les mesures prises sont neutres ou négatives,
  • concernant le ratio euro / dollar, l'effet le plus grand est du côté de la faiblesse du dollar et des US et non pas de la force de l'euro. Cette faiblesse entraîne un flux des assets vers la liquidité maximum et le risque minimum donc la devise dont les stocks gonflent (maintenant que les obligations court terme sont à zéro virgule zéro pour très longtemps et qu'il n'y a quasiment plus d'or disponible),
  • les "marchés" sont pris à leur propre jeu d'influence médiatique parce qu'ils ne maîtrisent pas les fondamentaux économiques de la situation ; ayant fortement pressé Draghi dans cette direction, puis l'ayant désormais glorifié d'être passé aux actes, ils ne pourront plus mener campagne contre la BCE quand les faits montreront que la situation économique en zone euro stagne (au mieux),
  • les banques seront donc la cible privilégiée de fortes attaques dans les mois à venir, "parce qu'elles renaclent à faire leur travail de soutien de l'économie réelle"
  • la BCE a acheté du temps pour préparer de nouvelles régulations nécessaires pour encaisser le choc principal encore à venir, 
  • les acteurs financiers occidentaux ont perdu de l'influence stratégique auprès de la BCE,
  • non, la BCE ne rachètera jamais aveuglément d'assets des banques européennes (QE) qui ne feraient qu'acheter de nouveaux bons du Trésor US avec ces nouvelles liquidités. Les "marchés" ne forceront pas la main à la BCE pour soutenir la Fed.

Détail sur les mesures annoncées par Mario Draghi [2]

Elles sont globalement au nombre de trois. 

1/ Le principal taux d’intérêt directeur passe de 0,25 % à 0,15 %. En gros, nous allons pouvoir emprunter un poil moins cher de l’argent que nous ne voulons pas emprunter puisque nous ne sommes pas sûrs de pouvoir le rembourser en particulier pour ceux qui n’ont pas de visibilité sur leur emploi. Cela ne changera donc pas grand-chose. Je n’emprunte pas parce que les taux viennent de baisser de 0,10 %, j’emprunte parce que j’en ai besoin ou parce que je vais réaliser un investissement rentable. 
Retenez donc que le taux directeur est celui qui fixe en gros le prix d’emprunt de l’argent.
2/ Le taux de dépôt de la BCE, lui, est devenu carrément négatif et c’est une grande première historique pour la BCE. Il y a bien eu quelques expériences de ce genre il y a quelques années en particulier dans des pays nordiques, mais cela n’a pas réellement fonctionné. Disons que sur ce sujet nous n’avons pas de recul suffisant pour être affirmatifs dans nos appréciations. Néanmoins, mon point de vue est que là encore, cela ne va pas fonctionner.

Avant de vous expliquer pourquoi, expliquons ce qu’est le taux de dépôt. Lorsqu’une banque commerciale comme la Société Générale ou la BNP dispose d’un excédent de trésorerie, elle peut prêter ces fonds par exemple à d’autres banques qui, elles, seraient en manque ponctuel de liquidités. Le problème c’est que depuis 2007 plus personne n’a confiance en personne, donc les banques en excédent déposent leur argent directement à la BCE qui, jusqu’à présent, rémunérait ses fonds (bien que de moins en moins).

Désormais, une banque qui placera son argent à la BCE aura moins à la sortie de son placement qu’à son entrée. En clair, les banques vont devoir payer pour placer leur épargne à la BCE !

L’idée c’est de forcer les banques en excédent à prêter et à financer l’économie… enfin officiellement !
Pourquoi cela ne va sans doute pas marcher ?
Les raisons sont multiples. Tout d’abord, le problème de fond est la confiance. Certaines banques préféreront perdre très légèrement plutôt que d’aller prendre des risques inutiles.

La réalité c’est que certaines banques vont préférer prêter à des États surendettés et en situation de solvabilité très dégradée pour la raison simple que la BCE devrait intervenir en cas de pépin grave (en tout cas c’est le pari), donc plutôt que de financer l’économie réelle, moi banquier, je préfère prêter mes sous à l’Espagne à 3 % !  
Évidemment, 3 % cela rapporte plus que de payer 0,10 % ! Le calcul est donc vite fait pour nos rapaces de banquiers.

Enfin, certes les banques se montrent réticentes à financer l’économie réelle, en revanche ce n’est qu’une partie de ce problème. Il y a l’offre de crédit (côté banque) mais il y a aussi une demande de crédit (côté client). Or la demande de crédit est orientée dramatiquement à la baisse depuis plus de deux ans. La raison est simple. Les particuliers, qui ont peur pour leur emploi, ne veulent pas emprunter. Logique. Les entreprises, qui n’ont pas de visibilité, ne veulent pas investir… donc elles n’empruntent pas. Logique aussi.

Enfin, et c’est le dernier élément, les banques garderont tout simplement leur argent sur leur propre compte et préféreront plutôt ne rien faire que d’en perdre !

3/ Comme nous l’apprend la dépêche AFP, « selon les analystes, il pourrait annoncer entre autres un nouveau crédit à long terme (LTRO) aux banques, soumis cette fois à la condition qu’elles prêtent à leur tour contrairement à deux LTRO à trois ans lancés précédemment par la BCE ». C’est le fameux « crédit easing » européen que j’avais déjà évoqué à plusieurs reprises et qui se précise. 

Cependant, Mario Draghi garde des « cartouches » et des munitions pour plus tard et continue sa politique qui, essentiellement, vise simplement à gagner du temps. Pour quoi faire ? Nul ne le sait. Disons que nous gagnons du temps ou plus précisément nous achetons du temps non pas tant pour ce que cela nous permettra de faire que pour ce que cela nous évitera de vivre.

Nous n’en sommes plus, et depuis longtemps, à vouloir améliorer la situation puisque nous n’avons rien fait depuis 7 ans pour changer véritablement les modes de fonctionnement de notre système. Nous en sommes juste à vouloir éviter les conséquences désastreuses d’un effondrement et les autorités tentent désespérément d’organiser une lente descente plutôt qu’une chute violente.

Je laisse donc le mot de la fin à Carsten Bzreski, économiste de la banque ING repris par l’AFP, qui a déclaré à propos des annonces de Mario Draghi que :
« Mais cela aidera-t-il à faire repartir l’économie ? Probablement pas mais la BCE a montré sa détermination et sa capacité à agir ! »
Ce qui peut être traduit par un lapidaire « ce que fait la BCE ne servira à rien mais tout le monde fait semblant de croire que ce que l’on fait sera efficace ! »  Si la situation n’était pas aussi dramatique, ce serait drôle.

 _________________________

[1] Financial Times, 05/2013

[2] Cette section (avec quelques modifications que j'ai apportées) est sous licence ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Section écrite par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.