2013/08/20

Vers un nouveau système monétaire international (partie 1)

[A translation in English of Part. 1 is available here: Towards a resilient international monetary system.
La Partie 2 de cette série est disponible ici: L’age d’or de notre ère est l’age de l’or]

La crise de légitimité que traversent les institutions de la gouvernance mondiale mise à place après 1945 est en train d’aboutir à un effondrement pur et simple de l’ancien cadre de coopération internationale. Or rien à ce jour ne semble prêt à le remplacer en dehors d’une myriade de projets d’intégration régionale plus ou moins aboutis. 

Les entités régionales supra-nationales qui se constituent actuellement à marche forcée dans un contexte d’urgence croissante forment bel et bien les briques du monde multipolaire de demain. Ces intégrations sont certes une étape indispensable, mais sans un nouveau cadre de gouvernance « mondiale » capable de réunir harmonieusement ces nouvelles composantes, les conflits d’intérêt ne tarderont pas à les opposer et entraîneront vite le monde dans les logiques qui ont régné en Europe de la fin du XIX° siècle et durant la première moitié du XX° siècle.

Ces tensions, chacun peut dès aujourd'hui les voir déjà monter entre blocs sur les thèmes de l’accès aux matières premières, du commerce, des monnaies, le tout mettant sous haute pression la fragile paix mondiale et mettant en péril l’impressionnant développement des puissances émergentes et la longue période de prospérité des puissances occidentales.
Le prochain G20 qui doit se tenir à Moscou en septembre est la prochaine occasion que le monde se donne pour trouver des solutions aux difficultés croissantes que rencontre son équilibre. Or le temps presse… 

Le rapprochement stratégique Euro-BRICS 
Le Laboratoire Européen d'Anticipation Politique (LEAP) et l'Université MGIMO élaborent désormais depuis 2010 et au fil de séminaires des propositions concrètes pour un rapprochement stratégique Euro-BRICS devant permettre :
•  à l’Europe de se trouver plus résolument vers les dynamiques d’avenir que portent les BRICS 
•  et aux BRICS de trouver l’allié dont ils ont besoin pour pouvoir engager la réforme du système de gouvernance mondiale en leur faveur. 
De ce double développement simultané, le monde dans son ensemble a tout à gagner. 

Aussi le dernier séminaire du réseau Euro-BRICS qui s'est déroulé à Moscou les 23 et 24 Mai 2013 a abordé plusieurs thèmes porteurs de conflits majeurs auxquels le rapprochement Euro-BRICS apporterait des solutions, et parmi lesquels figurent les problématiques monétaires et commerciales.

Mon intervention avait pour titre : "Vers un système monétaire international résilient aux crises systémiques". 
Elle présentait une synthèse stratégique de la première partie de mes réflexions sur l'évolution du système monétaire international, qui concerne le court-terme. A sa lecture, son contenu (texte intégral ci-dessous) pourrait pourtant vous sembler trop avant-gardiste voire farfelu. Il n'en est rien. J'en veux pour preuve l'annonce en juillet dernier de l'utilisation de la zone spéciale de Qianhai à des fins d'innovation sur les flux financiers. Et dès juin, la Asian Development Bank, le Centre for International Governance Innovation et le Hong Kong Institute for Monetary Research ont publié une étude intitulée "A Practical Approach To International Monetary System Reform: Building Settlement Infrastructure For Regional Currencies" (initialement présentée en décembre 2012) et qui se situe exactement dans la stratégie que j'ai décrite.



Vers un système monétaire international résilient aux crises systémiques.

Bruno Paul, 23 mai 2013, Moscou, 4ème séminaire Euro-BRICS.

En avril 2010, les pays membre de la World Bank ont conclu un accord pour modifier sa gouvernance sévèrement critiquée. Le Congrès U.S. ne l’a pas encore ratifié.

Le 26 mars 2013 les BRICS ont annoncé l’ouverture en 2014 de leur propre banque de développement qui court-circuitera à terme la World Bank et d'un fond d'échanges doté de plus de 100 milliards d’USD.

En réponse à la question que j’ai posée à la conférence #futureecon du 19 Avril dernier organisée par le FMI, à propos de l’éventualité de la création d’un second FMI par les BRICS, l’inquiétude est reconnue par le directeur général adjoint du FMI, M. Min Zhu, et la question n’est pas tabou. Il faut rappeler ici que le monde a connu à l’entre deux-guerres une période d’utilisation de deux monnaies de réserves prépondérantes et utilisées à part quasi-égales : le dollar US et la livre sterling, chacune avec leur zone d’influence géographique.[5] Continuer à se projeter vers un système monétaire international unique et une monnaie de réserve unique n’est donc sans doute qu’un réflexe ou une habitude intellectuelle.

Les communiqués du FMI indiquent par ailleurs un engagement à une révision des quotes-parts d’ici janvier 2014, proposition défendue par les BRIC dès 2008.[1]

En avril et mai, les réunions du G20-Finance, de la World Bank, du FMI et du CMFI ont permis de mettre en évidence la très forte convergence des débats internationaux et d’un Consensus sur 3 principes clés: réformes de structure qui permettront de placer la dette sur une trajectoire viable, de réduction des déficits à moyen terme d’une part et des déséquilibres macro-économiques mondiaux d’autre part. Il s’agit explicitement de rétablir la résilience du système économique international. 

Précisons enfin que le communiqué du CMFI indique spécifiquement un engagement à s’abstenir de dévaluations compétitives.[6]

Il faut alors distinguer deux groupes de pays : ceux qui s’inscrivent réellement dans ce consensus, et ceux pour qui il ne s’agit que de mots. Une analyse factuelle de l’évolution des indicateurs macroéconomiques depuis 2008 jusqu'à ce jour nous autorise à isoler d’un côté le groupe des USA, Japon, et Royaume-Uni, et de l’autre côté celui de tous les autres pays du G20.
Les efforts de convergence budgétaire au sein de la zone euro sont en particulier remarquables. Le gouvernement économique intégré de la zone euro, avec un président nommé à sa tête qui serait chargé notamment d'une harmonisation de la fiscalité des pays membres et de prolonger le plan de lutte contre la fraude fiscale se précise chaque jour un peu plus, ces derniers jours par la voix officielle de François Hollande qui le souhaite d’ici 2015.
En face, sans avoir besoin de prononcer officiellement les termes de « dévaluation compétitive », l’arme du QE de la guerre monétaire a déjà permis au yen de perdre de manière continue 25% de sa valeur face au dollar, à l’euro, et au yuan depuis octobre 2012. Les analystes annoncent la poursuite de cette tendance tout au long de 2013.

Il faut donc constater à ce jour l’échec de la mission stratégique de surveillance financière par le FMI, dont les communiqués officiels cautionnent les pratiques des pays qui ne jouent pas le jeu multilatéral.

Ce constat a déjà poussé les acteurs BRICS à élaborer une stratégie commune de réforme du système monétaire international [4]. Je l’estime partagée par les décideurs de l’Euroland, et dans la logique d’un rapprochement Euro-BRICS. Rappelons les grands jalons de cette stratégie multilatérale:

- réforme et entrée en vigueur des quotes-parts et droits de vote au FMI en faveur des pays BRICS

- réforme du panier de monnaies constituant les SDR (avec le gramme d’or)

- création d’un marché très liquide et profond pour le commerce international basé sur les nouveaux SDR

- rééquilibrage lent des déséquilibres macroéconomiques mondiaux à moyen terme : c’est-à-dire 20 ans au strict minimum

Le mouvement politique sans précédent de la création par les BRICS d’une nouvelle banque de développement, loin d’apparaître comme étant un simple doublon, sert aussi à stimuler diplomatiquement l’avancée de la stratégie multilatérale. 

La question primordiale devient alors à mon sens : avons-nous à disposition le temps nécessaire pour assurer le succès de cette stratégie? Comme le dit l’introduction de notre séminaire: « le temps presse ». Nous avons publié dans le Magazine d’Anticipation Politique une analyse de la politique américaine en remontant sur plus d’un siècle, et nous montrons que la politique de keynésianisme militaire à l’œuvre dans ce pays conduit à une érosion de la démocratie, à un point aujourd'hui tel qu’une partie significative des citoyens états-uniens seront d’ici quelques années en lutte déclarée contre leur gouvernement fédéral. A la pression internationale va s’ajouter pour leur gouvernement un accroissement rapide de la pression domestique.[7]

Par ailleurs le rôle de dévoilement exercé par la crise systémique mondiale a été mis en œuvre :

- premièrement dans les bouleversements récents et anticipés du marché de l’or qui ont fait apparaître aux yeux de tous la manipulation du cours par l’intermédiaire des ventes à découvert de contrats "futures" sur le marché COMEX à NewYork, suivi du retrait immédiat de la quasi-totalité des seuls stocks éligibles d’or physique abrités par JPMorgan Chase, l’une des six sociétés qui se partagent ce marché du stockage d’or contrepartie des contrats "futures".

Source: ZeroHedge

En 2 jours, 400 t d’or ont ainsi disparu de ce marché.[3] Apparaît ensuite la perte de corrélation entre la cotation officielle de l’or (c’est-à-dire de l’or papier) et celle de l’or physique qui n’est désormais accessible qu’au moyen de l’addition d’une prime qui a très fortement augmentée, et très dépendante de l’approvisionnement local ; puis signalons enfin le record historique pour les importations d’or physique par les pays asiatiques au premier trimestre, dont 300 t pour la Chine.

Source: ZeroHedge

- Deuxièmement le dévoilement est évident dans les diffusions croissantes des listes de milliers de possesseurs de comptes bancaires dans les paradis fiscaux depuis 2007 (avec le Lichtenstein puis la Suisse [2]), dans les enquêtes que les Etats, y compris ceux de la sphère anglo-saxonne, sont alors obligés de diligenter, et finalement dans la régulation montante des envois automatiques de données à partir des banques des paradis fiscaux vers les Etats de résidence.

Ces dévoilements sont des facteurs majeurs d’accélération de la crise systémique globale, dans sa phase actuelle.

Il me parait dès lors indispensable non pas d’abandonner la stratégie multilatérale de réforme du système monétaire international, mais de la compléter rapidement par une autre initiative du groupe Euro-BRICS. Cette initiative se dessine dans la logique actuellement à l’œuvre de dislocation géopolitique mondiale, et je la nomme Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique. Son but est de limiter les effets de la guerre monétaire, et de venir compléter l’utilisation des nombreux nouveaux swaps bilatéraux.

Notre proposition consiste à développer ou créer des Régions Administratives Spéciales pour chaque pays du groupe Euro-BRICS. Ces Régions seraient dédiées aux flux de marchandises échangés par chaque pays du groupe Euro-BRICS avec les Etats-Unis et le Japon, à l’image du statut existant pour Hong-Kong ou Macao. L’inclusion du Royaume-Uni dans cette liste de partenaires commerciaux spéciaux pourrait s’étudier également, mais le processus est rendu beaucoup plus long et incertain pour la zone Euro à cause de l’existence des traités européens. Une éventuelle sortie volontaire de l’EU27 par le Royaume-Uni remettrait à l’étude son inclusion dans cette liste.

Les pays Euro-BRICS n’effectueraient plus de paiements ou de vente de marchandises directement avec les Etats-Unis et le Japon ; Un transfert et une refacturation seraient obligatoirement effectués dans les Régions Administratives Spéciales (RAS). L’idée serait alors de pouvoir utiliser dans ces Régions une monnaie différente des monnaies des pays Euro-BRICS, de la même façon que le dollar de Hong-Kong n’est pas le Yuan ou le Renminbi. Précisons que nous nous intéressons pour l’instant seulement aux flux physiques, c’est-à-dire à la plus grande part de l’économie réelle. Les monnaies actuelles resteraient convertibles sur le marché mondial. Ces Régions Administratives Spéciales concentreraient le risque lié au commerce avec des pays présentant des fluctuations de taux d’échange des devises trop élevées. Les pays Euro-BRICS seraient en mesure de réguler à leur guise le taux de change entre leur devise et celle en vigueur au sein de leur propre RAS. Ces RAS seraient développées ou créées autour des ports principaux actuellement utilisés pour les échanges avec les USA et le Japon. L’installation d’activités financières non strictement indispensables (fonds privés…) y serait découragée.

Le commerce entre les pays Euro-BRICS ne doit pas être affecté par le développement de ces RAS, et si possible ne pas transiter par elles. Ces régions ne doivent servir qu’à dresser un mur de protection pour les échanges avec les pays qui ont prouvé leur manque de volonté à respecter jusqu'ici la gouvernance nécessaire à un dialogue multilatéral efficace.

Cependant, il est souhaitable que les échanges commerciaux au sein du groupe Euro-BRICS renforcent leur abandon du dollar comme devise de transaction, y compris pour les produits pétroliers. Les accords actuellement en vigueur devraient être modifiés dans ce sens. 

L’Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique est très flexible. Chaque pays peut progresser à son rythme dans cette direction, respectant la nouvelle logique coopérative de la gouvernance globale résumée par l’expression d’Evgenia Obitchkina : celle de « la multipolarité dans la diversité ». [8]

L’avantage principal d’un tel « collier de perles » de RAS qui entourerait Etats-Unis et Japon, outre la réduction du risque de change lié au contrôle strict du taux de change et aux délais de refacturation qui peuvent être adaptées, réside dans la résilience du système en cas de défaut majeur d’institutions financières aux Etats Unis ou au Japon ; Pour le groupe Euro-BRICS, les structures financières de défaisance (Special Purpose Vehicles) seraient alors localisées dans ces RAS et le risque systémique y serait contenu, sans mettre en péril les entreprises et les dettes publiques des pays du groupe Euro-BRICS.

Cette initiative peut finalement se résumer de manière simple : il s’agit d’organiser et de réguler l’interface entre la zone dollar-yen et le reste du monde. Le périmètre économique et commercial du groupe Euro-BRICS est suffisant pour amorcer avec succès cette contention du risque systémique.

Dans une deuxième étape, on pourrait envisager un contrôle des flux de capitaux entre le groupe Euro-BRICS et celui formé par les USA et le Japon, mais ceci me parait moins prioritaire et peut être développé indépendamment. La crise asiatique de 97 et la crise de l’euro ont déjà permis de prendre conscience de la nécessaire mise en place d’importantes réserves de change ou de mécanisme de substitution pour amortir les crises monétaires ou un retrait brusque des capitaux par des sociétés américaines. 

Le monde de demain, mais aussi les perspectives visibles de sortie de cette crise dépendent dans une large mesure des qualités du nouveau système monétaire international et de sa meilleure stabilité. L’Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique est un nouveau pas vers un système monétaire international dual résilient aux crises. Pour reprendre l’expression de Deng Xiaoping « Un monde, un système dual », voilà l’horizon vers lequel avancer. Comme le disait Richard Fuller, pour changer les choses, il s’agit non pas de combattre ce qui existe déjà mais de construire un nouveau modèle qui rendra l'ancien obsolète. La simple évocation de cette possibilité est déjà un argument diplomatique porteur pour renforcer l’efficacité de la stratégie multilatérale, ou l’accélérer. Cette Initiative porte en germe une réelle capacité d’influence politique pour le groupe Euro-BRICS, et une synergie croissante par l’effet de réseau.




[2] Peu après l’accord avec le FISC français est intervenu un accord entre UBS Suisse et les USA.
[3] K. Weiner a proposé peu après la tenue du séminaire Euro-BRICS une autre explication de ce fait. Elle est peu connue et mérite d'être mentionnée car elle nous semble digne d'intérêt.
[4] M. Otero-Iglesias, M. Zhang, EU-China Collaboration in the Reform of the International Monetary System, RCIF Working Paper No. 2012W07, 4/2012; M. Otero-Iglesias, China, the Euro and the Reform of the International Monetary System, 10/2012.
[5] C. R. Schenk, The Retirement of Sterling as a Reserve Currency after 1945: Lessons for the US Dollar?, Canadian Network for Economic History conference, 10/2009; B. Eichengreen, M. Flandreau, The rise and fall of the dollar, or when did the dollar replace sterling as the leading international currency?, NBER Working Paper 14154, 2008.
[6] Statement by Secretary Jacob J. Lew at the International Monetary Financial Committee (IMFC) Meeting, 04/2013.
[7] B. Paul, The inevitable counter-revolution of the American people, Magazine of Political Anticipation, n.8, 03/2013; Voir également la version longue de cet article en français: L'inévitable contre-révolution du peuple Américain, Conscience-Sociale.org, 03/2013.
[8] E. Obitchkina, « From the diplomacy of states to that of networks: powers and areas of interest », 3rd Euro-BRICS seminar, Cannes, 09/2012.

Our Research Pages


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Data series, historical data and graphs :


Annexes sur l'étude de la crise écologique globale :



  • Travaux et études publiés | Interventions lors de séminaires
    Published studies | Public seminars
    Studien veröffentlicht | Interventionen in Seminaren
    Los estudios publicados | Las intervenciones en los seminarios




2013/07/14

Artwork: Statement on the New Economic Policy and the Return of Hoarded Gold to the Federal Reserve Banks






The full content is available in a PDF file.


Artwork licensed under Creative Commons BY-SA 3.0 

2013/07/13

Artwork: Gold Confiscation Executive Order 2013


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Artwork licensed under Creative Commons BY-SA 3.0

2013/07/11

Qianhai is a toe

 Quand un représentant de la nation qui a inventé les arts martiaux vous dit que "Qianhai est un orteil", ce n'est pas à prendre à la légère.

In January, a dozen banks in Hong Kong signed yuan loan agreements with companies in Qianhai. This is the only channel for overseas yuan to flow back to the mainland. Many are looking closely now whether this will be challenged.
One official from the Qianhai Administration Bureau, however, shrugged off the concern and said Qianhai and Shanghai are positioned differently.
"Beijing is the brain, Shanghai is the heart and Qianhai is a toe," he said. "Financial innovations can be risky. They are not suitable for the heart but can be tried out on the toe."
Les orteils sont en effet indispensables pour maintenir en équilibre le corps. Ils apportent agilité, stabilité et proprioception. Et que vaut un champion s'il ne peut pas se tenir droit?
 La finance est définitivement un sport de combat, surtout en ces années de guerre monétaire. 

C'est dans cet esprit d'agilité que s'est située mon intervention lors du dernier séminaire organisé par le LEAP 2020 et l'université MGIMO à Moscou les 23-24 mai, lequel a réuni des représentants de plusieurs pays de la zone Euro, de la Commision Européenne et de tous les pays BRICS, dans la perspective de la préparation du prochain G20.  Une note de synthèse stratégique a déjà été diffusée.


J'ai évoqué lors de ce séminaire l'utilisation des zones administratives spéciales, déjà connues pour le commerce, pour leur associer les flux de la finance liés au commerce. La zone de Qianhai en est justement une bonne illustration. Nous diffuserons dans quelque temps le texte de cette intervention.

2013/07/02

World population in 2050 : new revision but what about accuracy?

United Nations has released this month the 2012 revision of their demographic forecast :
the world population of 7.2 billion in mid-2013 is projected to increase by almost one billion people within the next twelve years, reaching 8.1 billion in 2025, and to further increase to 9.6 billion in 2050 and 10.9 billion by 2100. These results are based on the medium-variant projection.

Source : United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2013). World Population Prospects: The 2012 Revision, Key Findings and Advance Tables.

The "constant fertility" scenario assumes the current fertility rate in the different countries remains unchanged in the future. This rate is the most critical parameter in the U.N. projections, whereas there are many others important parameters.

This global trend is putting even further pressure on natural ressources, as described in our previous articles about the Global Ecological Crisis (MAP1MAP2).

But we would like here to challenge these U.N. projections. The authors speak about Medium (Median (50%) prediction interval), High (Higher 95% prediction interval) and Low (Lower 95% prediction interval) fertility scenarii but do not propose, define or estimate accuracy for each of them. We have first think to compare current data with past projections. We can observe in the figure that the different scenarii produce significant separate results 20 to 30 years in the future. What about comparing currently measured population sizes with U.N. projections made in the 70's ?

Well, this job has already been done, with much greater details I would have hope. In 2000, the Panel on Population Projections published "Beyond Six Billion: Forecasting the World's Population", a detailed scientific study to examine official population projections: to assess their assumptions, estimate their accuracy and uncertainty (past U.N. projections did not precise the prediction interval), and evaluate the implications of current demographic research for projection procedures. This study is freely available.
The results are in short: 



Using the ex post approach and an appropriate statistical model developed after analysis of errors in international forecasts, we estimated prediction intervals for the current U.N. forecast. These intervals are constructed on the assumption that errors in current projections resemble those in past projections made after 1970. Our results suggest that the uncertainty in country projections is quite variable and is dramatically greater than suggested by U.N. high-low scenarios, with a typical 95-percent range more than twice as wide as the U.N. high-low intervals.
Regional 95-percent intervals are similarly variable but generally much narrower than country intervals. For developing regions, however, they are still consistently wider than U.N. high-low intervals. Across regions, the median 95-percent interval in 50-year projections was 40 per-cent wider than the U.N.’s high-low interval. However, prediction intervals are proportionally narrower for industrial regions and for the world as a whole. In these cases, our estimated prediction intervals are narrower than the intervals defined by the U.N. high-low scenarios. The world prediction interval also suggests a greater possibility of a downside than an upside error, making sustained population decline appear quite unlikely during the next 50 years.

2013/06/25

The Imperium Curse

This text is strongly based on "The Finance Curse" article, published by Tax Justice Network. The original article shows that countries hosting oversized financial services can suffer big damages on their economic growth and development like oil-rich nations (the well-known resource curse), and often for similar reasons.
Our goal here is to illustrate another similar fate for countries relying upon imperialist ideology.

The most relevant part is the way citizens in UK have organized themselves into lobbying groups for better understanding the underlying problems around tax evasion, oversized financial services in their own country, and have sustained since years the debate on deep political reforms (in UK and elsewhere), with more and more success. 
It is my hope that U.S. citizens will continue to organize themselves into lobbying groups for understanding the underlying problem around the real current state of civil liberties, oversized military and intelligence services in their own country, and will be able to grow successfully the debate on deep political reforms. 

This counter-revolution in ideas will not save everybody but it could save the most, and that's why the quicker is the better.

The Imperium Curse

A "resource curse" affects certain mineral- and oil-rich nations damaging their economic growth and development. Many countries receiving large windfalls from their mineral resources fail to harness them for national development - and it can be even worse than that: many countries seem to be 'cursed' by their minerals in the form of higher poverty, more conflict, greater corruption, steeper inequality, greater authoritarianism and slower economic growth than their resource-poor peers.
The Finance Curse, a May 2013 e-book by Nicholas Shaxson, author of Treasure Islands, and John Christensen, Director of the Tax Justice Network, shows that countries hosting oversized financial services can suffer similar fates, and often for similar reasons. 
We have discussed in this text that an "Imperium Curse" is also existing for the U.S., and shown that a country hosting oversized military and intelligence services is suffering similar fates, and for similar reasons. 
Our work, complementing a number of other studies, argues that oversized military and intelligence sectors harm their host countries by, among other things:
  • weakening long term growth and social development;
  • acting like cuckoos crowding out productive, sustainable industrial sectors;
  • exaggerating and routinely overstating their social contribution to gain distorting government subsidies (a.k.a. military Keynesianism), lax democratic regulation and influence crucial political decisions;
  • playing a key role in creating a “spider's web” of (para-)military groups and secret prisons;
  • capturing whole political systems, leading to authoritarianism; and
  • generating and extracting unproductive and harmful economic ‘rents’ (the business sector collusion with powers known as a typical figure of fascism).
Every economy needs its defense forces, and for decades (neo-)conservative ideology generally held that bigger is better. But since the recent global war to terror emerged new research from Pr. Chalmers Johnson, Pr. Peter Scott Dale, Dr. Paul Craig Roberts or leaks from Bradley Manning, Edward Snowden and many others, has shown that defense sector development is healthy only up to a point, after which it starts to turn bad and harm growth and democracy.
The Imperium Curse is summarised in the term "Country Capture" which involves both the political capture of military-dependent economies by military and intelligence services interests, plus the economic capture of whole economies as the defense sector crowds out other sectors. The studies shows not only that the gross 'contribution' of military and intelligence services that is widely reported in media articles (i.e. the 'national security' argument) is usually much smaller than advertised: but once the range of harms flowing from having oversized military and intelligence sectors is taken into account, the net 'contribution' is strongly negative.

#PRISM: voir avant, voir après

 J'ai eu le plaisir d'animer une session jeudi 20 à 13h lors de la dernière conférence Pas Sage en Seine 2013 (PSES2013), à propos de l'affaire #PRISM.

"Anticiper #PRISM et anticiper la suite de l'histoire : Le geste politique d'Edward Snowden avait été correctement anticipé dans un contexte de montée en puissance de l'hacktivisme aux U.S. Nous discuterons de l'utilisation de la méthode de l'anticipation politique pour cette analyse, et ce qu'elle nous apprend pour la suite de la transformation socio-politique en cours aux U.S."

Vous pouvez retrouver son enregistrement vidéo ici, et le support que j'ai utilisé ici. Il est diffusé sous CC BY SA. (Le micro ne fonctionnait pas toujours très bien, désolé pour la qualité du son.)

Un point important que l'on n'a pas abordé lors de cette session: l'implication du GCHQ et l'impact de cette information sur la politique intérieure du Royaume-Uni et sa relation avec l'Union Européenne.

2013/06/20

Yves Cochet et la conscience sociale

L'Institut Momentum est depuis 2011 un groupe de réflexion sur la décroissance, dans un contexte de crise écologique globale. Yves Cochet en est l'un des acteurs les plus connus. 

Le 28 septembre dernier, il a animé un séminaire où l'on trouve ceci (pdf p9) :

"La totalité des rapports sociaux entre humains est fondée sur une interaction cognitive (l'interaction spéculaire) qui émerge nécessairement lorsque des individus se rencontrent et qui constitue simultanément leur être-au-monde par une boucle incessante entre l'individu et son environnement. L'être humain est tout à la fois modelé par le monde qui lui préexiste et modélisateur du monde par les actions qu'il entreprend. Certes, comme chez Girard, cette boucle est alimentée par l'imitation mais, dans la spécularité, cette imitation est aussi bien imitation du même qu'imitation de la différence, mimésis duplicative et mimésis différentielle. La spécularité concerne les entrecroisements des représentations du monde que chacun élabore progressivement dans l'intersubjectivité avec autrui et avec les tiers. L'enfant (et l'adulte !), doté de cette faculté de modéliser le monde, apprend aussi bien à imiter les autres qu'à s'en distinguer. Il possède ainsi un ensemble de représentations du monde, notamment une représentation de lui-même aux yeux des autres (les autres sont nos miroirs, ce qu'indique le qualificatif "spéculaire"). Au sein d'une communauté humaine, chacun étant placé dans la même position que les autres, la mimésis duplicative tend à rapprocher les représentations du monde des uns et des autres, en particulier la représentation que les autres ont de ma représentation du monde, de telle sorte que les réactions des autres à mes gestes ne soient pas imprévisibles, voire dangereuses. La mimésis duplicative tend à unifier ainsi la communauté autour de valeurs, de principes et de comportements communs. Dans le même temps, la mimésis différentielle (le principe de distinction, eut dit Pierre Bourdieu) garantit la diversité sans laquelle l'indifférenciation contagieuse créerait un chaos social de purs rivaux, une violence générale dans la communauté, « la guerre de tous contre tous » écrivait Thomas Hobbes. (Y. Cochet in Entropia 13, 2012) Une des modalités de l’interaction spéculaire est la contagion par la mimésis duplicative, c’est-à-dire l’imitation mutuelle massive au sein d’un groupe." 

Cette interaction cognitive est une des composantes essentielles de ce que j'appelle la conscience sociale

La suite du séminaire traite de l'effondrement systémique mondial. Si les relations schématisées sont intéressantes à explorer, je ne suis pas en accord avec tous les points expliqués, pour deux points essentiels et incontournables:
  • 1) le système monde ne se modélise pas de manière homogène, il faut impérativement rajouter une dimension géospatiale. Les premières conséquences de la crise apparue en 2007 ont bien mis en évidence la dislocation géopolitique mondiale, mouvement à contre pied de la globalisation.
  • 2)  il faudrait très fortement nuancer l'hypothèse "Au sein d'une communauté humaine, chacun étant placé dans la même position que les autres". A la dimension géospatiale je propose de rajouter une dimension d'"empreinte sociale". Cette empreinte est le fruit des nécessaires rapports humains que nous devons tisser et entretenir. C'est une mesure du tissu collectif. Il a peu de choses à voir avec la densité de population, mais davantage avec la densité des rapports humains pour entretenir le collectif et notre rôle dans ce collectif. Cette empreinte sociale est le facteur clé qui détermine si un collectif trouve une solution à sa survie. Pensez à une catastrophe qui se produirait dans une région habitée par les touaregs nomades, et une catastrophe, touchant au départ le même pourcentage de la population, cette fois à Los Angeles par exemple. Où se trouve l'empreinte sociale la plus forte ?
Cette empreinte sociale est aussi un produit lentement accumulé par la culture d'un peuple. C'est pourquoi les peuples anciens méritent toute notre attention, en plus de notre respect.
C'est aussi la raison pour laquelle l'anticipation concernant la zone euro est défaillante dans le cas de Paul Jorion (reprise par Y. Cochet dans ce séminaire). Il ne peut y avoir ici de bonne anticipation sans la dimension politique.

2013/06/18

Le marché des Bons du Trésor US, 2013 Q1

La dernière mise à jour le 14 juin des montants des investissements dans les Bons du Trésor US a apporté son lot de petites surprises. Ce marché est rapidement devenu depuis 1971 le point pivotal du système financier international, c'est pourquoi nous le suivons de très près pour vérifier la qualité de nos anticipations politiques.


Commençons par les obligations (US Treasury securities ou UST) détenues par les investisseurs étrangers à fin avril. On remarque tout de suite que entre mars et avril :
  • le montant total des Bons du Trésor US détenu par des institutions officielles étrangères, typiquement les banques centrales, dans le monde a baissé (For. Official passe à 4062.2 et précédemment 4090.7 milliards de dollar). Il faut remonter à 2006 pour constater un tel évènement :
Source: Bianco Research
  • les investisseurs dans les 38 pays (ou groupe de pays) possédant le plus d'UST ont tous réduit leur exposition aux Bons du Trésor US (somme des investisseurs privés comme les hedge funds, et des investisseurs officiels), à l'exception des pays suivants: exportateurs de pétrole hors Russie; UK; Irlande; France; Turquie; Australie; et dans une mesure beaucoup plus faible: Colombie; Afrique du Sud. Les medias chinois en parle. On voit ici nettement la sphère d'influence anglo-américaine et les effets de la guerre monétaire sur l'Australie, mais que fait donc la France dans ce lot? 
  • inévitablement, le montant total des Bons du Trésor US détenu par les investisseurs étrangers dans le monde a baissé (Grand Total passe à 5670.8 et précédemment 5740.4 milliards de dollar)
Certains "analystes" ont expliqué ces mouvements de vente par le fait que les taux des Bons du Trésor avaient grimpé. Or regardons ci-dessous ce qu'il en est: les dates ne concordent pas, les taux ont monté à partir du 30 Avril seulement.
Evolution du taux de l'obligation à 10 ans entre 2012-12-14 et 2013-06-14

Evolution du taux de l'obligation à 10 ans avec mise à jour quotidienne sur un an glissant

Mais au fait qui donc a acquis ce qui a été vendu ? Forcément les investisseurs domestiques US. Notamment la Fed :
Mise à jour hebdomadaire

Les données FoF sont publiées trimestriellement, donc il va falloir attendre le Rapport Q2 pour avoir plus de détail. Le Q1 vient juste d'être publié. A ce sujet, on remarque autre chose d'intéressant sur la détention des UST:

Source: Flow of Funds Report 2013 Q1, table L.209

Regardez la ligne 39. Brokers and Dealers: les plus grosses banques du marché primaire des UST ont tranquillement écoulé 18% de tous leurs avoirs en UST au premier trimestre... avant la moindre remontée des taux longs, donc avant la baisse du prix des UST. Belle opération... pour eux! Pour l'explication de ce que ca pourrait bien cacher, (re)lisez d'abord l'épisode précédent: Operation Deceit.

Il faut bien comprendre que des taux d'intérêt des UST qui ne seraient pas manipulés "contrôlés" grimperaient en flèche, ce qui signerait l'arrêt cardiaque de l'économie financière US. La perspective de ne plus pouvoir assurer le service de leur dette publique ou le renouvellement du financement de leur dette (risque lié au "rolling" des UST court terme) les oblige à un seul chemin: le contrôle toujours plus marqué sur les taux longs. Ce contrôle permet aussi par leur baisse régulière d'assurer des plus-values régulières aux investisseurs, et donc de retenir les derniers acheteurs encore sur ce marché (à part la Fed).

Dernière innovation à attendre en la matière: les Bons du Trésor à taux variable (Treasury Floatting-Rate Notes ou FRN). L'objectif la aussi est d'échanger les UST à taux fixe encore dans les mains des investisseurs par des UST à taux variable. On sent là une gestion tout à fait saine du risque systémique. Ou comment élever des termites dans la poutre du faîte de votre toît.
Les prochaines interviews des gestionnaires de fonds à ce sujet: "Une excellente opération on vous dit. Mais oui, sans risque (pour moi), pensez-donc. Il n'y a que des avantages. Tenez on a même pensé à protéger votre taux si le taux de référence 13-week UST devenait négatif."



2013/05/31

Operation Deceit

 Do you remember Operation Twist Redux from the Fed?

It seems to me that the Fed just launched another Op, but kept silent about this one. They let Goldman Sachs announce it on behalf of them.

Let me explain: I think Fed has an ever growing appetite for long-term US Treasury, as explained previously (la géoéconomie des Bons du Trésor U.S., in french). Previously on Desperate Fed, they swapped their short-term UST to buy long-term ones. Let see the graph for the shares of UST with different maturities held by the Fed since 2003:

U.S. Treasury held by the Fed, by maturity slice  [blue: maturing in over 10Y; red: over 5Y to 10Y; green: over 1Y to 5Y; orange: over 3M to 1Y; violet: over 15d to 3M; grey: up to 15d] over U.S. Treasury (all maturities), in %, lhs; purple: 10-Y UST yield, rhs; updated weekly

This replacement of short-term treasuries by long-term bonds has begun since december 2007. After Operation Twist Redux, no very short term treasuries remained, and medium term 1Y to 5Y maturities were historically at their lowest (22%). Swap must end, and Fed should buy LT treasuries on the secondary market... but the others current UST holders do not want to sell them because of the always declining yields since 10 years (means price is up). 
The largest UST holders are currently :
  • Rest of the world -- Official institutions : 34.5% of UST shares (in notional value)
  • Fed (not including SSTF special issues) : 14.4% 
  • Rest of the world -- Private investors (i.e. foreign hedge funds) : 13.4%
  • Household sector, not including Savings Bonds -- (i.e. domestic hedge funds, private eq. funds) : 7.4%
  • Money market mutual funds : 4.0%
  • State and local gov. : 1.9%
What better to do then, but to deceit private investors (funds) to make them sell their UST? 
If we follow the new trend in yields since some days (graph below), UST prices are down and this will make the portfolio managers uncomfortable at the end of the second quarter; GS gently advice them to sell before being hurt. But... who will buy them if many obey, except the Fed and its primary dealer banks who know what's behind this move? 

UST yields for different maturities since 2006; updated daily

Let's wait until the end of Q2 (or Q3, depending on the success and duration of this Op) and have a look then on the TREAST graph of maturity slices to verify my hypothesis: shares of long term UST should have increased. And yields will decreased again.