Il y a presque 2 ans, le blog de Paul Jorion lançait comme
initiative collective "
l’inventaire de demain". Et il y a
quelques jours,
François Leclerc faisait le bilan de cette « projection dans l’avenir » :
« De notre production collective, il
n’est pas encore ressorti cette esquisse de la société de demain que l’on
espérait en voir surgir… Nous sommes pourtant en retard sur l’événement. La
crise elle-même a déjà produit des réactions qui auraient mérité de figurer
dans un inventaire qui n’est pas, il s’en faut, terminé »
Et en forme de volonté de rebondir, le blog de Paul Jorion lançait alors un deuxième Appel à Contributions sur «
l’Utopie
Réaliste : un partage des visions
du socle des grands principes d’une nouvelle société , en rupture avec
celle qui est aujourd’hui entrée dans une crise de longue durée et ne s’en
remet pas. En s’attachant à dégager ses valeurs, ses mécanismes, les
comportements sur lesquels elle reposerait. »
Nous pouvons donc légitimement faire les observations
suivantes :
- Primo, malgré le nombre très impressionnant de visites sur
le site en question, la production d’idées en 2 ans a été faible. Le ratio est grosso modo de 1 contribution pour 18000
visites. Ce n’est pas surprenant puisque ça correspond à l’ordre de grandeur connu
pour les processus collaboratifs sur internet (User Generated Content), mais c’est
bien de le remarquer à nouveau sur un sujet directement en relation avec la
crise.
- Secundo, les contributions reçues n’ont pas réussi à se
projeter dans l’avenir, ce qui était pourtant bien le but escompté de l’initiative.
La mention de l’adjectif réaliste
qualifie bien cette exigence initiale de l’utopie.
- Tertio, la prise de conscience des animateurs du blog de
Paul Jorion du déplacement nécessaire de la réflexion économique vers la sphère
politique : alors que la première mouture s’attachait simplement à
collecter des recettes locales de mode de production ou de distribution, des
modèles alternatifs économiques ou monétaires, la deuxième initiative se veut
comme un brouillon sinon d’une nouvelle constitution, du moins de principes
faisant société, ce qui est bien la définition première du politique. On notera
aussi les initiatives récentes des animateurs du site de se diversifier ou de se
ressourcer en se rapprochant de courants sociologiques, Stiegler et Ars
Industrialis en particulier. En effet l’économie n’est rien d'autre que l’expression de la
loi des hommes. Quand celle-ci connait une révolution, l’obsolescence arrive à
grand pas, et le temps n’est pas loin où les économistes néo classiques seront
regardés comme nous considérons aujourd’hui les astrologues du moyen-âge ou les
médecins pédants moqués par Molière. C’est une tendance générale attendue dont
nous saluons ici une première manifestation concrète.
- Quarto, on remarque l’absence de moyens concrets proposés,
de démarche intellectuelle, pour pouvoir ancrer les contributions à la
projection dans le futur dans le réel. Cette démarche existe pourtant depuis
quelques années, c’est celle de l’anticipation
politique tout simplement. A la différence de l’Utopie qui débat sans
contraintes, et donc sans application concrète et rapide, l’anticipation
politique permet de focaliser la réflexion sur les tendances lourdes qui vont
apparaître, et qui ne sont encore aujourd’hui que des signaux faibles. L’ancrage
dans le réel est dès lors immédiat, et de cette démarche réaliste, on peut en
tirer une capacité prédictive très efficace, en particulier dans les périodes
de rupture. C’est bien ce qui est mis en œuvre par les membres du think-tank L.E.A.P depuis 2003, avec un taux de succès de prédiction supérieur à tout autre groupe.
En conclusion, notre propre contribution à l’initiative
collaborative sus-citée se situe donc sur 2 axes :
D’une part un conseil fondamental : pour réussir son
volet réaliste, cette initiative devra utiliser la démarche d’anticipation
politique ;
D’autre part une mise en application de cette démarche sur
les valeurs, mécanismes, et comportements sur lesquels reposerait la société
future : voir par exemple mes articles déjà parus
Enfin, insistons sur un volet déjà
signalé par un participant
: celui de l’effort indispensable de plus grande démocratisation de notre vie politique nationale et européenne, et de
réapprentissage de l’engagement politique du citoyen, sans lesquels toute proposition d’amélioration
de la société bénéficiant au plus grand nombre sera rapidement remise en
question.
Cette démocratisation et cet apprentissage politique devrait
commencer, non pas par une proposition de constitution d’une société révée
comme idéale par quelques-uns, mais dans le prolongement des valeurs expliquées
dans les articles ci-dessus, par un Manifeste pour une Politique Agile qui
serait constitué à l’image du
Manifeste pour le développement Agile de logiciels :
- 1 texte sous licence libre permettant des
traductions, 1 pétition en ligne
- 4 valeurs fondamentales, et 12 principes courts
et immédiatement compréhensibles, qui explique les devoirs et l’éthique d’un
représentant politique en commençant par la transparence, ainsi que les
principes de la démarche d’élaboration des nouvelles politiques de manière profondément
ouverte et collaborative, notamment en privilégiant la prise en compte du long terme et des futures
générations.
En cette années d'élections majeures à travers toute l'Europe, ce Manifeste, après avoir reçu la signature d'un million de citoyens à travers l'Europe, inciterait immédiatement tous les leaders politiques à se positionner publiquement sur le Manifeste pour suivre ses recommendations ou pas. Il rentrerait donc de facto en usage, signifiant le succès de la première action d'une démocratique réelle.
L'année électorale qui vient offre une occasion unique aux citoyens de l'Europe d'inciter efficacement les leaders politiques à prendre les bonnes décisions, en cohérence avec leurs aspirations à une meilleure société et surtout pour pouvoir résister collectivement aux dangers majeurs qui nous assaillent : guerre monétaire par les banquiers de Wall Street et leurs alliés de la City, montée en force des courants anti-démocratiques et autoritaires en Europe.
[Pour la suite de cette idée, voir le site
agile-democratie.net. Le manifeste a été mis en ligne le 10/12/2011]