2009/04/22

Quand l’émotion nous asservit

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Vous avez peut être entendu parler en février dernier de cette affaire Chauprade, un enseignant en géopolitique pour le ministère de la Défense qui s’est fait virer du jour au lendemain par notre ministre pour avoir écrit “un texte au travers duquel passent des relents inacceptables. Sur onze pages, on nous parle d'un complot israélo-américain imaginaire visant à la conquête du monde.” On aura compris qu’on veut traiter ici du 11/09.

A la lecture des nombreux commentaires sur le blog du Point, on s’aperçoit de plusieurs choses :
  • d’abord du niveau d’argumentation extrêmement faible des tenants de la thèse officielle pour l’explication des effondrements du 11/09, et qui contraste grandement avec la moyenne des messages de soutien à Mr Chauprade; je ne veux pas simplement parler des éléments scientifiques en très grand nombre qui ont été rassemblés depuis 8 ans, comme ici ou la, mais aussi des positions morales et citoyennes préoccupées par la sauvegarde de nos libertés individuelles
  • ensuite du rapport de force entre ces deux positions, largement en faveur du nombre des messages de soutien, sur près de 200 commentaires postés au total
  • enfin du reproche le plus fréquent fait à Mr Chauprade : non pas tant qu’il ait exprimé son opinion mais surtout qu’il l’ait fait en y associant l’armée française par la mention de son travail d’enseignant; on peut penser que c’est bien cela qui a courroucé notre ministre à quelle semaines du rapprochement de la France avec l’OTAN et les USA.
  • et comme le décrit très bien un des lecteurs une prise de conscience graduelleDepuis maintenant environ cinq années, les doutes dans un premier temps, puis les questions précises devenant au fur et à mesure de plus en plus pertinentes, ont commencé à envahir les médias directs non filtrés tel qu'internet. Des films, des images fixes, des commentaires de spécialistes ainsi que des faits difficiles à contredire ont pu ensuite apparaître.”
Cette prise de conscience est rendue si lente par l’effet d’une puissante dissonance cognitive. On en trouve une illustration très synthétique à la page 15 de cet excellent document qui synthétise les éléments d’enquête scientifique effectuées sur le 11/09 par des citoyens de divers pays (NDR: voir la page index de l'étude ici), sans appuis officiels. Voilà ce qu’on peut y lire :

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Plusieurs formulations utilisées nous semblent pertinentes à analyser :
  • la peur qui paralyse : c’est l’émotion qui nous asservit
  • notre conception du monde et nos croyances qui sont le prisme par lequel les informations vont être diffractées avant toute analyse consciente
  • l’inaction n’est pas une solution neutre, puisqu’elle entraîne qu’on devient une partie du problème plutôt que de sa solution
  • le choix est difficile, presque cornélien : notre tranquillité d’esprit au prix du sacrifice de notre liberté
Quand notre conception du monde peut être ébranlée par ce que nous observons, nous luttons irrationnellement pour échapper à ce qui n’est que des faits que nous pourrions très simplement analyser sous un angle rationnel.

Une autre illustration de ce cas de figure est apportée par la Controverse scientifique ou la notion de débat contradictoire en sciences. Par exemple JP Petit, de part ses idées scientifiques si différentes de celles des courants traditionnels de la science (en astrophysique notamment), fait l'objet d'une controverse scientifique publique depuis plusieurs années avec Alain Riazuelo, de l'Institut d'Astrophysique de Paris, et avec Thibaud Damour, de l'Institut des Hautes Etudes de Bures sur Yvette. JP Petit leur offre la possibilité de venir contester oralement et publiquement ses travaux sur la "Géométrisation du modèle d'Andreï Sakharov" (qui est la base de sa théorie de l'univers gémellaire), ce que lui refuse ses adversaires. Cette controverse publique dure depuis 2006, sans que ses adversaires ne lui autorise son droit de réponse, ce qui représente un manquement flagrant et déshonorant à leur premier devoir, en étant que scientifique, de confrontation d'idées. Cette controverse publique est un exemple vivant de la représentation concrète du concept de vérité en science. Tout l'historique détaillé de cette controverse est accessible ici.

On démontrerait facilement qu’une pratique endogame de la science est toujours moins vivace (créative) qu’une pratique qui sait préserver au dessus de tout le devoir du débat scientifique. Les réactions méprisantes et dédaigneuses qui ressortent dans cette controverse de la part des scientifiques en place ne sont rien d’autre qu’un signe d’asservissement de l’individu par son émotion. Mais l’inaction des autres pairs est aussi une marque d’abandon de leur liberté pour conserver sa tranquillité d’esprit. On peut penser que ce n’est qu’une illusion de tranquillité et en science plus que partout ailleurs les faits ont la tête plus dures que les modèles : l’Histoire jugera. Hélas, cette désertion est aussi une défaite collective : une liberté se regagne d’autant plus difficilement qu’elle est facile à perdre, et les petites compromissions alimentent les faillites de toute une société, fut elle savante.

2009/04/18

Bienvenue dans un nouveau monde

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Après un examen scientifique approfondi ordonné par la Cour Suprême en 2007, l'EPA (Agence de Protection de l’Environnement du gouvernement US) a conclu que les gaz à effet de serre contribuaient à la pollution de l'air (merci) mais surtout risquaient de mettre en danger la santé publique.


On peut s’attendre au pays des procès pour tasse de café trop chaude que cette décision ait un impact immédiat sur les gros producteurs de CO2. Il est donc crédible de penser que très bientôt une fourniture de service électronique sera choisie en fonction de son prix mais aussi en fonction de ses émissions de CO2. Dans cette course au moins polluant, et à la réglementation grandissante, le cloud computing industriel a 100 coudées d’avance sur les services d’exploitation des DSI.

Mais on peut aussi souligner que cette décision tombe au moment où les jours de l’industrie automobile privée aux US sont comptés : deadlines le 29 Avril pour Chrysler, et le 29 Mai pour General Motors : soit une reprise et une recapitalisation par une société étrangère, soit banqueroute puis nationalisation.

Les lobbys les plus puissants peuvent ainsi voir leur pouvoir disparaitre en quelques mois, c’est une leçon des temps agités que nous vivons. Les banquiers d’affaire et les PDG des 10 plus grandes banques mondiales devraient s’en inspirer pour montrer plus d’humilité, mais comme les dinosaures ils sont incapables de s’adapter à un changement qui remet en cause leur domination. Ils ne jugent n’avoir rien à gagner à une refonte du système financier international, et s’arque boutent pour ne rien changer (ce lien traite du G20 de novembre dernier mais s’applique aussi à celui d’Avril 2009). Mais ils n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas simplement d’attendre sur le dos des contribuables que la marée d’une récession passagère reflue : les digues du Mur Dollar sont rompues, et en restant sur place ils continueront à être noyés ou balayés, les uns après les autres. Hélas pour tous les autres habitants de la planète, leur inaction nous cause un énorme préjudice, et met en danger les systèmes sociaux en commençant par les pays économiquement les plus fragiles. Cette dimension d’impact universel, même quand la misère explose dans leur propre pays, n’entre absolument pas dans leur calcul de risque personnel qui se borne à faire payer aux contribuables leur renflouement, sans rien donner de leur pouvoir en échange.

Certains pourraient espérer que le gouvernement ne finisse enfin par entendre davantage les éclats de Mainstreet plutôt que les promesses rassurantes des banquiers de Wall Street. Mais si on s’inspire du timing de l’annonce de l’EPA sur les rejets de CO2, il est probable qu’une annonce comparable du Tresor US officialisant la volonté du gouvernement d’en finir avec les rejets de produits financiers toxiques interviendrait moins d’un mois avant la rupture consommée du système et de l’industrie financière internationale. Peut être encore politiquement à temps (et on peut en douter), mais certainement bien trop tard pour limiter la casse économique et sociale.

Autant il semble naturel de se préparer dès aujourd’hui à un mode de vie moins polluant, autant il doit être naturel de se préparer aussi à un monde économiquement très différent. Avec toutes les conséquences géopolitiques et sociales que cela implique.