Ce jour-là, le 9 novembre 1989, un nouvel horizon s'est ouvert pour tous les Berlinois. Pour la première fois
depuis 1962, ils pouvaient choisir de vivre là où ils voulaient, pour
le mode de vie qu'ils désiraient. La chute du Mur leur offrait enfin
une alternative, un nouvel espace de liberté, aussi bien pour
ceux de l'Est que ceux de l'Ouest.
Comme JFK, « Ich bin ein
Berliner ». Tout humain aspire à la liberté. C'est
pourquoi ces murs dressés nous concernent tous.
25 ans plus tard, un autre mur tombe.
Cette fois encore, les échos de cette chute feront plusieurs fois le
tour de la planète.
Demain, le 15 juillet 2014, commence à
Fortaleza au Brésil le 6ème sommet des dirigeants des pays BRICS.
D'autres présidents sont invités pour des rencontres les jours immédiatement suivants.
Demain sera annoncée la signature de
l'acte de création de la nouvelle Banque de Développement initiée
par les pays BRICS, ainsi que celles de leur Fond de stabilisation des réserves monétaires.
[1a] Il s'agit de la clé de voûte de notre anticipation politique sur l'émergence réussie du monde multipolaire. [1b]
Le siège de cette Banque sera fondé à Shanghaï, et sa présidence pour 5 ans sera tournante. Ouverte aux autres pays, les BRICS conserveront au moins 55% des parts et droits de vote. Elle opérera dans les devises nationales des BRICS, dès 2015, une fois les textes ratifiés par les Parlements nationaux.
Ces institutions sont explicitement
dédiées à offrir une alternative aux institutions de Bretton Woods
[2] --la Banque Mondiale et le FMI-- qui assurent l'emprise du
« consensus de Washington » et l'hégémonie du système
monétaire international basé sur les échanges en Dollar US, et
donc la --jusqu'ici-- nécessaire accumulation de réserves de titres libellés en dollar par
tous les autres pays.
C'est une condition impérative au
financement du développement des pays qui veulent bénéficier des "aides" du système international, lesquelles sont de plus accompagnées d'autres conditions
particulièrement intrusives pour leur souveraineté économique, suivant une doctrine ultralibérale. Les décisions de ces institutions sont entièrement verrouillées par les Etats-Unis, y compris
pour la modification de leur gouvernance [3].
Ce système qui prive de liberté
(« there is no alternative »), c'est celui qui a
érigé le mur du Dollar.
Demain est l'annonce d'un nouveau
lendemain, celui où tous les pays de la planète vont se voir enfin
offrir l'alternative dont ils étaient privés depuis 70 ans, pour
pouvoir financer le futur de leur choix, sans conditions intrusives
muselant leur économie. Cette alternative offrant davantage de
liberté va créer une attraction irrésistible pour les autres pays.
A ce titre, les BRICS ont déjà noué des relations avec le G77
regroupant désormais 133 pays, c'est à dire le monde entier sauf
l'Occident.[4]
Aujourd'hui nous fêtons la prise de la Bastille, le symbole de l'émancipation par rapport à l'Ancien Régime. Elle aussi fut détruite pierre par pierre.
Demain, ce qu'il faudra retenir de cette signature c'est l'annonce de la chute du mur du Dollar.
Demain, ce qu'il faudra retenir de cette signature c'est l'annonce de la chute du mur du Dollar.
Bastille, Berlin, Fortaleza: la liberté fait tomber les murs.
Les conséquences pour l'Europe
A l'heure où les Etats-Unis et
certains des gouvernements européens oeuvrent pour dresser de
nouveaux murs en Europe de l'Est, où l'on parle de séparer des
populations qui vivaient ensemble en paix depuis des décennies, où
le sort voulu par ces dirigeants pour l'Ukraine ressemble de plus en
plus à celui de l'ex-Yougoslavie, on ne peut que constater là un
mouvement rétrograde par rapport à l'Histoire. Un soubresaut
tactique dans le vide stratégique de l'Occident.
Ce vide appelle à être comblé. Pour
les pays européens, et pour l'Euroland en particulier, il convient
de comprendre enfin quel est le vrai mouvement de fond, comment les
cartes sont en train d'être rebattues par la chute du mur du Dollar,
et qu'il est donc plus que temps de développer, de tisser toutes les
relations pertinentes avec les pays BRICS. Il en va de notre Histoire.
En un mot : qu'il est enfin temps pour nos pays européens de développer une stratégie Euro-BRICS.[5]
Parce que nous voulons tous être des
Berlinois. Nous voulons tous être libres.
_____________________
[*] Ce texte fait suite à ma dernière intervention lors de l'Agora Newropeans le 5 Juillet à Berlin ;
[1a] Ria Novosti, 07/2014 ; Romandie.com, 07/2014 ;
[1a] Ria Novosti, 07/2014 ; Romandie.com, 07/2014 ;
[1b] Nous avons été les premiers à
anticiper publiquement l'impact réel de cette annonce. Voir 'Vers un nouveau système monétaire international - part 1', version EN ou FR, Conscience Sociale, 2013 ; 4ème séminaire Euro-BRICS, L.E.A.P., 2013 ;
[2] Voir par exemple PressTV, 03/2013 ; La Voie de la Russie, 07/2014 ;
[3] Voir par exemple ‘FMI: La réforme de l'institution reste bloquée par Washington’, Les Echos, 01/2014 ;
[4] Courrier International, 06/2014 ;
[5] Cette analyse stratégique a été
élaborée en tout premier par Franck Biancheri et le L.E.A.P., ce
qui constitue à nouveau une anticipation politique dont l'écho est
historique.
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