"Pendant que tu regardais, une pierre s'est détachée sans aucune intervention extérieure. Elle a frappé les pieds en fer et en argile de la statue et les a pulvérisés. Le fer, l'argile, le bronze, l'argent et l'or ont alors été pulvérisés ensemble, et ils sont devenus pareils à la bale qui s'échappe d'une aire de battage en été: le vent les a emportés et on n'a plus trouvé aucune trace d'eux. Quant à la pierre qui avait frappé la statue, elle est devenue une grande montagne et a rempli toute la terre.[...]
Il y aura un quatrième royaume, solide comme du fer. En effet, le fer pulvérise et écrase tout. Tout comme le fer brise tout, il pulvérisera et écrasera les autres. Tu as vu les pieds et les orteils en partie en argile de potier et en partie en fer. De même, ce royaume sera divisé, mais il y aura en lui quelque chose de la force du fer, parce que tu as vu le fer mélangé à l'argile. Les doigts des pieds étaient en partie en fer et en partie en argile. De même, ce royaume sera en partie fort et en partie fragile. Tu as vu le fer mélangé à l'argile parce qu'ils feront des alliances tout humaines. Cependant, ils ne seront pas vraiment unis l'un à l'autre, de même qu'on ne peut allier le fer à l'argile.
A l'époque de ces rois, le Dieu du ciel fera surgir un royaume qui ne sera jamais détruit et qui ne passera pas sous la domination d'un autre peuple; il pulvérisera tous ces royaumes-là et y mettra fin, tandis que lui-même subsistera éternellement."
René Guénon, Le règne de la quantité et les signes des temps, (1945), pp.147 :
"Il y a donc, dans la réduction graduelle de toutes choses au quantitatif, un point à partir duquel cette réduction ne tend plus à la « solidification », et ce point est en somme celui où l’on en arrive à vouloir ramener la quantité continue elle-même à la quantité discontinue ; les corps ne peuvent plus alors subsister comme tels, et ils se résolvent en une sorte de poussière « atomique » sans consistance ; on pourrait donc, à cet égard, parler d’une véritable « pulvérisation » du monde, ce qui est évidemment une des formes possibles de la dissolution cyclique. Cependant, si cette dissolution peut être envisagée ainsi à un certain point de vue, elle apparaît aussi, à un autre point de vue, et suivant une expression que nous avons déjà employée précédemment, comme une « volatilisation »."et pp.267 :
"Au surplus, le faux est forcément aussi l’« artificiel », et à cet égard, la « contre-tradition » ne pourra pas manquer d’avoir encore, malgré tout, ce caractère « mécanique » qui est celui de toutes les productions du monde moderne dont elle sera la dernière ; plus exactement encore, il y aura en elle quelque chose de comparable à l’automatisme de ces « cadavres psychiques » dont nous avons parlé précédemment, et elle ne sera d’ailleurs, comme eux, faite que de « résidus » animés artificiellement et momentanément, ce qui explique encore qu’il ne puisse y avoir là rien de durable ; cet amas de « résidus » galvanisé, si l’on peut dire, par une volonté « infernale », est bien, assurément, ce qui donne l’idée la plus nette de quelque chose qui est arrivé aux confins mêmes de la dissolution.
Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu d’insister davantage sur toutes ces choses ; il serait peu utile, au fond, de chercher à prévoir en détail comment sera constituée la « contre-tradition », et d’ailleurs ces indications générales seraient déjà presque suffisantes pour ceux qui voudraient en faire par eux-mêmes l’application à des points plus particuliers, ce qui ne peut en tout cas rentrer dans notre propos. Quoi qu’il en soit, nous sommes arrivés là au dernier terme de l’action antitraditionnelle qui doit mener ce monde vers sa fin ; après ce règne passager de la « contre-tradition », il ne peut plus y avoir, pour parvenir au moment ultime du cycle actuel, que le « redressement » qui, remettant soudain toutes choses à leur place normale, alors même que la subversion semblait complète, préparera immédiatement l’« âge d’or » du cycle futur."