2/ Le taux de dépôt de la BCE, lui, est devenu carrément
négatif et c’est une grande première historique pour la BCE. Il y a bien eu
quelques expériences de ce genre il y a quelques années en particulier dans des
pays nordiques, mais cela n’a pas réellement fonctionné. Disons que sur ce
sujet nous n’avons pas de recul suffisant pour être affirmatifs dans nos
appréciations. Néanmoins, mon point de vue est que là encore, cela ne va pas
fonctionner.
Avant de vous expliquer pourquoi, expliquons ce qu’est le
taux de dépôt. Lorsqu’une banque commerciale comme la Société Générale ou la
BNP dispose d’un excédent de trésorerie, elle peut prêter ces fonds par exemple
à d’autres banques qui, elles, seraient en manque ponctuel de liquidités. Le
problème c’est que depuis 2007 plus personne n’a confiance en personne, donc
les banques en excédent déposent leur argent directement à la BCE qui, jusqu’à
présent, rémunérait ses fonds (bien que de moins en moins).
Désormais, une banque qui placera son argent à la BCE
aura moins à la sortie de son placement qu’à son entrée. En clair, les banques
vont devoir payer pour placer leur épargne à la BCE !
L’idée c’est de forcer les banques en excédent à prêter
et à financer l’économie… enfin officiellement !
Pourquoi cela ne va sans doute pas marcher ?
Les raisons sont multiples. Tout d’abord, le problème de
fond est la confiance. Certaines banques préféreront perdre très légèrement
plutôt que d’aller prendre des risques inutiles.
La réalité c’est que certaines banques vont préférer prêter à
des États surendettés et en situation de solvabilité très dégradée pour la raison
simple que la BCE devrait intervenir en cas de pépin grave (en tout cas c’est
le pari), donc plutôt que de financer l’économie réelle, moi banquier, je
préfère prêter mes sous à l’Espagne à 3 % !
Évidemment, 3 % cela rapporte plus que de payer 0,10 % ! Le calcul est donc vite fait pour nos rapaces de banquiers.
Enfin, certes les banques se montrent réticentes à
financer l’économie réelle, en revanche ce n’est qu’une partie de ce problème.
Il y a l’offre de crédit (côté banque) mais il y a aussi une demande de crédit
(côté client). Or la demande de crédit est orientée dramatiquement à la baisse
depuis plus de deux ans. La raison est simple. Les particuliers, qui ont peur
pour leur emploi, ne veulent pas emprunter. Logique. Les entreprises, qui n’ont
pas de visibilité, ne veulent pas investir… donc elles n’empruntent pas.
Logique aussi.
Enfin, et c’est le dernier élément, les banques garderont
tout simplement leur argent sur leur propre compte et préféreront plutôt ne
rien faire que d’en perdre !
3/ Comme nous l’apprend la dépêche
AFP, « selon les analystes, il pourrait annoncer entre autres un nouveau
crédit à long terme (LTRO) aux banques, soumis cette fois à la condition
qu’elles prêtent à leur tour contrairement à deux LTRO à trois ans lancés
précédemment par la BCE ». C’est le fameux « crédit easing » européen que
j’avais déjà évoqué à plusieurs reprises et qui se précise.
Cependant, Mario
Draghi garde des « cartouches » et des munitions pour plus tard et continue sa
politique qui, essentiellement, vise simplement à gagner du temps. Pour quoi
faire ? Nul ne le sait. Disons que nous gagnons du temps ou plus précisément
nous achetons du temps non pas tant pour ce que cela nous permettra de faire
que pour ce que cela nous évitera de vivre.
Nous n’en sommes plus, et depuis longtemps, à vouloir
améliorer la situation puisque nous n’avons rien fait depuis 7 ans pour changer
véritablement les modes de fonctionnement de notre système. Nous en sommes
juste à vouloir éviter les conséquences désastreuses d’un effondrement et les
autorités tentent désespérément d’organiser une lente descente plutôt qu’une
chute violente.
Je laisse donc le mot de la fin à Carsten Bzreski,
économiste de la banque ING repris par l’AFP, qui a déclaré à propos des
annonces de Mario Draghi que :
« Mais cela aidera-t-il à faire repartir l’économie ?
Probablement pas mais la BCE a montré sa détermination et sa capacité à agir !
»
Ce qui peut être traduit par un lapidaire « ce que
fait la BCE ne servira à rien mais tout le monde fait semblant de croire que ce
que l’on fait sera efficace ! » Si la situation n’était pas aussi dramatique,
ce serait drôle.
_________________________
[1]
Financial Times, 05/2013