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2017/05/23

La clef de l'Histoire moderne

Diablerie de foule
[dernière mise à jour : 11/9/2017]

Cet opuscule de Pierre-Yves Lenoble donne une partie de la clef de l'Histoire moderne, en s'appuyant sur des citations très pertinentes, dont cinq que je reprends ici. Qu'il me soit permis de compléter cette clef autant que possible, c'est-à-dire par de nouvelles références et des liens vers des articles de fond sur chaque point majeur.

« Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, une forme nouvelle de guerre est née. Appelée parfois guerre subversive ou guerre révolutionnaire, elle diffère essentiellement des guerres du passé en ce sens que la victoire n'est pas attendue uniquement du choc de deux armées sur un champ de bataille. Ce choc, qui visait autrefois à anéantir une armée ennemie en une ou plusieurs batailles, ne se produit plus. La guerre est maintenant un ensemble d'actions de toutes natures (politiques, sociales, économiques, psychologiques, armées, etc.) qui vise le renversement du pouvoir établi dans un pays et son remplacement par un autre régime. Pour y parvenir, l'assaillant s'efforce d'exploiter les tensions internes du pays attaqué, les oppositions politiques, idéologiques, sociales, religieuses, économiques, susceptibles d'avoir une influence profonde sur les populations à conquérir. »
(Roger Trinquier, La guerre moderne, Ed. La table ronde, 1961, Pp.15)


« Aujourd'hui, on ne conquiert plus le terrain pour avoir les hommes, on conquiert les âmes, on conquiert le psychisme. Une fois qu'on a le psychisme, on a l'homme. Quand on a l'homme, le terrain suit. La plus grande astuce du diable, c'est de faire croire qu'il n'existe pas. Le moment est venu d'utiliser le mot "subversion". Arme redoutable car elle essaie de ne pas se montrer. [...] Cette méthode redoutable s'inscrit dans l'infiltration d'une partie des médias, d'une partie de ceux qui enseignent aux âmes, aux cœurs et aux cervelles, je veux dire le clergé, l'école, l'Université. Jadis, pour tenir le pouvoir il fallait contrôler l'Eglise, donc les âmes ; au XIXe siècle, c'est l'instruction, donc les cerveaux. Aujourd'hui c'est l'audiovisuel qui prime, et l'Université. En Occident, on n'apprend plus, comme on le fait dans les pays de l'Est, l'amour de la patrie, du travail, mais le laxisme, l'indiscipline, le non-respect des vertus anciennes, la recherche des paradis artificiels. En un mot ce que j'appelle "l'ordre inverse". »
(Alexandre de Marenches, Dans le secret des princes, Ed. Stock, 1986, Pp. 376-377)


« La Révolution française a été la première révolution de la classe bourgeoise et moyenne ; de ce que l’on appelait le Tiers-Etat, dans l’histoire.
La Commune de Paris devait être la première révolution de la classe prolétarienne, restée relativement dans l’ombre jusqu’à cette époque. Elle fut la première réalisation dans l’histoire - essai encore éphémère et précipitamment étouffé - de la dictature du prolétariat, forme jusque-là inédite de la subversion.
Elle fut le premier avènement du Quart-Etat, ce qui était un progrès sur tout ce qui avait précédé. A ce titre, elle marqua une date dans l’évolution des procédés employés par l’esprit de révolte. Tous les pontifes de la subversion contemporaine, de la phase dite socialiste et communiste, furent unanimes à le déclarer. Les plus grands en tête, Marx et Lénine, répudiaient avec ostentation toute attache avec les révolutions bourgeoises, républicaines et démocratiques, du type de 1789 et 1848. Ils n’y voyaient qu’un moyen, un acheminement, non le but. Tous proclamaient leur filiation directe à l’égard de la Commune parisienne, même lorsqu’ils en critiquaient le manque de préparation technique.
Tous, sans exceptions s’inclinent devant elle comme devant une sorte de chef de file et lui consacrent de nombreux discours, brochures et livres. Elle a été le premier son de cloche de ce que devait être la révolution bolcheviste. Marx, Lénine, Trotsky, Kautsky, Lawrof et beaucoup d’autres traitent ce sujet et polémiquent sous ce rapport.
La grande erreur consiste à supposer que la Commune de Paris fut un mouvement spontané, et cette erreur se répète à propos de toutes les révolutions.
Chaque fois, il se trouve des hommes, par centaines de milliers, assez naïfs pour croire qu’une chose peut se faire toute seule, et qu’elle peut sortir du néant sans avoir été faite par quelqu’un. Pour peu qu’on y réfléchisse c’est une absurdité philosophique et un défi au bon sens. Surtout à une époque qui prétend être scientifique et où l’on devrait savoir que même ces processus qu’autrefois on croyait automatiques et réglés par des lois abstraites de la nature, - tels que la décomposition d’un cadavre, la maladie, la vieillesse, la mort dite naturelle - , sont déterminés par des agents concrets et vivants, appelés bacilles, toxines, qui travaillent à cet effet. Sans eux il n’y aurait ni décomposition, ni fièvre, ni décrépitude, ni mort, et si ces agents nous sont invisibles, cela ne veut pas dire qu’ils soient moins réels.
Il en est de même pour la société, qui est l’humanité dans l’espace, et pour l’histoire, qui est l’humanité dans le temps.
Des bacilles, des toxines, à forme humaine, que l’œil des générations ne discerne pas, que l’œil des historiens ignore, ou plus souvent, feint d’ignorer, - mais dont l’existence n’est pas un mystère pour le bactériologiste de la société et de l’histoire - , provoquent les fièvres, la décrépitude ou la décomposition, les paralysies ou les convulsions, la vieillesse, l’avarie et la mort.
Les victimes croient que le processus se fait tout seul, en vertu des lois inéluctables et consubstantielles à la nature des choses, et c’est pourquoi elles ne réagissent point. En effet, comment réagir, sans être insensé, contre l’inéluctable et la nature des choses ?...
Il n’y a pas eu plus de spontanéité dans la Commune de 1871 qu’il n’y en avait eu en 1789, en 1793, en 1848, en 1905 ou en 1917 et qu’il n’y en a dans les troubles chinois, hindous, soudanais, syriens, turcs, marocains et afghans. Il n’y en a pas davantage dans toutes les grèves de notre époque. Il n’en est pas moins vrai que, de même que dans l’organisme animal, pour que les bacilles et les toxines puissent manifester efficacement leur action meurtrière, il est nécessaire que cet organisme soit affaibli et délabré par des intempéries ou du surmenage. Sans quoi, cet organisme sain et dans la plénitude de ses forces, aurait des ressorts pour se défendre et réduire à néant l’action nocive. »
(Emmanuel Malynski et Léon de Poncins, La guerre occulte, édition de 1940, Pp.19-20 ; cette partie est un résumé par de Poncins de La mission du peuple de Dieu - 6ème partie - La grande conspiration mondiale, 1928)


« Maniement de l'opinion publique
52 - A cela s'ajoute ce qui se révélait déjà dans l'évolution antérieure mais qui, à présent, se découvre à plein : la mise au pas uniforme de l'opinion publique. Et cela par tous les moyens : par la parole et par l'écrit, par la presse et le théâtre, par le cinéma et la radio, par l'art et même par la science, par l'école et les métiers, et encore, trait répugnant, par la pression, au moyen des œuvres d'assistance, sur les pauvres. Et de tout cela, voilà le lamentable résultat : l'homme de masse moderne. Celui-ci n'a plus d'opinion à lui, plus de volonté propre ; il n'est qu'un instrument passif aux mains du chef. Prendre n'importe quelle initiative un tant soit peu en vue lui est pratiquement impossible ; et pourtant, sans cet esprit d'initiative, impossible à l'homme de se donner cette culture personnelle qui est un élément de vie pour la communauté humaine. »
(Humani Generis Unitas. Pope Pius XI - Ineditum, 1938, §52 ; in Georges Passelecq, Bernard Suchecky, L'Encyclique cachée de Pie XI, Ed. La Découverte, 1995, Pp. 242-243)

Quelques explications métaphysiques


Ici comme dans les précédents ouvrages de M. Léon de Poncins dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, il y a, pour tout ce qui se rapporte à la critique du monde moderne, beaucoup de considérations très justes ; les auteurs, qui dénoncent avec raison des erreurs communes comme celle qui consiste à croire que les révolutions sont des « mouvements spontanés », sont de ceux qui pensent que la déviation moderne, dont ils étudient plus spécialement les étapes au cours du XIXème siècle, doit nécessairement répondre à un « plan » bien arrêté, et conscient tout au moins chez ceux qui dirigent cette « guerre occulte » contre tout ce qui présente un caractère traditionnel, intellectuellement ou socialement. Seulement, quand il s’agit de rechercher des « responsabilités », nous avons bien des réserves à faire ; la chose n’est d’ailleurs pas si simple ni si facile, il faut bien le reconnaître, puisque, par définition même, ce dont il s’agit ne se montre pas au dehors, et que les pseudo-dirigeants apparents n’en sont que des instruments plus ou moins inconscients. En tout cas, il y a ici une tendance à exagérer considérablement le rôle attribué aux Juifs, jusqu’à supposer que ce sont eux-seuls qui en définitive mènent le monde, et sans faire à leur sujet certaines distinctions nécessaires ; comment ne s’aperçoit-on pas, par exemple, que ceux qui prennent une part active à certains événements ne sont que des Juifs entièrement détachés de leur propre tradition, et qui, comme il arrive toujours en pareil cas, n’ont guère gardé que les défauts de leur race et les mauvais côtés de sa mentalité particulière ? Il y a pourtant des passages (notamment pp. 105-110) qui touchent d’assez près à certaines vérités concernant la « contre-initiation » : il est tout à fait exact qu’il ne s’agit pas là d’ « intérêts » quelconques, qui ne peuvent servir qu’à mouvoir de vulgaires instruments, mais d’une « foi » qui constitue « un mystère métapsychique insondable pour l’intelligence même élevée de l’homme ordinaire » ; et il ne l’est pas moins qu’ « il y a un courant de satanisme dans l’histoire »… Mais ce courant n’est pas seulement dirigé contre le Christianisme (et c’est peut-être cette façon trop restreinte d’envisager les choses qui est la cause de bien des « erreurs d’optique ») ; il l’est aussi, exactement au même titre, contre toute tradition, qu’elle soit d’Orient ou d’Occident, et sans excepter le Judaïsme.
(René Guénon, Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, t. I, Compte-rendu juillet 1936).


Un autre point qui est à retenir, c’est que les Supérieurs Inconnus, de quelque ordre qu’ils soient, et quel que soit le domaine dans lequel ils veulent agir, ne cherchent jamais à créer des « mouvements », suivant une expression qui est fort à la mode aujourd’hui ; ils créent seulement des « états d’esprit », ce qui est beaucoup plus efficace, mais peut-être un peu moins à la portée de tout le monde. Il est incontestable, encore que certains se déclarent incapables de le comprendre, que la mentalité des individus et des collectivités peut être modifiée par un ensemble systématisé de suggestions appropriées ; au fond, l’éducation elle-même n’est guère autre chose que cela, et il n’y a là-dedans aucun « occultisme ». Du reste, on ne saurait douter que cette faculté de suggestion puisse être exercée, à tous les degrés et dans tous les domaines, par des hommes « en chair et en os », lorsqu’on voit, par exemple, une foule entière illusionnée par un simple fakir, qui n’est cependant qu’un initié de l’ordre le plus inférieur, et dont les pouvoirs sont assez comparables à ceux que pouvait posséder un Gugomos ou un Schroepfer. Ce pouvoir de suggestion n’est dû, somme toute, qu’au développement de certaines facultés spéciales, quand il s’applique seulement au domaine social et s’exerce sur l’ « opinion », il est surtout affaire de psychologie : un « état d’esprit » déterminé requiert des conditions favorables pour s’établir, et il faut savoir, ou profiter de ces conditions si elles existent déjà, ou en provoquer soi-même la réalisation. Le socialisme répond à certaines conditions actuelles, et c’est là ce qui fait toutes ses chances de succès ; que les conditions viennent à changer pour une raison ou pour une autre, et le socialisme, qui ne pourra jamais être qu’un simple moyen d’action pour des Supérieurs Inconnus, aura vite fait de se transformer en autre chose dont nous ne pouvons même pas prévoir le caractère. C’est peut-être là qu’est le danger le plus grave, surtout si les Supérieurs Inconnus savent, comme il y a tout lieu de l’admettre, modifier cette mentalité collective qu’on appelle l’ « opinion » ; c’est un travail de ce genre qui s’effectua au cours du XVIIIème siècle et qui aboutit à la Révolution, et, quand celle-ci éclata, les Supérieurs Inconnus n’avaient plus besoin d’intervenir, l’action de leurs agents subalternes était pleinement suffisante. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard, empêcher que de pareils événements se renouvellent, et c’est pourquoi, dirons-nous avec M. Copin-Albancelli, « il est fort important d’éclairer le peuple sur la question maçonnique et ce qui se cache derrière».
(René Guénon, Réflexions à propos du « Pouvoir Occulte », 11 Juin 1914, La France antimaçonnique)


Bien plus, la « subversion » la plus habile et la plus dangereuse est certainement celle qui ne se trahit pas par des singularités trop manifestes et que n’importe qui peut facilement apercevoir, mais qui déforme le sens des symboles ou renverse leur valeur sans rien changer à leurs apparences extérieures. Mais la ruse la plus diabolique de toutes est peut-être celle qui consiste à faire attribuer au symbolisme orthodoxe lui-même, tel qu’il existe dans les organisations véritablement traditionnelles, et plus particulièrement dans les organisations initiatiques, qui sont surtout visées en pareil cas, l’interprétation à rebours qui est proprement le fait de la « contre-initiation » ; et celle-ci, comme nous l’avons signalé dernièrement, ne se prive pas d’user de ce moyen pour provoquer les confusions et les équivoques dont elle a quelque profit à tirer. C’est là, au fond, tout le secret de certaines campagnes menées, soit contre l’ésotérisme en général, soit contre telle ou telle forme initiatique en particulier, avec l’aide inconsciente de gens dont la plupart seraient fort étonnés, et même épouvantés, s’ils pouvaient se rendre compte de ce pour quoi on les utilise ; il arrive malheureusement parfois que ceux qui croient combattre le diable se trouvent ainsi tout simplement, sans s’en douter le moins du monde, transformés en ses meilleurs serviteurs !
(René Guénon, Du double sens des symboles, Études Traditionnelles, juillet 1937)


« Risque de catastrophe complète par la renonciation à l'esprit
67 - Notre société moderne est donc malade ; et les nouvelles formules d'unité, les nouveaux types d'unité, loin de la guérir, ne peuvent que la rendre encore plus malade. Car ils décomposent, avec la pensée et l'idéal de vie, d'eux-mêmes devenus mécaniquement dissociateurs, la consistance interne de la vie sociale humaine ; et pareillement les facteurs naturels de sa constitution, tout comme son fondement naturel, l'unité de la personnalité humaine. Ils risquent, en dernière analyse, d'acheminer l'humanité vers une catastrophe, par leur conception mécanique atomistique du genre humain, par la renonciation radicale à l'Esprit, au fond à l'Esprit de Dieu. 
Faut-il encore, dans le même sens, au sujet de ces formes d'Unité du Totalitarisme extensif, une dernière preuve. La pensée, avec ses procédés de pure mécanique, était désormais incapable, parce que déspiritualisée, de percevoir les divers facteurs naturels de l'édification de la société et leur interdépendance essentielle, ainsi que l'Unité au sein de la Pluralité ; elle ne pouvait plus pousser de l'aant, jusqu'à la véritable Unité et Totalité d'un système complet du monde, comportant une Totalité intensive, c'est-à-dire une authentique Unité dans une authentique Pluralité. Ce qu'elle conservait, pour ainsi dire, de l'Esprit, c'était uniquement l'intelligence, qui précisément ne méritait plus, nous l'avons vu, ce nom-là, pris dans son sens profond, c'est-à-dire dans le sens de l'Esprit, mais en revanche devait s'attendre d'autant plus à ce que la lutte fut engagée contre elle en ces dernières années. »
(Humani Generis Unitas. Pope Pius XI - Ineditum, 1938, §67 ; in Georges Passelecq, Bernard Suchecky, L'Encyclique cachée de Pie XI, Ed. La Découverte, 1995, Pp. 249-250)


Après les considérations que nous avons exposées et les exemples que nous avons donnés jusqu’ici, on pourra mieux comprendre en quoi consistent exactement, d’une façon générale, les étapes de l’action antitraditionnelle qui a véritablement « fait » le monde moderne comme tel ; mais, avant tout, il faut bien se rendre compte que, toute action effective supposant nécessairement des agents, celle-là ne peut, pas plus qu’une autre, être une sorte de production spontanée et « fortuite », et que, s’exerçant spécialement dans le domaine humain, elle doit forcément impliquer l’intervention d’agents humains. Le fait que cette action concorde avec les caractères propres de la période cyclique où elle s’est produite explique qu’elle ait été possible et qu’elle ait réussi, mais il ne suffit pas à expliquer la façon dont elle a été réalisée et n’indique pas les moyens qui ont été mis en œuvre pour y parvenir. Du reste, il suffit, pour s’en convaincre, de réfléchir quelque peu à ceci : les influences spirituelles elles-mêmes, dans toute organisation traditionnelle, agissent toujours par l’intermédiaire d’êtres humains, qui sont les représentants autorisés de la tradition, bien que celle-ci soit réellement « supra-humaine » dans son essence ; à plus forte raison doit-il en être de même dans un cas où n’entrent en jeu que des influences psychiques, et même de l’ordre le plus inférieur, c’est-à-dire tout le contraire d’un pouvoir transcendant par rapport à notre monde, sans compter que le caractère de « contrefaçon » qui se manifeste partout dans ce domaine, et sur lequel nous aurons encore à revenir, exige encore plus rigoureusement qu’il en soit ainsi. D’autre part, comme l’initiation, sous quelque forme qu’elle se présente, est ce qui incarne véritablement l’« esprit » d’une tradition, et aussi ce qui permet la réalisation effective des états « supra-humains », il est évident que c’est à elle que doit s’opposer le plus directement (dans la mesure toutefois ou une telle opposition est concevable) ce dont il s’agit ici, et qui tend au contraire, par tous les moyens, à entraîner les hommes vers l’« infra-humain » ; aussi le terme de « contre-initiation » est-il celui qui convient le mieux pour désigner ce à quoi se rattachent, dans leur ensemble et à des degrés divers (car, comme dans l’initiation encore, il y a forcément là des degrés), les agents humains par lesquels s’accomplit l’action antitraditionnelle; et ce n’est pas là une simple dénomination conventionnelle employée pour parler plus commodément de ce qui n’a vraiment aucun nom, mais bien une expression qui correspond aussi exactement que possible à des réalités très précises.

Il est assez remarquable que, dans tout l’ensemble de ce qui constitue proprement la civilisation moderne, quel que soit le point de vue sous lequel on l’envisage, on ait toujours à constater que tout apparaît comme de plus en plus artificiel, dénaturé et falsifié ; beaucoup de ceux qui font aujourd’hui la critique de cette civilisation en sont d’ailleurs frappés, même lorsqu’ils ne savent pas aller plus loin et n’ont pas le moindre soupçon de ce qui se cache en réalité derrière tout cela. Il suffirait pourtant, nous semble-t-il, d’un peu de logique pour se dire que, si tout est ainsi devenu artificiel, la mentalité même à laquelle correspond cet état de choses ne doit pas l’être moins que le reste, qu’elle aussi doit être « fabriquée » et non point spontanée ; et, dès qu’on aurait fait cette simple réflexion, on ne pourrait plus manquer de voir les indices concordants en ce sens se multiplier de toutes parts et presque indéfiniment ; mais il faut croire qu’il est malheureusement bien difficile d’échapper aussi complètement aux « suggestions » auxquelles le monde moderne comme tel doit son existence même et sa durée, car ceux mêmes qui se déclarent le plus résolument « antimodernes » ne voient généralement rien de tout cela, et c’est d’ailleurs pourquoi leurs efforts sont si souvent dépensés en pure perte et à peu près dépourvus de toute portée réelle.

L’action antitraditionnelle devait nécessairement viser à la fois à changer la mentalité générale et à détruire toutes les institutions traditionnelles en Occident, puisque c’est là qu’elle s’est exercée tout d’abord et directement, en attendant de pouvoir chercher à s’étendre ensuite au monde entier par le moyen des Occidentaux ainsi préparés à devenir ses instruments. D’ailleurs, la mentalité étant changée, les institutions, qui dès lors ne lui correspondaient plus, devaient par là même être facilement détruites ; c’est donc le travail de déviation de la mentalité qui apparaît ici comme véritablement fondamental, comme ce dont tout le reste dépend en quelque façon, et, par conséquent, c’est là-dessus qu’il convient d’insister plus particulièrement. Ce travail, évidemment, ne pouvait pas être opéré d’un seul coup, quoique ce qu’il y a peut-être de plus étonnant soit la rapidité avec laquelle les Occidentaux ont pu être amenés à oublier tout ce qui, chez eux, avait été lié à l’existence d’une civilisation traditionnelle ; si l’on songe à l’incompréhension totale dont les XVIIe et XVIIIe siècles ont fait preuve à l’égard du moyen âge, et cela sous tous les rapports, il devrait être facile de comprendre qu’un changement aussi complet et aussi brusque n’a pas pu s’accomplir d’une façon naturelle et spontanée. Quoi qu’il en soit, il fallait tout d’abord réduire en quelque sorte l’individu à lui-même, et ce fut là surtout, comme nous l’avons expliqué, l’œuvre du rationalisme, qui dénie à l’être la possession et l’usage de toute faculté d’ordre transcendant ; il va de soi, d’ailleurs, que le rationalisme a commencé à agir avant même de recevoir ce nom avec sa forme plus spécialement philosophique, ainsi que nous l’avons vu à propos du Protestantisme ; et, du reste, l’« humanisme » de la Renaissance n’était lui-même rien d’autre que le précurseur direct du rationalisme proprement dit, puisque qui dit « humanisme » dit prétention de ramener toutes choses à des éléments purement humains, donc (en fait tout au moins, sinon encore en vertu d’une théorie expressément formulée) exclusion de tout ce qui est d’ordre supra-individuel.

Il fallait ensuite tourner entièrement l’attention de l’individu vers les choses extérieures et sensibles, afin de l’enfermer pour ainsi dire, non pas seulement dans le domaine humain, mais, par une limitation beaucoup plus étroite encore, dans le seul monde corporel ; c’est là le point de départ de toute la science moderne, qui, dirigée constamment dans ce sens, devait rendre cette limitation de plus en plus effective. La constitution des théories scientifiques, ou philosophico-scientifiques si l’on veut, dut aussi procéder graduellement ; et (nous n’avons, ici encore, qu’à rappeler sommairement ce que nous avons déjà exposé) le mécanisme prépara directement la voie au matérialisme, qui devait marquer, d’une façon en quelque sorte irrémédiable, la réduction de l’horizon mental au domaine corporel, considéré désormais comme la seule « réalité », et d’ailleurs dépouillé lui-même de tout ce qui ne pouvait pas être regardé comme simplement « matériel » ; naturellement, l’élaboration de la notion même de « matière » par les physiciens devait jouer ici un rôle important. On était dès lors entré proprement dans le « règne de la quantité » ; la science profane, toujours mécaniste depuis Descartes, et devenue plus spécialement matérialiste à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, devait, dans ses théories successives devenir de plus en plus exclusivement quantitative, en même temps que le matérialisme, s’insinuant dans la mentalité générale, arrivait à y déterminer cette attitude, indépendante de toute affirmation théorique, mais d’autant plus diffusée et passée finalement à l’état d’une sorte d’« instinct », que nous avons appelée le « matérialisme pratique », et cette attitude même devait être encore renforcée par les applications industrielles de la science quantitative, qui avaient pour effet d’attacher de plus en plus complètement les hommes aux seules réalisations « matérielles ». L’homme « mécanisait » toutes choses, et finalement il en arrivait à se « mécaniser » lui-même, tombant peu à peu à l’état des fausses « unités » numériques perdues dans l’uniformité et l’indistinction de la « masse », c’est-à-dire en définitive dans la pure multiplicité ; c’est bien là, assurément, le triomphe le plus complet qu’on puisse imaginer de la quantité sur la qualité.

Cependant, en même temps que se poursuivait ce travail de « matérialisation » et de « quantification », qui du reste n’est pas encore achevé et ne peut même jamais l’être, puisque la réduction totale à la quantité pure est irréalisable dans la manifestation, un autre travail, contraire en apparence seulement, avait déjà commencé, et cela, rappelons-le, dès l’apparition même du matérialisme proprement dit. Cette seconde partie de l’action antitraditionnelle devait tendre, non plus à la « solidification », mais à la dissolution ; mais, bien loin de contrarier la première tendance, celle qui se caractérise par la réduction au quantitatif, elle devait l’aider lorsque le maximum de la « solidification » possible aurait été atteint, et que cette tendance, ayant dépassé son premier but en voulant aller jusqu’à ramener le continu au discontinu, serait devenue elle-même une tendance vers la dissolution. Aussi est-ce à ce moment que ce second travail, qui d’abord ne s’était effectué, à titre de préparation, que d’une façon plus ou moins cachée et en tout cas dans des milieux restreints, devait apparaître au jour et prendre à son tour une portée de plus en plus générale, en même temps que la science quantitative elle-même devenait moins strictement matérialiste, au sens propre du mot, et finissait même par cesser de s’appuyer sur la notion de « matière », rendue de plus en plus inconsistante et « fuyante » par la suite même de ses élaborations théoriques. C’est là l’état où nous en sommes présentement : le matérialisme ne fait plus que se survivre à lui-même, et il peut sans doute se survivre plus ou moins longtemps, surtout en tant que « matérialisme pratique » ; mais, en tout cas, il a désormais cessé de jouer le rôle principal dans l’action antitraditionnelle.

Après avoir fermé le monde corporel aussi complètement que possible, il fallait, tout en ne permettant le rétablissement d’aucune communication avec les domaines supérieurs, le rouvrir par le bas, afin d’y faire pénétrer les forces dissolvantes et destructives du domaine subtil inférieur ; c’est donc le « déchaînement » de ces forces, pourrait-on dire, et leur mise en œuvre pour achever la déviation de notre monde et le mener effectivement vers la dissolution finale, qui constituent cette seconde partie ou cette seconde phase dont nous venons de parler. On peut bien dire, en effet, qu’il y a là deux phases distinctes, bien qu’elles aient été en partie simultanées, car, dans le « plan » d’ensemble de la déviation moderne, elles se suivent logiquement et n’ont que successivement leur plein effet ; du reste, dès que le matérialisme était constitué, la première était en quelque sorte virtuellement complète et n’avait plus qu’à se dérouler par le développement de ce qui était impliqué dans le matérialisme même ; et c’est précisément alors que commença la préparation de la seconde, dont on n’a encore vu actuellement que les premiers effets, mais pourtant des effets déjà assez apparents pour permettre de prévoir ce qui s’ensuivra, et pour qu’on puisse dire, sans aucune exagération, que c’est ce second aspect de l’action antitraditionnelle qui, dès maintenant, passe véritablement au premier plan dans les desseins de ce que nous avons d’abord désigné collectivement comme l’« adversaire » et que nous pouvons, avec plus de précision, nommer la « contre-initiation ».
(René Guénon, Le Règne de la quantité et les signes du temps, 1945, chap. XXVIII : Les étapes de l’action antitraditionnelle, Pp.187-191)

Si vous n'aviez pas encore compris...


« On peut imaginer que chaque individu accepte, volontairement ou sans le savoir, une puce en lui, qui contiendrait tout un tas d'information sur lui qui permettrait à la fois de payer tout, de tout savoir... Mais donc d'être libéré d'un certain nombre de contraintes. [...] Le vrai luxe de demain, ce sera d'être isolable, de pouvoir s'isoler, et la vraie liberté, ce ne sera pas d'être relié aux autres, mais d'avoir le droit de ne pas être branché. »
(Jacques Attali, interview à la chaîne Public Sénat, 2008)

« L'homme, comme l'objet, y sera nomade, sans adresse ni famille stable, porteur sur lui, en lui, de tout ce qui fera sa valeur sociale. (...) Devenu prothèse de lui-même, l'homme se produira comme une marchandise. La vie sera l'objet d'artifice, créatrice de valeur et de rentabilité. »
(Jacques Attali, Lignes d'horizon, Fayard, 1990, Pp. 50 et 179)



« On pourrait dire que, parmi les instruments ou les moyens de tout genre mis en œuvre pour ce dont il s’agit, la « pseudo-initiation », par sa nature même, doit logiquement occuper le premier rang ; elle n’est qu’un rouage, bien entendu, mais un rouage qui peut commander à beaucoup d’autres, sur lequel ces autres viennent s’engrener en quelque sorte et dont ils reçoivent leur impulsion. [...] Il résulte immédiatement de là que l’action exercée ainsi, au lieu d’être réellement « organique », ne peut avoir qu’un caractère purement « mécanique », ce qui justifie d’ailleurs pleinement la comparaison des rouages que nous venons d’employer ; et ce caractère n’est-il pas justement aussi, comme nous l’avons déjà vu, celui qui se retrouve partout, et de la façon la plus frappante, dans le monde actuel, où la machine envahit tout de plus en plus, où l’être humain lui-même est réduit, dans toute son activité, à ressembler le plus possible à un automate, parce qu’on lui a enlevé toute spiritualité ? Mais c’est bien là qu’éclate toute l’infériorité des productions artificielles, même si une habileté « satanique » a présidé à leur élaboration ; on peut bien fabriquer des machines, mais non pas des êtres vivants, parce que, encore une fois, c’est l’esprit lui-même qui fait et fera toujours défaut. »
(René Guénon, Le Règne de la quantité et les signes du temps, 1945, Pp.177)

« Quand un peuple perd le contrôle de ses propres affaires, est réduit comme en esclavage et devient un instrument aux mains d'autrui, l'apathie le submerge. Il perd, peu à peu, tout espoir. [...] Les vaincus s'affaiblissent et deviennent incapables de se défendre. Ils sont victimes de quiconque veut les dominer et la proie des gros appétits. [...] Voyez aussi les animaux de proie, qui ne se reproduisent pas en captivité. Ainsi, le groupe tribal qui a perdu le contrôle de ses propres affaires continue de s'affaiblir et finit par disparaître. »
(Ibn Khaldoun, Al-Muqaddima [Introduction à l'histoire universelle], 1377 ; II, 23)


2017/05/08

Présidentielle 2017: une victoire à la Pyrrhus

Il est temps de tirer un bilan de cette élection présidentielle à l'américaine, qui termine un cycle commencé en 1969 avec l'élection de Pompidou, lequel a propulsé Giscard d'Estaing, qui ont négocié ensemble l'accord des Açores en 1971 lequel allait ouvrir la porte à la mise en place du nouveau système monétaire international, préparant la loi de 1973 qui assurerait la prééminence des banques privées sur l'Etat français.

En synthèse :
  • Comme nous l'avons écrit à maintes reprises, la crise est le moment historique du dévoilement. D'autres masques sont tombés. La fausse alternance entre une "2ème gauche" sous influence et la droite néolibérale a disparu en quelques semaines de campagne, fracassée après une longue dérive. Le système oligarchique dirigeant la France a été obligé de sacrifier l'illusion démocratique qu'il entretenait pour contrôler la politique française. C'est ce qui explique que de très nombreux responsables politiques PS, UDI et LR se rallient à Macron.
  • Au vu du contenu des programmes au premier tour, le champ politique en France n'est plus dessiné par un arc entre extrême gauche et extrême droite, dont la mention est désormais obsolète. Seul un nouvel arc entre les extrêmes souverainistes et les extrêmes mondialistes financiers représente correctement ce champ. C'est ce qui explique que le programme de la "France Insoumise" soit plus proche de celui des autres souverainistes Front National et Debout La France.
  • Macron, c'est tout changer [en apparence] pour ne rien changer [dans les objectifs politiques] : Macron est "anti-système" autant que les anciens cadres du parti communiste de l'URSS qui se sont représentés sous une autre étiquette dès la chute de leur parti.
Quelques similitudes : Macron a occupé un poste à responsabilité pendant 4 ans dans le gouvernement Hollande (cf cadre du PC de l'URSS). L'adhésion formelle de Macron au PS est optionnelle, puisqu'un gouvernement ne confie des rôles à responsabilité politique qu'à des personnes qui sont contrôlables et/ou en accord total sur le fond des politiques mises en oeuvre. Au moment où les sondages de Hollande sont au plus bas (cf érosion du PC après la chute du mur de Berlin), il démissionne opportunément du gouvernement. Lors de l'élection suivante, il prend une autre étiquette pour se différencier, sans endosser la responsabilité de la politique précédente qu'il a menée pendant 4 ans. Le parti PS jusqu'à présent au pouvoir est largement battu aux nouvelles élections (cf le PC après la chute de l'URSS).
Macron est, comme ces "nouveaux démocrates" de l'ex URSS, soutenu par les puissances financières occidentales. Pour les contrées de l'ex URSS on constate que ce type de pion politique une fois élu a vendu les joyaux de leur pays à ces souteneurs "parce que c'est la loi du marché". Macron a déjà commencé en étant ministre. 
  • Seule l'émergence du mouvement la "France Insoumise" depuis 2012 a permis de limiter avec succès la montée des souverainistes conservateurs. Ce mouvement devra désormais composer en interne avec la part significative des "insoumis" qui se sont soumis au vote en faveur du baron Macron. 
  • le mouvement "En Marche" a beau fêter une victoire électorale au pied de la pyramide du Louvre, il ne souffrira aucun répit. Pas de moment de sidération, disparition des 100 jours de grâce, la campagne législative a déjà été lancée au moment du débat de l'entre-deux tours. C'est ce que personne n'a compris : ce n'était pas un débat pour gagner quelques pour-cents qui ne changeaient rien à l'issue, mais un positionnement stratégique dans l'après-élection, un interrogatoire public où Macron a affirmé devant tous les électeurs qu'il ne possédait pas de compte offshore et était imperméable aux collusions d'intérêts. L'indispensable instruction révélera s'il s'agissait d'un "moment Cahuzac". Macron devra répondre, et l'ensemble du système médiatique et judiciaire au premier chef, aux questions légitimes sur l'affaire de ce compte offshore et des MacronLeaks (1). Le peuple saura gentiment rappeler à chaque occasion combien la célérité de l'ouverture d'une enquête par le Parquet National Financier a été effectuée en quelques heures à peine après la diffusion des tous premiers éléments sur François Fillon. Ces deux affaires, et celles qui seront découvertes ensuite (à tout hasard: quelle est la part des financements du premier cercle et des grands donateurs vs celle du crowdfunding dans les recettes du business plan d'En Marche tenu par Cédric O. ?) seront un douloureux aiguillon persistant dans le flanc du nouveau président. Le futur nous dira si une éventuelle procédure de destitution devra être engagée par le prochain Parlement.
  • Les souverainistes conservateurs ont franchi un important seuil psychologique avec 34% des voix au second tour. L'alliance Debout La France avec le Front National a créé les conditions d'un regroupement politique des forces souverainistes. C'est cette poussée qui sera amplifiée par la refondation du Front National que Marine Le Pen a annoncée dimanche soir immédiatement après 20 h. 
  • La liberté de penser a été la première victime dans cette élection. Après deux décennies de pensée unique, une ligne rouge de triste mémoire a été dépassée en pleine période de réserve électorale :

Voulez-vous vraiment que l'image ci-dessous ne soit plus une caricature de la France mais la réalité ? :


Tout ceci laisse présager des législatives dans la continuité de la tempête qui a été déclenchée. La base électorale d'En Marche au second tour est certainement la plus fragile, la moins fidèle, des 3 grands mouvements politiques présents désormais en France, et le seul qui ne soit pas souverainiste, c'est-à-dire qu'il est à contresens du mouvement historique de fond. 


2017/03/02

L'affaire Fillon, une élection à l'américaine

dernière MAJ: 15/03/2017
Bien que je me sois prononcé en faveur d'un autre candidat en expliquant le cœur de la question, je ne peux laisser passer la tempête médiatique de "Fillon bashing" sans réagir.

En effet, au-delà de M. Fillon, c'est la liberté d'effectuer un choix en toute conscience qui est étouffée. C'est une atteinte mortelle portée à notre société. Je ne l'accepte pas. La question est d'autant plus grave qu'elle est largement ignorée par mes concitoyens.  

A tous les partisans du lynchage de M. Fillon je demande de se poser au minimum les questions suivantes, et de trouver le courage d'en chercher les réponses :
  • de quels budgets disposent un député ?
    • il dispose de plusieurs budgets dont l'IRFM, dont on note qu'il ne peut légalement faire l'objet d'aucun contrôle, n'est pas imposable et peut légalement servir à couvrir tout type de dépense (sauf les frais de campagne électorale)
    • ainsi que d'un autre crédit mensuel pour la rémunération de collaborateurs qui sert pour les assistants parlementaires.  
  • quels sont très précisément les faits reprochés à M. Fillon ? A quelle époque remontent-ils ? 
    • premiers éléments : Salaires nets mensuels moyens perçus au titre de son emploi comme collaboratrice parlementaire par Pénélope Fillon entre 1986 et 2013
    • le jour même de la publication du journal, une enquête préliminaire est ouverte visant trois infractions: détournement de fonds publics, abus de biens sociaux (et recel de ces délits). Cette célérité est-elle habituelle et sinon quelle en est la raison ?
    • l'emploi de sa femme peut-il cacher un enrichissement personnel : non, car "Dans le cas de François Fillon, je vois mal pourquoi il se serait donné cette peine. A l’époque des faits, la non-consommation de l’enveloppe collaborateurs revenait de droit au député employeur. Dès lors si l’idée était d’augmenter son revenu, nul besoin de passer par sa femme : il suffisait de n’employer personne ! C’était tout aussi légal, et encore plus simple – il économisait au passage le coût des cotisations sociales prélevées sur la même enveloppe." (source1, source2
    • à propos de l'IRFM (discuté Article 32bis du Réglement, et qui n'est pas le crédit collaborateurs, pour lequel le Réglement est muet), voici le témoignage d'un député: "Le service administratif m'a dit : 'Il vous faut un deuxième compte pour y recevoir l'IRFM.' C'est la seule instruction qu'on m'a donnée. Il n'y a même pas un b.a.-ba de son utilisation pour les nouveaux députés". L'Assemblée ne demande, en effet, aucun justificatif et ne contrôle pas comment est utilisé cet argent. (source) Dans l'hypothèse où elle n'est pas utilisée, l'IRFM doit être restituée à la fin de la législature. Mais, dans la pratique, "il n'y a pas d'encadrement très strict", reconnaît le déontologue de l'Assemblée Ferdinand Mélin-Soucramanien. Une façon de dire que rien n'oblige les députés à rendre le reliquat. En 2012, un total de 500 000 euros avaient tout de même été restitués. (source)
    • La même source précise que "Tout le monde sait qu’une partie de l’IRFM est utilisée à des fins totalement privées par certains collègues", rappelle Charles de Courson. En 2012, Mediapart et Marianne révèlent que le député socialiste de l'Ardèche Pascal Terrasse a payé, avec cette enveloppe, des voyages privés en Espagne, au Sénégal et en Egypte. D'autres élus sont critiqués parce qu'ils en ont profité pour se constituer un patrimoine immobilier. Dans "Complément d'enquête", on découvre, par exemple, que l'ancienne permanence de Muriel Marland-Militello rapporte entre 1 300 et 1 400 euros de loyer à l'ex-députée UMP des Alpes-Maritimes.
      De manière générale, ce système enrichit les députés. En janvier 2012, la Commission pour la transparence financière de la vie politique - l'ancêtre de l'actuelle Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique -, avait constaté que, "s'agissant des parlementaires en fin de mandat, le montant de l'IRFM contribue, pour la durée d'un mandat, à un enrichissement oscillant entre 1 400 euros et 200 000 euros
      ".
    • Le rapport 2013 du déontologue de l'Assemblée (source, pp. 65-72) donne des informations plus précises sur le salaire des assistants parlementaires. Ces informations n'ont jamais été utilisées par les journalistes à ce jour. On remarque par exemple que 68 CDI d'assistant comportent une rémunération mensuelle brute de 6067 € à 9504 € pour un temps plein. Pp.72 on note que la nouvelle réglementation prise à l’automne 2012 interdit de reverser le crédit collaborateur sur l’IRFM. Ce qui n'était donc pas interdit avant!
    • le salaire d'un assistant parlementaire est-il de l'argent public : non (source ; voir aussi le Réglement 2015 de l'Assemblée, Article 18, pp.21) 
    • un emploi d'assistant parlementaire peut-il faire l'objet d'une poursuite pour détournement de fonds publics (article 432-15 du Code pénal) : non car c'est un emploi de droit privé (source). L'employeur est le député qui agit ici en tant qu'employeur privé
    • un emploi d'assistant parlementaire peut-il faire l'objet d'un abus de biens sociaux : un article des Echos de 1999 estime que non. L'article 432-10 du code Pénal modifié par la LOI n°2013-1117 du 6 décembre 2013 - art. 6 ne s'applique que pour les sommes reçues par l'agent public lui-même. Or il s'agit pour notre affaire d'une somme qui est versée au titre du droit privé par un employeur à sa femme, employée. L'article L. 242-6, 3° du Code de commerce pour les SA ne peut éventuellement s'appliquer que dans le cas de l'autre emploi de Pénélope Fillon par le dirigeant de la Revue des 2 Mondes, mais cela ne touche en rien son emploi d'assistante parlementaire, ni ne touche M. Fillon. 
    • l'article 432-11 traite de la corruption passive et du trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, c'est aussi un chef cité par le PNF. Il semblerait que ce soit la légion d'honneur attribuée qui soit ici suspectée. Le propriétaire de la "Revue des deux mondes" a été élevé en 2010 au rang de "Grand Croix" de la Légion d’Honneur sur rapport de François Fillon, alors Premier ministre, deux ans avant d’embaucher son épouse (source). Laissons l'enquête essayer de prouver que M. Fillon est bien coupable de cette influence... 
    • l'article 432-12 et 13 de la prise illégale d'intérêts, le 432-14 des marchés publics ; ce ne sont pas les chefs cités par le PNF
    • l'article 432-15 traite de la soustraction et du détournement de biens. Les questions à poser ici  sont:
      • un député est-il une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ? La jurisprudence à ce propos n'est pas claire (source, partie 1), mais plaçons nous dans le cas positif.
      • M. Fillon a-t-il détruit, détourné ou soustrait des fonds publics ou privés, qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ? non, puisque ces fonds lui ont été remis pour qu'il fasse son travail de député, ce qu'il a effectivement fait.
      • sa femme, en tant que subordonnée, a-t-elle détruit, détourné ou soustrait des fonds publics ou privés ? non, pour la même raison: ces fonds ont été remis pour que M. Fillon fasse son travail de député, ce qu'il a effectivement fait.
      • quant à savoir si M. Fillon ou sa femme ont tenté de réaliser ces faits, ça reste à démontrer par la justice si il y a une accusation qui est formulée et un juge qui est saisi (pour ma part je pense que cette tentative serait impossible à démontrer, voir 2 points en dessous sur le rôle du juge). 
    • l'extrait vidéo de l'interview de sa femme au Telegraph est-il un témoignage ayant une valeur juridique: non en aucun cas car un journaliste n'est pas un magistrat ou un officier. La vidéo intégrale n'est plus disponible, mais l'article l'est. On comprend que ses réponses sont d'une grande pudeur toute galloise. Le sujet de l'interview c'est le contraste avec Cécilia Sarkozy. Tout extrait doit obligatoirement s'apprécier dans ce contexte.
  • les faits (et pas leurs interprétations) que les média reprochent à M. Fillon étaient-ils légaux à l'époque où ils se sont produits ? 
    • premier élément: le statut des assistants parlementaires 
    • "il convient de rappeler que le juge financier, pas plus que le juge pénal, n'a compétence pour contrôler l'opportunité des missions confiées au collaborateur de cabinet. L'intervention du juge doit se limiter à un strict contrôle de la légalité." (source)
  • le cas échéant, quel est le délai de prescription ? Une nouvelle loi est-elle en chantier pour faire évoluer ce délai de prescription ?
    • premier élément : l’action pénale contre un emploi supposé fictif est prescrite si un délai de plus de trois ans à compter de la commission des faits est constaté (art. 8 du Code de procédure pénale). source
    • voir également l'émission radio avec Finkielkraut du 6/03 qui reprend la logique de cet article en apportant des informations supplémentaires
  • combien de parlementaires français ont employé un membre de leur famille comme assistant depuis l'époque des faits reprochés à M. Fillon ? De quels bords politiques sont-ils ? Pourquoi ne parle t'on pas d'eux ? Pourquoi ne font-ils pas l'objet d'une enquête au même titre que M. Fillon ?
    • premier élément: 177 députés de tous les partis représentés au Parlement ont employé leur famille comme assistant parlementaire en 2014 (Fillon a arrêté cette pratique en 2013). Voir la liste complète publiée par Médiapart. Début de la liste:

  • sur le montant du salaire d'un assistant parlementaire: quel est le montant du salaire des journalistes qui propagent le sentiment qu'un tel montant serait indécent ? 
  • si vous pensez qu'il faut obligatoirement prouver un travail pour recevoir un salaire, quelle est votre position sur le revenu universel proposé par M. Hamon pour des centaines de milliers de personnes ? 
  • les délais de saisie des diverses instances judiciaires, de l'ouverture de l'enquête préliminaire, de l'instruction sont-ils habituels pour les juridictions concernées ? Si non, pourquoi ?
  • pourquoi cette instruction ou mise en examen ne pouvait pas attendre la fin de l'élection ? Pourquoi personne n'en donne officiellement la raison ? En définitive, qui est attaqué : M. Fillon ou bien l'élection présidentielle, c'est-à-dire le libre choix du peuple ?
  • le secret de l'enquête et de l'instruction est-il respecté ? Si non, pourquoi ne l'est-il pas et pourquoi le ministère qui doit le garantir ne s'en émeut pas ? 
  • le principe de la présomption d’innocence est-il respecté ? Si non, par qui et pourquoi ?
  • M. Fillon est-il un justiciable comme les autres ? Si non, qu'est-ce qui est attaqué au travers de M. Fillon ? 
  • la couverture médiatique de l'affaire est-elle équilibrée, à la fois à charge et à décharge ? Si non, pourquoi ?
  • quelle est la (dis)proportion de la critique apportée sur le fond du programme de M. Fillon, plutôt que sur cette affaire ? Pourquoi cette disproportion ? 
  • Dernière question: si cette instruction se termine par un non-lieu, comme il est extrêmement probable, qui aura été la première victime du Fillon bashing : M. Fillon ou bien l'élection présidentielle, c'est-à-dire la libre décision du peuple ? 
Je demande aux journalistes de faire le travail que les citoyens attendent d'eux, et aux citoyens de faire leur devoir.

En matière de médias et d'élection, je reconnais que ce sont les américains qui en parlent le mieux, comme la journaliste vedette Mika Brzezinski sur MSNBC : "Our Job" Is To "Control Exactly What People Think".


C'est la fabrication du consentement décrite par Herman et Chomsky en 1988, dont les concepts ont évolué depuis pour donner la doctrine de la guerre réseaucentrique. C'est le simulacre de liberté montré au peuple méprisé par ses élites. Une illusion de démocratie. Et comme à chaque fois, les partisans de cette dictature de la pensée s'auto-justifient en prétendant agir dans l'intérêt du peuple.



2016/07/24

Faut-il craindre une guerre avec la Russie à l'horizon 2030?

(source de l'image)
L’Express a publié cette semaine un article de Fredrik Wesslau et Andrew Wilson du CFR Européen intitulé ‘Faut-il craindre une guerre avec la Russie à l'horizon 2030?’ que j’estime typique de la doublepensée. [1] 

La doublepensée est en bref caractérisée par une inversion de la logique. La victime est ciblée comme étant l’agresseur, etc. Il est aisé de replacer les choses dans l’ordre correct quand vous connaissez cette recette. C’est ce que j’ai décidé de faire avec l’article de Wesslau et Wilson, à l’identique du procédé que j’avais déjà employé, en veillant pour cette démonstration à rester aussi proche que possible des phrases d’origine, et en ajoutant ou  modifiant certains liens URL.

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L'objectif des Etats-Unis est de conserver son statut de grande puissance. Pour ce faire, ils ne cessent d'user de stratégies économiques, militaires et diplomatiques qui font craindre le pire à ses vassaux et à l'Union européenne. L'analyse de Bruno Paul fondateur de l’initiative Conscience-sociale.org consacrée notamment aux sciences politiques.

D'après l'agence spatiale russe, la Russie colonisera la lune en 2030, les cosmonautes y construiront une base dotée d'une centrale solaire et d'un laboratoire scientifique au-dessus desquels orbitera un satellite. La NASA estime quant à elle à 70% de chances de succès la construction leur nouveau lanceur spatial d’ici 2023, après les abandons des programmes précédents qui menacent singulièrement leur souveraineté dans l’espace. Donald Trump sera peut-être parti depuis longtemps -ou peut-être sera-t-il toujours président. Les Etats-Unis compteront 10% d’habitants en plus qu'aujourd'hui -sauf si Trump bouleverse la politique migratoire- et la croissance restera impossible à prédire. Reste la question de la position du pays sur la scène internationale... 
Dans un article publié par le Magazine d’Anticipation Politique en mars 2013, nous avions expliqué pourquoi les Etats-Unis connaitraient une contre-révolution en 2016. L’actualité nous a hélas donné pleinement raison. Dans le présent article nous examinons comment les Etats-Unis et ses vassaux de l'Est de l'Union européenne pourraient se développer d'ici 2030. 

Pour se légitimer, la Maison Blanche a recourt au conflit

Depuis que G.W. Bush est devenu président en 2000, le contrat social des présidents avec les Américains repose sur la protection contre la menace terroriste au détriment des améliorations régulières de la qualité de vie et des libertés individuelles. Les inégalités de richesse ont explosé aux Etats-Unis, la classe moyenne d'érode rapidement, alors que de 1999 à 2013 le salaire moyen en Russie est passé de 60 à 940 dollars. Mais ce bilan social américain pourrait encore plus se déliter.  
Après l’absence de rebond les deux prochaines années, l'économie européenne stagnera. Les sanctions occidentales, si elles perdurent, influenceront cette impasse économique mais de plus gros problèmes impacteront l'économie américaine, notamment le déclin migratoire, la corruption, la faiblesse de l'État de droit et la mauvaise gestion. D'ici 2030, les Etats-Unis auront perdu plusieurs places et ne devrait plus être dans les 2 premières économies du monde. 
LIRE AUSSI >> Confidence in US institutions | Gallup
Pour renforcer sa légitimité, la Maison Blanche se repose sur le nationalisme, l'aventurisme dans ses affaires étrangères et la désignation d'ennemis extérieurs. Il y aura davantage de "petites guerres avec de courtes victoires" -dans les pays dans la sphère d’influence, dans certains pays du Moyen-Orient - comme on l'a vu en Ukraine et au Brésil. Leur but est de susciter de la légitimité, de détourner l'attention de l'économie et de renforcer le discours selon lequel les Etats-Unis sont toujours une grande puissance. 

Une recherche de l'escalade si ce n'est de la guerre

De ses aventures militaires récentes (Syrie, Afghanistan, Libye, Iraq), Washington n’a pas appris que la force militaire n’est un instrument de politique étrangère efficace pour atteindre des objectifs diplomatiques et politiques qu’à court terme. La modernisation des forces armées se heurte aux restrictions des ressources, mais confère encore à la Maison Blanche un instrument puissant. 
LIRE AUSSI >> NATO Must Stop Crowding Russia | The National Interest
Les forces armées de l’OTAN continueront de cibler principalement l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et les pays limitrophes. Les régions les plus exposées sont les États baltes, les Balkans occidentaux, l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud et l'Asie centrale. L'OTAN ne cherchera pas de manière proactive à entrer en guerre avec l'OCS, mais voit un intérêt à s'engager avec empressement dans une escalade majeure, jusqu'à manifester sa volonté -réelle ou feinte- d'utiliser des armes nucléaires

Ses vassaux de l'Est et de l'Europe Centrale en première ligne

Les Etats-Unis devraient encore tenter de dominer ses vassaux les plus sous influence, notamment l'Ukraine. Des vassaux obéissants sont indispensables à la sécurité de l’Etat profond américain et à ses ambitions de grande puissance. Son but maximaliste est un cercle d'États vassaux s'alignant sur les positions de Washington. Le but minimaliste est un cercle d'États faibles et dysfonctionnels, gérés par des leaders corrompus, incapables de se réformer ou de rejoindre l'OCS, l’Union Economique Eurasienne ou l'ASEAN, donc de facto inféodés à Washington. 
LIRE AUSSI >> Interview with Paul Ingram, Executive Director of the British American Security Information Council: NATO Military Buildup Aimed at ‘Ensuring Reasons' of Alliance's Existence ainsi que This is Why Poland, Baltics Want Additional NATO Troops on Their Territory | Sputnik
La Géorgie, l'Ukraine et la Moldavie devraient patauger entre semi-démocratie et réformes partielles. Le postcommunisme miné par l’Etat profond transnational est bien plus difficile à réformer que le communisme, dans la mesure où les élites locales et les réseaux de corruption ont acquis les moyens de reproduire leur pouvoir. Des oligarques et des hommes politiques contrôlent les organes de presse et manipulent la politique. Des systèmes judiciaires pervertis protègent l'élite et minent l'État de droit. 
La Biélorussie, l'Azerbaïdjan et l'Arménie éviteront le déclin en dialoguant avec l'UE en tant que membre de l’OCS. La Biélorussie et l'Arménie resteront dans l’alliance OCS, mais l'amenuisement des ressources de l’OTAN provoqueront une recrudescence de tensions et de menaces de la part de Varsovie et même de Kiev soucieux de s'aligner au contraire avec l'OTAN. Les nationalismes biélorusse et arménien, plus nativistes, devraient croître sous l’influence de la guerre réseaucentrique menée par l’Occident. 

L'Europe dispose de très peu d'options politiques

L'influence que l'Europe peut avoir sur le comportement russe et américain a ses limites. Notamment compte tenu du fait que l'assurance des Etats-Unis est de plus en plus animée par le désir de la Maison Blanche de se légitimer face au déclin économique. 
Cela laisse très peu de bonnes options politiques à l'Europe. Les sanctions économiques sont brutales, ont un coût pour l'Europe et alimentent le story telling de la Maison Blanche. Encourager la dissidence vis-à-vis de l’OTAN des pays-refuzniks de l'Est pose un dilemme sécuritaire classique et fait également le jeu de l’Etat profond américain. Mais en dépit de leurs inconvénients, ces mesures d’émancipation sont nécessaires face à l'agressivité de l’Etat profond américain pour protéger les nouveaux principes sous-jacents à l'ordre sécuritaire de l'Europe. 
Le dialogue est vital, mais doit être approprié. Il ne doit pas signifier une acceptation implicite des transgressions des Etats-Unis en Ukraine ou être synonyme de "business as usual". Si la tendance est aux conflits, alors l'ouverture des canaux de communication avec Moscou et avec Washington sera indispensable pour éviter des calculs fatals.

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[1] Georges Orwell l’a défini ainsi dans son œuvre célèbre ‘1984’ : 
Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait l’emploi de la double pensée. (chapitre III)
La doublepensée est le pouvoir de garder à l’esprit simultanément deux croyances contradictoires, et de les accepter toutes deux. Un intellectuel du Parti sait dans quel sens ses souvenirs doivent être modifiés. Il sait, par conséquent, qu’il joue avec la réalité, mais, par l’exercice de la doublepensée, il se persuade que la réalité n’est pas violée. Le processus doit être conscient, autrement il ne pourrait être réalisé avec une précision suffisante, mais il doit aussi être inconscient.
Sinon, il apporterait avec lui une impression de falsification et, partant, de culpabilité.
La doublepensée se place au cœur même du socialisme Anglo-saxon, puisque l’acte essentiel du Parti est d’employer la duperie consciente, tout en retenant la fermeté d’intention qui va de pair avec l’honnêteté véritable. Dire des mensonges délibérés tout en y croyant sincèrement, oublier tous les faits devenus gênants puis, lorsque c’est nécessaire, les tirer de l’oubli pour seulement le laps de temps utile, nier l’existence d’une réalité objective alors qu’on tient compte de la réalité qu’on nie, tout cela est d’une indispensable nécessité.
Pour se servir même du mot doublepensée, il est nécessaire d’user de la dualité de la pensée, car employer le mot, c’est admettre que l’on modifie la réalité. Par un nouvel acte de doublepensée, on efface cette connaissance, et ainsi de suite indéfiniment, avec le mensonge toujours en avance d’un bond sur la vérité.
Enfin, c’est par le moyen de la doublepensée que le Parti a pu […] arrêter le cours de l’Histoire.
Toutes les oligarchies du passé ont perdu le pouvoir, soit parce qu’elles se sont ossifiées, soit parce que leur énergie a diminué. Ou bien elles deviennent stupides et arrogantes, n’arrivent pas à s’adapter aux circonstances nouvelles et sont renversées ; ou elles deviennent libérales et lâches, font des concessions alors qu’elles devraient employer la force, et sont encore renversées. Elles tombent, donc, ou parce qu’elles sont conscientes, ou parce qu’elles sont inconscientes.
L’œuvre du Parti est d’avoir produit un système mental dans lequel les deux états peuvent coexister. La domination du Parti n’aurait pu être rendue permanente sur aucune autre base intellectuelle. Pour diriger et continuer à diriger, il faut être capable de modifier le sens de la réalité. Le secret de la domination est d’allier la foi en sa propre infaillibilité à l’aptitude à recevoir les leçons du passé.
Il est à peine besoin de dire que les plus subtils praticiens de la doublepensée sont ceux qui l’inventèrent et qui savent qu’elle est un vaste système de duperie mentale. Dans notre société, ceux qui ont la connaissance la plus complète de ce qui se passe, sont aussi ceux qui sont les plus éloignés de voir le monde tel qu’il est. En général, plus vaste est l’information, plus profonde est l’illusion. Le plus informé est le moins normal.
Le fait que l’hystérie de guerre croît en intensité au fur et à mesure que l’on monte l’échelle sociale illustre ce qui précède. Ceux dont l’attitude en face de la guerre est la plus proche d’une attitude rationnelle sont les peuples sujets des territoires disputés. Pour ces peuples, la guerre est simplement une continuelle calamité qui, comme une vague de fond, va et vient en les balayant. Il leur est complètement indifférent de savoir de quel côté est le gagnant. Un changement de direction veut simplement dire pour eux le même travail qu’auparavant, pour de nouveaux maîtres qui les traiteront exactement comme les anciens.
Les travailleurs légèrement plus favorisés que nous appelons les prolétaires ne sont que par intermittences conscients de la guerre. On peut, quand c’est nécessaire, exciter en eux une frénésie de crainte et de haine, mais laissés à eux-mêmes, ils sont capables d’oublier pendant de longues périodes que le pays est en guerre.
C’est dans les rangs du Parti, surtout du Parti intérieur, que l’on trouve le véritable enthousiasme guerrier. Ce sont ceux qui la savent impossible qui croient le plus fermement à la conquête du monde. Cet enchaînement spécial des contraires (savoir et ignorance, cynisme et fanatisme) est un des principaux traits qui distinguent la société océanienne. L’idéologie officielle abonde en contradictions, même quand elles n’ont aucune raison pratique d’exister.

[…] Ce n’est en effet qu’en conciliant des contraires que le pouvoir peut être indéfiniment retenu. L’ancien cycle ne pouvait être brisé d’aucune autre façon. Pour que l’égalité humaine soit à jamais écartée, pour que les grands, comme nous les avons appelés, gardent perpétuellement leurs places, la condition mentale dominante doit être la folie dirigée. (chapitre IX)