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2015/12/06

Jour d'élections en France


Le soldat est persuadé qu’un certain délai indéfiniment prolongeable lui sera accordé avant qu’il soit tué, le voleur — comme le traître, le corrompu, l'assassin — avant qu’il soit pris, les hommes d'État avant qu'ils soient rattrapés par l'histoire, les hommes en général avant qu’ils aient à mourir.
C’est là l’amulette qui préserve les individus — et parfois les peuples — non du danger mais de la peur du danger, en réalité de la croyance au danger, ce qui dans certains cas permet de le braver sans qu’il soit besoin d’être brave. 
Dans tous les autres cas c'est là la marque de la folie qui perd les individus — et parfois les peuples — et qui justifie de répéter cette parole célèbre que Sophocles a mis dans la bouche du peuple voici 2500 ans :

 – Celui qu’un dieu pousse à sa perte prend souvent le mal pour le bien, et il n’est garanti de la ruine que pour très peu de temps.


~ Librement inspiré de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, 1919, tome 4, Pp. 14.

2015/01/08

Messages de l'état profond anglo-américain aux protectorats européens qui veulent s'émanciper


[mis à jour le 14/11/2015]

"Seul le combat pour la vérité permet d’échapper au garrot de la peur et de vaincre la résignation. Parce que vivre, c'est ne pas se résigner à une soi-disant fatalité."



Novembre 2015

Ces actes de terreur menés par des professionnels, ces actes de guerre asymétrique menés par des groupes secrets paramilitaires, au cœur de nos pays, est la véritable signature des agents d'un État Profond et non pas des prétendus "terroristes islamistes des quartiers".
Il s'agit d'un message de rétorsion commis en représailles à l’action de la France en Syrie. La diplomatie de la France a changé d'alliance en Syrie depuis le 27 septembre, acceptant enfin le nouveau réalisme géopolitique, qui se traduit par un délitement politique du bloc atlantiste. La France avait également bombardé un centre pétrolier du groupe Etat Islamique début novembre.


Janvier 2015

Ici aussi, ces actes de terreur menés par des professionnels comme le décrit l'ancien patron du GIGN, cette guerre asymétrique, secrète, au cœur de nos pays, est la véritable signature des agents d'un État Profond et non pas des prétendus "terroristes islamistes des quartiers".
Bien que toute la vérité soit encore loin, il s'agit d'un message
... parce que la veille, Hollande a déclaré vouloir s'émanciper de la tutelle anglo-américaine :

... et parce que depuis le 1er janvier, avec la naissance officielle de l'Union Eurasiatique, la grande bascule géopolitique de l'Europe se réalise. Les énergies accumulées dans les préparatifs sont libérées et les pays bougent: 

Pour mieux comprendre le contexte d'ensemble de cette guerre qui devient visible pour tous parce que l'ennemi est désormais acculé, voici un très bref rappel historique du quasi-protectorat anglo-américain sur la France et l'Europe, après la période gaulliste pour l'une et après la deuxième guerre mondiale pour l'autre, en particulier pour l'Allemagne:
en 2009


en 2007, à propos de l'après 1945
« La mise en place des organisations stay-behind dans les pays de l’OTAN débuta dès le lendemain de la seconde guerre mondiale », confirma le rapport officiel du gouvernement allemand en 1990.
Référence: Daniele Ganser, Les Armées Secrètes de l’OTAN - Réseaux Stay Behind, Opération Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, Ed. Demi-Lune, 2007, Pp. 262.

en 2005, à propos de 1989
Danielle Mitterrand, épouse pendant quatorze ans du président de la République française, dans une entrevue avec le journaliste colombien Hernando Calvo Ospina le 28 Octobre 2005:
« DM: Je ne pouvais croire que les « bulldozers » du marché pourraient arriver à recouvrir jusqu’aux fondements mêmes de notre culture. Et ils l’ont fait.
Pourquoi un gouvernement qui se disait de gauche ne pouvait-il pas répondre aux attentes qu’il avait créées durant tant d’années dans l’opposition, tant au niveau national qu’international ? Devait-on accepter les impératifs d’un système mercantile jusqu’à la soumission ? 
HCO : Ce système du marché sauvage, du capitalisme, du néolibéralisme, a à sa tête les États-Unis. Est-ce que la France se soumettait aux desseins de ce pays ? 
DM : Durant la célébration du Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme, en juillet 1989, j’ai pu voir jusqu’à quel point nous étions soumis aux Etats-Unis.
L’Etat français n’invita pas plusieurs dignitaires en particulier des latino-américains. Comme par hasard, c’était ces pays-là que Washington voulait détruire.
Je me rappelle avoir dit à François : "Jusqu’à quel point allons-nous être dépendants de l’humeur des Etats-Unis, ne pas pouvoir choisir nos invités pour nos festivités…?" 
Ce fût une honte. 
HCO : Mme Mitterrand, est-ce que la France est un modèle de démocratie ? Est-ce une puissance mondiale ? 
DM : En France, on élit et les élus font des lois qu’ils n’ont jamais proposées et dont nous n’avons jamais voulu. Est-ce la démocratie quand après avoir voté nous n’ayons pas la possibilité d’avoir de l’influence sur les élus ?
Je ne crois pas que dans aucun des pays qui se disent démocratiques, ceux-là qui croient avoir le droit d’imposer «leur» démocratie aux pays pauvres, il existe la démocratie, à commencer par les États-Unis et la France. 
La France est une démocratie ? Une puissance mondiale ? Je le dis en tant que Française: cela ne veut rien dire. »
Le président François Mitterrand, un soir d'octobre 1994 à l'Elysée confiait :
« Balladur est un naïf... Il veut jouer au chef d'Etat mais il ne savait pas pour l'Arabie Saoudite que ce sont les Américains qui tiennent cette partie du monde...  
La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique.
Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort. Apparemment.
Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. [...]
Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort...
Une guerre... Ils sont en guerre permanente... Une guerre sans mort apparemment... Il faut se souvenir de tout ce qu'ils ont fait depuis trente ans contre le Concorde... Leur propagande... Leurs manipulations... Leurs mensonges...»
Georges-Marc Benamou, Le Dernier Mitterrand, pp.52-54, 1997, Plon.

Depuis fin 2014 en particulier ces morts français en France sont très apparents, mais il ne faut pas pour autant oublier ceux qui ont perdus la vie lors de tous les attentats commis sur notre sol depuis 1945.
Ceci dit désormais les français sont confrontés aux mêmes miliciens tueurs que les ukrainiens russophones. L'Etat Profond anglo-américain panique de manière prononcée et active ses agents et les groupuscules extrémistes qu'ils contrôlent. Il n'existe aucun "loup solitaire" terroriste, sauf dans la bouche de ceux qui refusent de réfléchir.

La "soft power" de l'empire anglo-américain a disparu, il n'a d'autres recours que la violence brutale envers ses anciens "protégés" européens. Cela veut dire que notre décolonisation est engagée.
Rétrospectivement, il est justifié d'affirmer que la prise de contrôle de la France avait commencé par l'accord de Washington en décembre 1971, si l'on omet le puissant travail de sape opéré dans les années 1930 qui a conduit au désastre de mai 1940.

Si elle est pourtant inéluctable, la rapidité de cette décolonisation dépend néanmoins des efforts de chacun d'entre nous.

C'est pourquoi il faut soutenir notre président dans cette nouvelle direction d'émancipation.

Les Atlantistes seront bientôt tondus. Car qui veut les voir élus en 2017 alors que nous avons pris conscience de qui sont nos vrais ennemis dans cette guerre contre les peuples ?

Mise à jour le 16/01/2015: 

Une psy-ops très bien menée... 

Il faut se libérer de l'émotion d'abord, et rebondir positivement et avec perspicacité sur le rassemblement qui s'est manifesté. 

Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront à notre place, pour leurs intérêts qui sont contraire aux nôtres, et c'est ainsi qu'un peuple se retrouve mené comme un troupeau qui ne comprend jamais qu'il est dirigé vers l'abattoir.

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Bilan macabre -très partiel- de ces dernières années qui nous unis contre le terrorisme de l'État Profond transnational et ses crimes fomentés contre les peuples afin d'inciter une escalade vers les guerres civiles (sans compter les pays qui ont hélas déjà sombré dans ces guerres). Sources: 1, 2, 3.

Novembre 2015, Paris, France : 129 morts, environ 352 blessés (provisoire).
Novembre 2015, Beyrouth, Liban : 43 morts
Octobre 2015, Yola, Nigéria : 55 morts 
Octobre 2015, Sinaï, Egypte (vol russe Kogalymavia / Metrojet) : 224 morts 
Octobre 2015, Tchad : 37 morts
Octobre 2015, Ankara, Turquie : 102 morts, 500 blessés
Août  2015, Nigéria : 50 morts
Août 2015, Bangkok, Thaïlande : 21 morts
Juillet 2015, Suruç, Turquie : 32 morts, 100 blessés 
Juillet 2015, Gombe, Nigéria : 49 morts
Juin 2015, Sousse, Tunisie : 38 morts
Juin 2015, Koweit City, Koweit : 27 morts, plus de 227 blessés
Juin 2015, N'Djamena, Tchad : 37 morts
Mai 2015, Koudeih, Arabie saoudite : 21 morts
Mai 2015, Pakistan : 45 morts
Avril 2015, Garissa, Kenya : 148 morts, 79 blessés
Mars 2015, Tunis, Tunisie (musée du Bardo) : 24 morts, 47 blessés
Mars 2015, Mogadiscio, Somalie : 20 morts
Mars 2015, Yémen : au moins 142 morts
Février 2015, Kano, Nigeria : 34 morts
Janvier 2015, Sinaï, Égypte : 30 morts
Janvier 2015, massacre de Baga, Nigéria : au moins 200 morts, 2 000 personnes portées disparues
Janvier 2015, Pakistan : au moins 55 morts, au moins 59 blessés
Janvier 2015, Paris, France : 17 morts, 21 blessés
Janvier 2015, Sanaa, Yémen : 40 morts

Novembre 2014, Kano, Nigéria : environ 120 morts, 260 blessés
Juillet 2014, vol MH17 : 298 morts
Mai 2014, Jos, Nigéria : 118 morts, plus de 56 blessés
Mars 2014, Kunming, Chine : 29 morts, 143 blessés
Février 2014, Borno, Nigéria : au moins 200 morts
Décembre 2013, VolgogradRussie : 30 morts
Septembre 2013, Nairobi, Kenya : 67 morts, 175 blessés
Mars 2012, Toulouse et Montauban, France : 7 morts, 6 blessés
Juillet 2011, Oslo, Norvège : 77 morts, 151 blessés
Avril 2011, Minsk, Biélorussie : 12 morts, 100 blessés
Avril 2011, Marrakech, Maroc : 17 morts, 20 blessés
Mars 2010, métro de Moscou, Russie : 39 morts, 102 blessés
Novembre 2008, Bombay, Inde : au moins 166 morts 
Juillet 2006, Bombay, Inde : 209 morts, plus de 700 blessés
Décembre 2005, Amman, Jordanie : plus de 60 morts, 115 blessés 
Octobre 2005, New Delhi, Inde : plus de 62 morts, 210 blessés
Octobre 2005, Bali, Indonésie : plus de 20 morts, plus de 100 blessés
Juillet 2005, Londres, UK : 56 morts, 700 blessés
Juillet 2005, Charm el-Cheikh, Egypte : 64 morts
Septembre 2004, Beslan, Russie : 344 morts
Août 2004, Moscou, Russie (2 avions de ligne) : 89 morts 
Mars 2004, Madrid, Espagne : 191 morts, 1400 blessés
Octobre 2002, Théâtre de Moscou, Russie : 128 morts
Octobre 2002, Bali, Indonésie : 202 morts, 240 blessés
Septembre 2001, USA : 2977 morts, plus de 600 blessés
Septembre 1999, Bouïnaksk, Moscou, Volgodonsk, Russie : 293 morts et 651 blessés
Août 1998, attentats des ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya : 224 morts, plus de 4000 blessés
Février 1998, Coimbatore, Inde : 58 morts et plus de 200 blessés
Novembre 1997, Louxor, Egypte : 62 morts, 26 blessés
Juillet 1995, Paris, France : 10 morts, plus de 130 blessés
Juin 1995, Boudionnovsk, Russie : 150 morts
Août 1980, Bologne, Italie : 85 morts, plus de 200 blessés

2014/06/05

Esprit, Survivance et Fraternité (l'Esprit Européen, partie 4)

L'ensemble de nos travaux serait vain si nous ne prenions pas d'abord conscience du fait décisif qui les domine : jamais l'humanité, même lors de la chute de Rome, n'a subi, en une seule génération une si profonde métamorphose. Dans le domaine de l'esprit comme dans tant d'autres, nous sommes en face d'une nouvelle civilisation. Non seulement nouvelle en face de celle du XIXe siècle, mais encore en face de toutes celles qui l'ont précédée. C'étaient les grandes civilisations agraires, et les conseillers des pharaons ou d'Alexandre étaient presque les mêmes que ceux de Napoléon. Mais si Napoléon eût pu assez facilement parler avec Ramsès des moyens de gouvernement il aurait grand mal à en parler avec le président Johnson, Staline, le Général de Gaulle ou Mao Tsé Toung.

Dans ce domaine de l'esprit, la première caractéristique de notre époque, c'est évidemment la diffusion des œuvres. Mais de façon plus complexe qu'il ne semble. Parce que les disques, les photos d’œuvres d'art, les traductions, le cinéma, la télévision, apportent la présence concrète de la première culture mondiale. L'humanité prend à la fois conscience des invincibles frontières qui la morcelaient, de l'impossible dialogue, par exemple, entre la civilisation aztèque et celle de la Chine ancienne - et des sentiments profonds qui nous unissent. Dans l'une des versions d'Anna Karénine, un metteur en scène américain, qui faisait jouer par une actrice suédoise, Garbo, le personnage illustre conçu par un romancier russe, a fait pleurer les foules de tous les continents. Chaplin a fait rire la terre entière. 

Prenons garde que ce n'est pas d'une juxtaposition des connaissances que nous sommes les premiers héritiers. Les statues africaines ou celles des hautes époques, qui entrent à côté des statues grecques dans nos musées et dans nos albums, ne sont pas des statues grecques de plus. Il ne s'agit pas de rivalité. La statue africaine n'est pas meilleure ou moins bonne : elle est autre. Elle met en question notre notion même de l'art, comme l'entrée en scène presque simultanée de toutes les cultures met en cause notre civilisation. La métamorphose apporte sa propre création. Qu'auraient eu à se dire Saint Paul et Platon ? Des injures ? Pour que leur dialogue devînt possible, il fallait que naquît Montaigne. 

Nous sommes chargés de l'héritage du monde, mais il prendra la forme que nous lui donnerons. 

C'est ici qu'entrent en jeu les grandes cultures nationales. Car, en même temps que notre siècle découvre la culture mondiale, il découvre, à sa grande surprise, le renforcement des nations. Par les grandes voix alternées de Marx et de Victor Hugo, le XIXe siècle avait proclamé la venue de l'Internationale politique. Peu après, Nietzsche annonçait : "Le XXe siècle sera celui des guerres nationales..." Partout les nations naissent ou renaissent. C'est Nietzsche qui a gagné. Mais prenons garde que les nations, dans notre siècle, ne sont plus ce qu'elles furent jadis. Le fait national est l'un des plus importants de notre temps, mais il n'est plus la base du nationalisme, il est, avant tout, un problème. [...]

Notre propre problème n'est donc nullement dans l'opposition des cultures nationales, mais dans l'esprit particulier qu'une culture nationale peut donner à la culture mondiale. Nous sommes de culture française, et entendons le rester parce que nous avons découvert la force de l'enracinement, la faiblesse de l'abstraction en ces matières. [...] 

Ce qui tient d'abord à la fonction nouvelle de la culture. Toutes les civilisations qui ont précédé la nôtre ont été des cultures religieuses, à l'exception de quelques siècles d'Occident. Pour les masses, les valeurs essentielles, le caractère exemplaire de l'homme étaient données par la foi. Pour la chrétienté entière, le type exemplaire de l'homme médiéval était le chevalier. Pour le Moyen Age, le lieu de la culture ce n'était pas la bibliothèque, c'était l'Eglise. 

La Renaissance a changé tout cela, parce que, pour un nombre d'hommes assez restreint, elle a inventé une antiquité exemplaire. Pour la Toscane de Laurent le Magnifique, l'antique n'est pas, comme pour nous, une civilisation parmi d'autres, l'objet d'une interrogation : l'antiquité, c'est Plutarque; le monde de Périclès, d'Alexandre et de César, où Néron glisse comme une ombre. Surtout, le monde des penseurs qui nous ont transmis une des plus nobles images de l'homme. C'est en ce temps que le mot culture a pris le sens que nous lui donnons encore. La Renaissance ne fut nullement anti-chrétienne. Son objet, ce fut d'unir Socrate et Bernard de Clairvaux, le sage et le saint, le héros et le chevalier. Ce qu'elle attendait du passé qu'elle ressuscitait, au temps où la chrétienté perdait sa puissance de cathédrale, c'était la défense de ses propres valeurs. 

Nous aussi. Mais de façon plus dramatique, parce que nos valeurs sont beaucoup plus menacées. 

Elles le sont d'abord parce que notre civilisation est une civilisation agnostique. Pour la première fois, le cosmos et l'homme sont irréductiblement dissociés. Nous connaissons mieux que tous nos prédécesseurs les lois de l'univers; mais à l'univers d'Einstein, l'homme n'est pas nécessaire, sauf pour le concevoir. Notre univers pourrait très bien se passer de l'homme. Nous le connaissons mieux qu'on ne l'a connu avant nous; mais quelle relation établissons-nous entre les lois de la matière et ce que nous révèle la psychanalyse ? 

Voici donc, pour la première fois, une civilisation que ses rêves frôlent ou possèdent et qui n'ordonne pas ses rêves. On a beaucoup dit que la machine excluait les rêves, ce que tout contredit. Car la civilisation des machines est aussi celle des machines à rêves, et jamais l'homme ne fût à ce point assiégé par ses songes, admirables ou défigurés. Mais jamais une pareille soumission à l'infantilisme n'aura proposé à tous les hommes de la terre un peuple de rêves qui ne signifient rien au-dessus de quinze ans. Les rêves n'ont pas d'âge ? Ils peuvent appartenir à une enfance qui est le pôle secret de la vie, ou à une enfance qui en reste le balbutiement. Pour la première fois, les rêves ont leurs usines, et pour la première fois, l'humanité oscille entre l'assouvissement de son pire infantilisme et La Tempête de Shakespeare. 

C'est pourquoi ce que tentent nos Maisons de la Culture, et ce que d'autres, dans d'autres pays, commencent à tenter après elles, a tant d'importance. Chaque civilisation a connu ses démons et ses anges. Mais ses démons n'étaient pas nécessairement milliardaires et producteurs de fictions. Quant aux anges, nous savons ceci. Tôt ou tard, l'usine de rêve vit de ses moyens les plus efficaces qui sont le sexe et le sang. Et une seule voix est aussi puissante que celle des instincts fondamentaux : celle de la survivance, que l'on appelait jadis l'immortalité. 

Pourquoi ? Nous l'ignorons, mais nous le constatons. Devant Le Cid, devant Macbeth, devant Antigone, nous découvrons que ce qui s'oppose au plus agissant langage des instincts, ce sont les paroles qui ont triomphé des siècles. L'oeuvre la plus puissamment basse ne prévaut pas contre l'écho de ce que la petite princesse thébaine disait au pied de l'Acropole : "Je ne suis pas venue sur la terre pour partager la haine, mais pour partager l'amour". 

La culture, c'est ce qui permet à notre civilisation de lutter contre ces usines de rêves ce qui permet de fonder l'homme l'Homme lorsqu'il n'est plus fondé sur Dieu. Ainsi sa fonction dans notre civilisation apparaît-elle clairement. Et avec elle l'absurdité du problème qui se pose depuis cinquante ans, celui de la rivalité des cultures vivantes. Il est sans intérêt de chercher si nous devons préférer la culture française à l'anglaise, l'américaine, l'allemande ou la russe. Parce que nous pouvons connaître - nous devons connaître - d'autres cultures que la nôtre; mais nous ne les connaissons pas de la même façon. Le colonel Lawrence disait par expérience que tout homme qui appartenait réellement à deux cultures (dans son cas, l'anglaise et l'arabe) perdait son âme. Pour atteindre la culture mondiale - ce qui veut dire, aujourd'hui, pour opposer aux puissances obscures les puissances d'immortalité - chaque homme se fonde sur une culture, et c'est la sienne. Mais pas sur elle seule. 

Nous avons vu les grandes nations, l'une après l'autre, donner aux grandes religions une forme particulière : le catholicisme devenir anglican, ou le bouddhisme indien devenir japonais. Encore le christianisme est-il d'abord devenu romain et chacune des grandes civilisations occidentales est-elle devenue grecque à sa manière. Je crois que pour maintes nations la culture française est en train de jouer le rôle médiateur que joua jadis la culture grecque. 

Ici se présente l'une des plus saisissantes aventures de l'esprit que notre siècle ait connues, celle de l'entrée des cultures africaines dans la civilisation universelle. Avec sa sculpture, sa danse, sa musique, l'Afrique a pris conscience de ses propres valeurs. On sait désormais que les Ancêtres ne sont pas des fétiches. Et il se trouve que ces valeurs fondamentales que le président Senghor proclame comme celles de la Négritude sont exprimées principalement par des Africains de culture française. Nous assistons à une puissante symbiose afro-latine. L'indépendance retrouvée, je la crois viable, pour les mêmes raisons qui rendirent viable la symbiose gallo-romaine. La Gaule s'est accordée à Rome en un temps où Rome était devenue universaliste. Or, si la culture française n'est pas la première culture du monde, où un temps où il n'y a plus de première culture du monde, elle est sans doute la plus universaliste. Il y a des peuples qui ne sont jamais plus grands que lorsqu'ils se replient sur eux-mêmes : l'Angleterre de Drake et de la bataille de Londres. Et il y en a d'autres qui ne sont grands que lorsqu'ils le sont pour tous les hommes. Sur toutes les routes de l'Orient, il y a des tombes de chevaliers français; sur toutes les routes de la Révolution, il y a des tombes de soldats français. Et sans doute est-ce à cause de la Révolution française que notre culture exprime mieux que d'autres les valeurs profanes qui ont succédé aux valeurs chrétiennes - ce qu'un Africain, et non un Européen, a nommé "l'appel de l'homme à l'homme, les grands besoins élémentaires de justice, de fraternité et d'amour". Peut-être est-ce en liaison avec les Etats-Unis que l'Afrique exprimera le plus puissamment, par la musique, son émotion et son malheur; mais c'est certainement à travers la culture française qu'elle exprime le plus puissamment sa liberté. 

Enfin, il existe un continent dont je ne parlerai que pour finir, puisqu'il n'est pas de langue française : c'est l'Amérique Latine. Il nous révèle de façon éclatante nos propres valeurs. Là nous voyons à quel point le lien entre la culture française et la Révolution française (qui se réclame tellement des écrivains !) a eu d'action sur le monde. Je me souviens de ma visite du petit musée de Puebla. Le conservateur, un instituteur mexicain, me parlait de son affection pour la France. Or, les murs étaient couverts de fresques qui représentaient les combats entre les troupes de Juarez et les zouaves de l'expédition du Mexique. Je marquai donc ma surprise : "Mais ça n'a aucune importance, dit-il, dans nos écoles, on apprend par coeur une dizaine de textes courts. Parmi eux, il y a la lettre de Victor Hugo à Juarez, écrite pendant les combats : Si vous êtes vainqueur, Monsieur le Président, vous trouverez chez moi l'hospitalité du citoyen; si vous êtes vaincu, vous y trouverez l'hospitalité du proscrit." Tous les petits indiens connaissent cette phrase. Pour eux, c'est la France. 

Je compris alors pourquoi, en Amérique latine, la révolution russe n'a pas effacé la nôtre; et pourquoi notre culture y est encore si vivante. Parce qu'une culture n'est pas seulement un ensemble de connaissances, mais aussi l'organisation d'une sensibilité, une transmission et une recréation des valeurs, un héritage particulier de la noblesse du monde. 

Et c'est, avant tout, une volonté. J'ai écrit jadis : la culture ne s'hérite pas, elle se conquiert. Ce qui doit nous unir, c'est l'objet de cette conquête. Nous avons vu, devant le monde africain, l'attitude américaine et l'attitude russo-marxiste. Nous ne voulons pas, à l'heure actuelle, d'un héritage américain ni russe. Pas davantage français. Mais nous voulons que la culture française retrouve en nous tous ce qui fit sa grandeur passée, la confiance en tous les hommes qu'elle a marquée par sa longue traînée d'espoir révolutionnaire, de tombeaux et de cathédrales. Il y a dix ans que j'ai proclamé, au nom de mon pays, devant l'Acropole illuminée : la culture ne connaît pas de nations mineures, elle ne connaît que des nations fraternelles. Tous ensemble, nous attendons de la France l'universalité, parce qu'elle seule s'en réclame. 

Messieurs, en ce temps où l'héritage universel se présente à nos mains périssables, il m'advient de penser à ce que sera peut-être notre culture française dans la mémoire des hommes, lorsque la France sera morte; lorsque, "au lieu où fut Florence, au lieu où fut Paris - S'inclineront les joncs murmurants et penchés"... Je pense qu'elle ne sera pas très différente de ce qu'elle est dans le coeur de l'instituteur de Puebla. Et qu'on trouvera quelque part une inscription semblable aux inscriptions antiques, qui dira seulement : En ce lieu naquit, un jour, la culture de la fraternité. 

(A. Malraux, 1901 - 1976 ; discours, 28 septembre 1968)

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Liens vers  les autres parties du thème l'Esprit Européen:
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4 (cet article)
Partie 5
Partie 6

2014/04/01

Rentrer à Matignon, ou rentrer dans l’Histoire

Rentrer à Matignon, ou rentrer dans l’Histoire.
Lettre ouverte à Monsieur Valls.



Monsieur le Premier Ministre,

Nous vous félicitons pour votre récente nomination à Matignon. 

Vous savez comme nous que la situation de la France, de l’Europe et du monde requiert une acuité toute nouvelle. 

Vous avez aujourd’hui l’opportunité de décider si vous voulez rentrer dans l’Histoire de France en devenant un homme d’Etat.

Pour cela, vos plus proches concitoyens vous conseillent de commencer par annoncer publiquement le programme suivant, qui vise à redonner enfin une vision positive, de l’élan et du courage au peuple français :
  • Affirmation de l’indépendance de la France, par la sortie unilatérale de l’OTAN par la France, qui sera effective 12 mois plus tard
  • Désaveu complet du régime de Kiev et reconnaissance du statut actuel de la Crimée
  • Désaveu de la politique étrangère et des programmes de surveillance massive des Etats-Unis, en rappelant l’ambassadeur de France à Washington
  • Désaveu du nouveau pacte transatlantique (TTIP) en l’état
  • Développement d’une nouvelle stratégie visant à redynamiser les relations de la France avec les pays BRICS ; annonce de l’intention de votre première tournée diplomatique dans chaque capitale des pays BRICS
  • Désaveu du Service pour l’Action Extérieure de la Commission Européenne, et demande expresse de le cantonner à exécuter seulement les décisions prises par le Conseil Européen, en restreignant fortement son autonomie
  • Présentation des excuses officielles pour le rôle tenu par la France dans le dernier conflit libyen
  • Affirmation du nouveau soutien de la France au Président Assad en Syrie
  • Soutenir les demandes de retrait de toutes les troupes militaires américaines en Europe
  • Affirmation de l’indépendance complète de votre politique par rapport aux décisions des agences de notation sur notre dette souveraine
  • Affirmation du rôle positif pour l’Europe des récentes annonces de l’établissement du clearing en Yuan à Londres et à Frankfort
  • Affirmation de la volonté du nouveau gouvernement de tout mettre en œuvre pour que la France intègre dès que possible le nouveau système monétaire et financier en construction, en commençant par votre souhait de faire entrer la France comme membre de la nouvelle Banque Mondiale de Développement initiée par les pays BRICS
  • Affirmation du rôle moteur qu’entend jouer la France parmi les pays de la zone euro avec ce programme, dans la seule ambition de créer de nouvelles synergies et un mouvement positif en levant les blocages existants
  • Réaffirmer l’absolue nécessité de l’indépendance totale de la Justice en France
  • Réaffirmer l’absolue nécessité du respect du droit international par tous les pays, et du rôle à tenir par la France en la matière
  • Affirmation de la volonté de la France de jouer désormais un rôle leader dans la définition et l'instauration rapide des nouvelles régulations bancaires, contre l'évasion fiscale, et notamment  aussi concernant une union bancaire européenne la plus efficace possible
  • Affirmation de votre support personnel pour la modification des traités Européens.


Avec un tel programme suivi par les actes en conséquence, toutes vos prochaines annonces sur les autres réformes de politique intérieure seront courageusement acceptées par vos concitoyens et les effets de cet élan politique se feront positivement sentir dès les élections européennes.

Vos concitoyens vous demandent de faire votre devoir et de les représenter dignement. Chaque changement de gouvernement est porteur d’espoir, mais éventuellement de nouvelles déceptions s'il ne prête pas attention aux réels enjeux historiques.

Si nous pouvons compter sur vous, vous pourrez compter sur nous.





2013/09/03

Contribution au débat national sur la Syrie

Depuis le 21 Août, les évènements s'accélèrent autour de la crise Syrienne.

Il est fort possible que cette pression retombe après le G20 en fin de semaine, ce qui représenterait d'ailleurs un moyen diplomatique puissant pour bouleverser le programme de cette rencontre au plus haut niveau, la toute première du genre organisée hors d'un territoire controlé par un pays de l'OTAN ou dans la sphère d'influence immédiate des USA. Ce programme prévoyait de mettre enfin au centre de la table le problème le plus crucial de notre temps, celui de la modification en profondeur du système monétaire international (en commençant par de nouvelles modifications des droits de vote au FMI). La prochaine fenêtre d'opportunité après Moscou n'est pas encore connue, puisqu'en 2014 c'est l'Australie qui organisera la réunion. 

Cependant je pense nécessaire, en plus de demander un débat public sur les fameuses preuves qui accableraient nous dit-on le régime de Bachar el-Assad, de contribuer sans plus attendre à ce débat.

Il s'agit d'abord de replacer la raison, et non pas la raison d'Etat, au centre. Il s'agit de mériter notre liberté, en luttant chaque fois qu'elle pourrait être rognée. Comme nous l'a dit Thomas Jefferson: "Si une nation  civilisée s'attend à pouvoir être ignorante et libre à la fois, elle s'attend à quelque chose qui n'a jamais existé et qui n'existera jamais."

1/ Sur le constat d'utilisation des armes chimiques
Ce constat est en train d'être effectué par des inspecteurs de l'ONU. Leur rapport complet, incluant toutes les pièces médico-légales, devrait être immédiatement rendu public. Publier une synthèse est notoirement insuffisant, depuis que l'on sait que ces inspecteurs peuvent ceder à de très fortes pressions de la part de l'ONU, comme le relate l'ancien inspecteur de l'ONU Scott Ritter dans son livre.

2/ Sur les moyens nécessaires à l'emploi d'armes chimiques le 21 Août
Le récent document déclassifié par la France décrit en synthèse ces moyens utilisables par le gouvernement Syrien. Il est insuffisant. En particulier il ne décrit pas les moyens effectivement utilisés le 21 Août, en commencant par les vecteurs (quel est l'intérêt de mentionner les SCUDs si ceux-ci n'ont pas été utilisés?). Il mentionne également en conclusion:
"Nous estimons enfin que l’opposition syrienne n’a pas les capacités de conduire une opération d’une telle ampleur avec des agents chimiques. Aucun groupe appartenant à l'insurrection syrienne ne détient, à ce stade, la capacité de stocker et d'utiliser ces agents, a fortiori dans une proportion similaire à celle employée dans la nuit du 21 août 2013 à Damas. Ces groupes n’ont ni l’expérience ni le savoir-faire pour les mettre en œuvre, en particulier par des vecteurs tels que ceux utilisés lors de l’attaque du 21 août."
Et qu'en est-il d'estimer cette capacité pour des groupes n'appartenant ni à l'authentique insurrection syrienne, ni au gouvernement syrien, et dont on sait qu'ils sont actifs sur le territoire? Pourquoi limiter la recherche de coupables à deux parties seulement ?

3/ Sur le mobile d'utilisation des armes chimiques
Le même document se limite à nous dire:
"il est clair, à l’étude des points d’application de l’attaque, que nul autre que le régime ne pouvait s’en prendre ainsi à des positions stratégiques pour l’opposition."
Et qu'en est-il si l'opposition ou un autre groupe avaient décidés de sacrifier la population et ces positions pour justement provoquer des retorsions gravissimes sur le gouvernement syrien? Qu'en est-il si les armes conventionnelles avaient été bien utilisées par le gouvernement syrien, et les armes chimiques par d'autres groupes sur les mêmes cibles? En plus de simples présomptions ou de la présence d'un mobile, quelles preuves avons-nous que les armes chimiques ont bien été utilisées par ceux rapidement dénoncés des gouvernements français et américains, et par nul autre? 
Tous les groupes présents en Syrie ayant des mobiles suffisants pour utiliser ces armes, l'existence d'un mobile ne peut constituer une preuve, même indirecte.

4/ Sur la défense du droit international, la coalition et les moyens de réponse envisagés
Comment le gouvernement français actuel peut-il envisager un instant de participer à une coalition au côté des Etats-Unis, sachant les crimes commis par le gouvernement et les moyens armés de ce pays en particulier au Moyen-Orient et encore impunis, et sans les dénoncer avec autant de vigueur que ceux reprochés au gouvernement Syrien? Comment politiquement cette coalition ne serait-elle pas un aveu de partager les mêmes vues, sinon pire: les mêmes valeurs?

Comment peut-on imaginer vouloir défendre le droit international comme le déclare Mr Ayrault, et s'associer avec le pays qui le viole le plus systématiquement sans subir de retorsions, en particulier depuis le parjure de Colin Powell à l'ONU et l'attaque injustifiée de l'Irak, et l'emploi en Irak de bombes au phosphore et d'armes à l'uranium, qui sont aussi des armes interdites par le droit international? 

Pourquoi, si le gouvernement français est si sûr de la culpabilité du gouvernement syrien, ne pas monter une coalition avec la Russie par exemple pour apporter "une réponse proportionnée sans renverser le régime de Bachar el-Assad" comme l'a déclaré le gouvernement français? 

Comment imaginer qu'après la Libye et l'Iraq un bombardement par des missiles de croisière (ouvertement annoncé par les Etats-Unis, qui mentionnent même le chiffre de 200 missiles) constitue cette "réponse proportionnée sans renverser le régime de Bachar el-Assad"?

Comment imaginer "empécher le régime syrien de toute nouvelle utilisation d'armes chimiques" (je cite) sans détruire l'intégralité de son stock, et donc sans associer nécessairement des bombardements avec une occupation au sol de longue durée, comme en Irak? 

En tant que citoyen français, j'attends des réponses à toutes ces questions, et j'attends surtout de mon gouvernement qu'il en partage de solides, afin que notre nation prouve encore qu'elle est libre.