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2012/06/19

Atterrissage d'urgence

 Le projet Conscience Sociale trouve ses racines dans la conviction partagée début 2005 de la bulle immobilière occidentale et de sa dimension sociale. Nous maintenons depuis lors une veille constante sur ce sujet. 

Le mois dernier nous avons souligné sur les réseaux sociaux le grand intérêt du livre de Sylvain Péritel et Philippe Schneider " 2015 : La grande chute de l'immobilier occidental" paru aux Editions Anticipolis. Un travail tres fouillé, très dense, qui va beaucoup plus loin qu'une étude d'économétrie, avec des propositions de politiques publiques très argumentées. Beaucoup d'exemple très concrets, 4 pays passés à la loupe plus 3 zooms inédits sur l'Europe Centrale, forment un contenu particulièrement attractif. En résumé : une anticipation politique de grande qualité et une forte contribution à un débat public majeur !

Ces propositions de politiques publiques vont dans le même sens (en étant plus précises) que celles redigées par Mickaël Mangot ( Les Générations Deshéritées , février 2012) que je recommande également, mais ce dernier s'il se limite à la France, n'aborde pas seulement l'immobilier, ce sont donc des ouvrages complémentaires.

Enfin, dans aucun des 2 ouvrages (notamment la section "Comment éviter une nouvelle bulle"), je n'ai pas vu mentionné la nécessité d'apporter plus de transparence au marché immobilier : les bases des prix des notaires devraient être disponibles sur internet avec un délai de 15 jours après la signature de l'acte final, anonymisés, et faciliter la recherche et la comparaison des prix pour des biens similaires dans une zone donnée. Les services dans cet esprit qui existent aujourd'hui sont tres partiels et partials, ou présente un délai de publication trop grand.

Ce mois-ci, témoin de cet apport accru de transparence, un nouvel indicateur graphique nous est apparu dans l'irremplaçable publication mensuelle de Jacques Friggit




Nous pouvons constater :
  • que si l'on se réfère au montant total des ventes, la bulle de 2001-2008 s'était entièrement dégonflée avant de commencer à se reformer
  • que c'est entièrement faux si on se rapporte au nombre de ventes
  • que la hausse spectaculaire des prix 2001-2008 s'est accompagnée d'une baisse continue du nombre de ventes, qui contraste avec le mythe de "tout le monde achète" dont on nous a constamment rebattu les oreilles. En 2008, au sommet de la bulle on est déjà à des plus bas historiques en terme de nombre de ventes (avant la dégringolade qui a suivie). Encore une fois, on a fait exprès de confondre : "je donne envie à tout le monde d'acheter" avec "tout le monde achète". Ce qui veut dire aussi que de plus en plus de gens se sont trouvés exclus de la propriété à cause de l'envolée des prix
  • que la baisse des prix entre 2008 et 2009 ne s'est pas accompagnée d'une remontée du nombre de ventes, au contraire la baisse s'est accentuée : il faut mettre cela en rapport avec la baisse du pouvoir d'achat des ménages qui s'est encore dégradée pendant cette période, ainsi que leur confiance en l'avenir, confiance qui a commencé à se rétablir mi-2009 (mais reste très loin du compte). Une partie des acheteurs potentiels a peut-être aussi préféré attendre pour bénéficier d'encore plus de baisse, mais dans ce cas c'est une attente volontaire et non subie donc le désagrément est faible
  • qu'au moment où les prix connaissent en 2012 une nouvelle tendance forte à la baisse, le nombre de ventes est toujours 20% plus bas que sa tendance longue, et encore inférieur au creux qui a suivi la mini-bulle de 1991.
Au final, si la marque d'une bulle immobilière se trouve bien dans le niveau des prix, le "bon niveau de prix à atteindre" c'est bien quand le nombre de ventes retrouve son couloir de tendance longe. En effet, c'est alors le signe d'un équilibre retrouvé entre demande et offre de logement, où le marché du logement n'exclut pas davantage de personnes de l'accès à une nouvelle propriété. L'implicite ici consiste à ne pas remettre en cause les habitudes modernes de mobilité immobilière (en moyenne un foyer change de logement tous les 7 ans). Mais ce n'est pas un impératif de société, bien au contraire. Le dégonflement nécessaire des bulles immobilières occidentales, si il s'étale sur la durée, pourrait changer bien des comportements en matière d'acquisition de logements. Nous ne sommes pas non plus à l'abri d'une rupture du marché immobilier encore plus brutale qu'en 2008. La tournure des évènements qui se jouent actuellement dans la poudrière du Moyen-Orient (embrasement Syrie-Iran-Arabie Saoudite-Israël-Palestine-Irak-Afghanistan sans compter les Etats satellites et les puissances mondiales en arrière plan) peut produire cet effet. Je vous conseille vivement la lecture du dernier Global Europe Anticipation Bulletin à ce sujet.

2012/01/07

Conscience du devenir : la crise écologique expliquée à ma fille

Mon aînée est en 6ème. Elle n'a jamais lu mes articles. Je ne lui en parlais pas parce que ce sont des sujets très difficiles à aborder avec des enfants. Il se trouve que sa leçon de géographie que je lui fais réviser cet après-midi commence exactement par ces mots :
Aujourd'hui plus de 50% de la population mondiale vit en ville. Le taux d'urbanisation continue d'augmenter.

 S'ensuit un court dialogue :
- Est-ce que tu sais depuis quand le taux d'urbanisation augmente ?
- Depuis que l'homme construit des villes, en Mésopotamie.
- Tu sais combien il y a d'humains sur la planète ?
- 7 milliards... Dis, c'est grave ? Ça veut dire que tout va exploser ? Qu'on va tous mourir parce qu'il y a trop de personnes ? Tout le monde sait qu'il n'y a bientôt plus de pétrole.
- Non ça ne se passe pas comme ça. Ça n'explose pas. Mais si on ne change rien du tout à notre façon de vivre, il y a des crises très graves, des maladies et la population diminue brutalement, par paliers successifs pendant 200 ans environ.
- Alors on va tous mourir ?
- Chacun doit mourir un jour, mais on mourra de ce problème seulement si on ne fait rien, si on ne change rien. Parce qu'on sait ce qu'il faudrait faire, le problème c'est de le faire collectivement, de changer.
- Mais personne ne fait rien ! Sauf toi qui fait des économies d'énergie...
- Je ne suis pas tout seul... et ça n'est pas seulement une question de pétrole. Tu sais j'écris des articles pour expliquer cela, qui sont lus par 30000 personnes au moins. C'est comme la moitié de la ville. 
- 30 000 comparés à 7 milliards... (un profond air triste passe sur son visage)
- Le monde ne change pas en un jour tu sais. Mais le monde change constamment... et tout changement commence au départ par une personne, une seule. L'important c'est de commencer, qu'il y en ait au moins une, et d'en parler aux autres. Et puis comme je te l'ai dit, je ne suis pas tout seul.

*
(un peu plus tard) 
- Dis-moi, est-ce que tu sais pourquoi je travaille autant sur mes articles ? Pourquoi j'essaie de faire quelque chose ?
- Non ?
- Parce qu'il y a plusieurs années, quand j'ai compris ce qui se passait, j'ai pensé qu'un jour tu me poserais exactement la question que tu m'as posée. Et je me suis dit que je ne pourrai jamais te regarder en face comme maintenant et te dire que je savais ce qui se passait et que je n'ai rien fait... ou bien me défiler lâchement en disant qu'on ne pouvait rien faire, pour toi, tes futurs enfants et les autres gens de ton âge, avec la fausse excuse que soi-disant "c'est très compliqué, tu sais". 


Et vous, qu'allez vous dire à votre enfant le jour où il vous posera la même question ?

*

L'année dernière j'ai croisé un monsieur de 65 ans environ, que je ne connaissais pas, avec qui j'ai parlé brièvement de cette crise écologique. Lui m'a répondu tranquillement et avec un sourire satisfait que c'est un problème qu'il faut laisser aux générations suivantes, qu'elles trouveraient bien une solution puisqu'elles l'avait toujours fait. Il ignorait bien sûr tout de ce qu'est une crise écologique, et ne voulait surtout pas savoir que la solution ne pouvait être qu'inter-générationnelle.
Hélas, il y a fort à parier que sa position soit très répandue parmi sa génération. Je me suis dit que je ne lutterai pas davantage pour préserver le montant de sa retraite. Son abandon flagrant des générations suivantes est une défaillance de sa propre responsabilité inter-générationnelle.
Il s'en faut de peu pour qu'elle soit considérée comme une trahison par les générations montantes.

2011/06/27

Les jeunes Européens : une génération en quête d’un destin collectif entre héroïsme et accablement [Partie 1]

 Les jeunes Européens supportent en première ligne des conséquences de la crise systématique globale.[1] Suivant l’exemple du Printemps Arabe, ils manifestent spontanément en masse avec des revendications similaires, au moment où l’avenir promis leur apparaît insupportable.[2] L’analyse des forces de changement au sein de cette génération particulière nous conduit à les placer comme pivot dans l’anticipation d’ici 2030 des profondes évolutions sociales à l'échelle européenne[3]. Si cette mutation est certaine, la dérive extrémiste reste possible à la place de la refondation sociale. C’est un destin collectif que cette génération va se forger, et dont une des clés réside dans la rapidité du partage du pouvoir avec la génération des baby-boomers.

La première partie de notre sujet, objet de cet article, s’intéresse à l'approche historique focalisée sur la notion de garantie des droits. Nous proposerons en complément la semaine prochaine une conception générationnelle de l'anticipation sociale.

L’anticipation est un investissement d’avenir

Hier confié par désintérêt ou négligence aux lobbies et pouvoirs transnationaux, puis ces trois dernières années aux économistes en mal de nouvelle crédibilité, les peuples reprennent directement en mains leur avenir. Ils sont maintenant convaincus que c’est d’eux seuls que peut venir une refondation d’un système qui est chaque jour moins soutenable. C’est bien la leçon sociale historique apportée par les révolutions de jasmin.

Le constat s’impose : la fin du statu quo impliquée par la crise systémique globale nous pousse à investiguer collectivement notre avenir et les initiatives se multiplient, signe d’un immense besoin. Parmi les méthodes d’investigation, l’anticipation politique est certainement celle qui connaît le plus de résultats probants dans le contexte actuel[4]. C’est également le prisme sous-jacent utilisé dans la construction du récent et remarquable ouvrage " 2033 Atlas des futurs du monde "[5], mais qui n'aborde pas le volet social. Nous constatons la grande difficulté de son traitement, alors qu’il est bien le point focal de tous nos efforts pour appréhender notre avenir[6]. Cette difficulté conduit le plus souvent à un traitement sous forme de fiction romanesque, ce qui diminue son impact sur les décisions[7].

Le champ social regroupe d’une part les rapports encadrés par le Droit ou l’usage ; et d’autre part par les rapports informels, regroupés sous les termes de mœurs, de culture, de conventions. Notre approche sur le premier volet est historique, et générationnelle sur le second[8].

Le cadre historique du Droit pour l’anticipation sociale

L’histoire de la construction des droits depuis 333 ans fonde le cadre commun européen et son désir d’universalisme depuis l’époque de la colonisation[9]. On peut souligner de cette histoire plusieurs grands traits :
  • La construction du droit international de l’individu sur la base du modèle social européen ; or la notion du rapport de l’individu avec la société n’est pas une constante universelle. La culture sociale dans certains pays asiatiques depuis des siècles ou des millénaires obéit à d’autres principes fondateurs. Ceci rend très complexe et très lente l’assimilation réelle des Droits de l’Homme dans ces sociétés.
  • La construction du droit des peuples à la suite des droits de l’individu, ne doit pas nécessairement laisser penser qu’ils présenteraient donc en eux la même faille originelle que mentionnée ci-dessus.
  • L’Etat-providence assure la garantie des droits au travers des services publics ; A partir de 1945 il est très concrètement mis en action dans le célèbre programme socio-économique du Conseil National de la Résistance[10] rédigé en 1944 par des représentants d’une jeune génération[11], au moment même où la France vivait les heures les plus sombres de son histoire. C’est bien son établissement et la démolition progressive des réalisations de ce programme[12] qui sont au cœur de l’actualité sociale et politique en Europe jusqu’à aujourd’hui, et en particulier en France.[13]
  • Ces droits sont majoritairement portés au niveau des institutions internationales. Or " la garantie des droits interroge la nature et la légitimité des pouvoirs " [14].


Garantir les droits

La dislocation géopolitique mondiale qui est en cours affaiblit les instances onusiennes. Elles sont le plus souvent impuissantes à garantir les droits, au bénéfice de la loi du plus fort et des justices à deux vitesses. L’inégalité de l’accès au droit s’aggrave.

L’Etat-providence est la forme politique qui a concentré au maximum la garantie du droit, dans ses représentants et ses quelques hauts technocrates. Ce point de faiblesse (« single point of failure ») a donc logiquement subi les assauts du récent néolibéralisme. Il s’agit toujours de la même logique déjà présente dès 1977 quand les états pétroliers ont été retournés par les grandes puissances contre les pays en développement[15]. Ici ce sont les dirigeants politiques puis les PDG des sociétés transnationales qui sont retournés contre les citoyens les plus démunis, en échange de financement de campagne ou de généreux bonus. Les frontières toujours plus floues entre vie politique et grands acteurs économiques ont rapidement affaibli la garantie des droits, ainsi que l’égalité de l’accès à ces droits en particulier par l’érosion des services publics. En utilisant contre lui l’arme monétaire et les crises de la dette, l’Etat-providence est d’autant plus démuni qu’il est bientôt possible de le court-circuiter d’un bloc en lui imposant des mesures de dérégulation, telles les mesures du « consensus de Washington » dictées par le FMI, notamment pour la libre circulation des capitaux et l’ouverture des services publics à la concurrence, qui exacerbe la compétition internationale des acteurs privés toujours plus grands, toujours plus influents. Voilà la fracture sociale qui s’agrandit, accompagnant les dérives des démocraties vers l'oligarchie. Voilà les forces néolibérales du secteur privé, en accroissement géométrique, qui instaure sa propre logique transnationale au détriment de forces étatiques (régulation et politique sociale) cantonnées à l’intérieur de leurs frontières.

Auparavant, Marx au XIXe siècle avait proposé l’approche matérialiste de la garantie des droits par la lutte des classes dans l’Etat-nation. La dérive dictatoriale du modèle communiste et sa chute au XXe siècle semble avoir condamné l’approche.

En attendant la suite…

Dans ces conditions, comment envisager différemment de garantir les droits ? Quelles conséquences sur le champ social ? C’est précisément sur ce sujet que j’interviendrai lors de l’une des tables rondes du Congrès citoyen "Six réformes clés pour une gouvernance démocratique de l'Euroland" les 2 et 3 juillet prochain à Paris. Vous en retrouverez une synthèse dans la deuxième partie de l’article qui sera publiée les jours suivants.


[1] " Le taux de chômage des jeunes a augmenté de 6 points dans les pays de l'OCDE (2,5 fois plus que l'ensemble des actifs), effaçant l'amélioration des dix années précédentes " (Centre d’Analyse Stratégique, 05/2011). Voir aussi la Carte interactive.
[2] "Il y a un désir mimétique du printemps arabe chez les jeunes européens" (Libération, 05/2011) ; "A Madrid, les jeunes réinventent les principes libertaires" (Rue89.com, 05/2011). La "Jeunesse sans futur" scande "Sans maison, sans boulot, sans retraite, sans peur !"
[3] Cet article ne s’attache pas à détailler davantage le contexte géopolitique, géoéconomique, géostratégique et écologique d’ici 2030. Il ne considère que le périmètre européen vu sous l’angle social, par un regard d’européen en 2011.
[4] Nos précédents travaux ont appliqué cette méthode à l’économie écologique : Magazine d’Anticipation Politique n1, Automne 2010 ; MAP n2, Hiver 2011
[5] " 2033 Atlas des futurs du monde " Virginie Raison, 11/2010, Ed. Robert Laffont.
[6] Concernant la France, voir "Danse sur un volcan" Jérome Defaix (Magazine d’Anticipation Politique n1, Automne 2010).
[7] Dans le cas des USA, voir par exemple " 2030: The Real Story of What Happens to America " Albert Brooks 2011, St. Martin’s Press.
[8] Pour les USA voir "The emergence of Millennials as a political generation" Neil Howe, Reena Nadler, 02/2009.
[9] Droit à l’autonomie personnelle (Habeas Corpus 1679/Angleterre, Bill of Rights 1689/Angleterre) ; déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789-1792/France) ; abolition définitive de l’esclavage (1848/France) ; droit international des conflits armés (depuis 1856) ; conventions de l’organisation internationale du Travail (depuis 1930) ; déclaration universelle des droits de l’homme (1948/UN) ; convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950/UE) ; droit international de la mer (depuis 1958) ; déclaration de Singapour (1971/Commonwealth) qui termine la décolonisation pour les pays Européens ; déclaration universelle des droits des peuples (1976); pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC 1976/UN) ; pacte international des droits civils et politiques (1976/UN); charte internationale du sport (1978/UN) ; déclaration sur le droit au développement (1986/UN) ; convention sur la lutte contre la corruption (1997/OCDE) ; dispositions sur la Protection de la vie privée à l'échelon international (1998, UE/OCDE) ; charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (2004/UE) ; protocole additionnel au PIDESC (2008/UN). On remarquera de plus les initiatives en cours de la société civile pour un Pacte des peuples sur les biens communs et les droits collectifs, pour une Charte des Droits de l’Homme et Principes pour Internet (IRP 2008), et la déclaration du droit à informer et être informé (Forum Social Mondial 2011). Voir aussi " Une stratégie altermondialiste ", Gustave Massiah 2011, Ed. La Découverte.
[10]  "Programme du Conseil National de la Résistance" (wikisource, 03/1944).
[11] Les rédacteurs ont 40 ans en moyenne
[12] " Les jours heureux – Le programme du CNR de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition " collectif 2010, Ed. La Découverte.
[13] " Walter retour en résistance " Gilles Perret 2008, prod. La Vaka ; " Indignez-vous ! " Stephane Hessel 2010, Indigènes Ed.; " Concordance des temps " France Culture 02/2011; "De l’indignation à l’action" Mouvement Citoyens Résistants d’hier et d’aujourd’hui 03/2011 ; " Engagez-vous ! " Stephane Hessel 2011, Ed. de l’Aube.
[14] " Une stratégie altermondialiste ", Gustave Massiah 2011, Ed. La Découverte

2011/06/21

Pressions sur le Baby-Boom

[j'ai publié initialement cet article sur Agile-Démocratie]

La question des solidarités transgénérationnelles arrivent en force sur le terrain politique, amplifiée à partir de cette année par l'effet du départ à la retraite des premiers baby-boomers, dont la génération représentent une part importante de la population. Ce thème va monter en puissance et sera sans aucun doute au coeur de la campagne présidentielle pour 2012.
Un article récent de MediaPart en apporte l'illustration : "Les baby-boomers ont-ils volé la vie de leurs enfants ?"

Le document de l'INSEE qui y est mentionné est : "Inégalités entre générations depuis le baby boom": 22 pages très centrées sur la comparaison de l'accès à l'emploi et à la propriété.
Je note une phrase à la fin : 
"Les générations ayant bénéficié de conditions relativement plus favorables pourraient, par l’intermédiaire de donations et d’héritages, en faire bénéficier les générations plus jeunes et modifier encore les situations relatives entre générations. Toutefois, cette redistribution des cartes, qui laisse de côté ceux qui ne bénéficient pas d’une transmission de patrimoine, pourrait contribuer au creusement des inégalités intra-générationnelles 

Tout ce travail découpe les générations par période de 5 ans seulement. Du coup la notion même de baby-boom est complètement diluée. On nous dit simplement que "le baby-boom couvre quasiment la même période que les Trente Glorieuses", c'est à dire 1945-1974.
Il y a en réalité un vrai problème pour définir précisément la fin des années baby-boom en France.

D'après wikipedia : "Cette période s'étend de 1945 jusqu'à 1965 pour la plupart des pays nord-européens. Pour certains pays comme la France, elle a commencé plus tôt dès 1942 et pour d'autres continué jusqu'à la fin de 1974, bien que de façon moins importante. "

J'ai repris les données démographiques de l'INSEE pour tracer un rapide graphe :

image.png

Si on considère seulement le nombre de naissances (courbe bleue) on peut définir assez bien la fin du Baby-Boom. Or le nombre de naissances dépend beaucoup de la population. Si la population varie, que représente cet indicateur du point de vue social ?
Et si on prend le taux de natalité (nombre de naissance pour 1000 habitants, courbe rouge), c'est beaucoup plus dur de définir précisément une date de fin.. 

Il faut donc repartir de la définition de génération rappelée dans le pdf :  
"On entend en général par génération, ou encore par cohorte, un ensemble d’individus ayant connu une certaine étape de la vie au même moment. La génération renvoie ainsi à l’idée d’avoir vécu, au même moment, les mêmes expériences, individuelles et/ou collectives (crises, guerres…). Cette caractéristique crée, pour les membres d’une génération, un contexte commun pouvant influer, de multiples façons, sur leur destinée sociale et leurs conditions matérielles d’existence."

Partant de là, on peut dire que ceux qui avaient 15 ans ou moins en 1973 (1er choc pétrolier, montée du chômage de masse) ont été confronté à des expériences sociales bien différentes. Donc il faudrait comprendre la génération baby boom comme étant les personnes nées entre 1943 et 1958. La durée initiale de 30 ans est bien segmentée pour représenter des générations aux vécus différents.