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2014/08/31

La guerre d'Ukraine et l'esprit des peuples

[This article is also available in english].

Il est encore difficile aujourd'hui d'évoquer l’absence de liberté des grands médias occidentaux sans être taxé d'extravagance, de se voir convaincre d'être le neveu de Poutine.

Pourtant cette liberté parmi d'autres n'est qu'un des visages de la liberté tout court et l'on comprendra notre obstination à la défendre si l'on veut bien admettre qu'il n'y a point d'autre façon de gagner réellement la guerre dans laquelle ceux qui dirigent l’OTAN veulent précipiter l’Europe.

Sur les obstacles qui sont apportés aujourd'hui à la liberté de pensée, Chomsky[1], Bourdieu[2], Orwell[3], de Sélys et Collon[3b], Scott[4] ou Joly[5], et d'autres encore, ont d'ailleurs précédé tout ce que nous avons pu dire et nous dirons encore. En particulier, le principe de la fabrication du consentement une fois imposé, le fait qu'à cet égard les sentiments des foules dépendent de l’influence délétère de bien peu, poussant à la précipitation, à l'incompréhension, à la suspicion ou à la peur, démontre mieux qu'autre chose le degré d'inconscience où nous sommes parvenus.

Un des bons préceptes d'une philosophie digne de ce nom est de ne jamais se répandre en lamentations inutiles en face d'un état de fait qui ne peut plus être évité. La question en Occident n'est plus aujourd'hui de savoir comment préserver les libertés de la presse. Elle est de chercher comment, en face de la suppression de ces libertés, un citoyen peut rester libre. Le problème n'intéresse plus les gouvernements. Il concerne la société civile et d’abord l'individu.

Et justement ce qu'il nous plairait de définir ici, ce sont les conditions et les moyens par lesquels, à l’orée ou au sein même de la guerre et de ses servitudes, la liberté peut être, non seulement préservée, mais encore manifestée. Ces moyens sont au nombre de quatre : la lucidité, le refus, l'ironie et l'obstination. 

La lucidité est le moteur de notre propre liberté

La lucidité suppose la résistance aux entraînements de la haine et au culte de la fatalité. Dans le monde de notre expérience, il est certain que tout peut être évité. La guerre elle-même, qui est un phénomène humain, peut être à tous les moments évitée ou arrêtée par des moyens humains. Il suffit de connaître l'histoire des dernières années de la politique européenne pour être certains que la guerre, quelle qu'elle soit, a des causes évidentes. Cette vue claire des choses exclut la haine aveugle et le désespoir qui laisse faire. Un citoyen libre, en 2014, ne désespère pas et lutte pour ce qu'il croit vrai comme si son action pouvait influer sur le cours des événements. S’il est auteur, quel que soit le média, il ne publie rien qui puisse exciter à la haine ou provoquer le désespoir. Tout cela est en son pouvoir.

Abandonner sa souveraineté, ou bien ne pas renoncer

Mais le citoyen peut aussi être un représentant de l’Etat. Les gouvernements américains et anglais ont tenté il y a 10 ans de décrédibiliser l’idéal des Nations Unies, de déshonorer tous les gardiens de notre conscience collective par le mensonge, la tromperie et l’injustice[6] en les entraînant dans la guerre en Irak, pour en être empêché in-extremis par la volonté et la voix courageuse d’un Ministre de la France[7]. Ces mêmes gouvernements tentent aujourd’hui de tirer à nouveau les ficelles pour nous précipiter dans la guerre en Ukraine, bientôt contre la Russie, en employant sans vergogne les mêmes méthodes infâmes[8]. Ils veulent cependant utiliser l’OTAN pour court-circuiter le Conseil de Sécurité de l’ONU, ayant appris de leur échec de 2003. Le sommet de l’OTAN au pays de Galles les 4 et 5 Septembre réunissant les 28 Etats membres de l’alliance n’a pas d’autre vocation que de remplacer dans l'opinion publique une résolution du Conseil de Sécurité sur l’intervention prochaine en Ukraine, qui sera précédée par des arrivées de troupes américaines dans les bases de l’Est de l’UE[9], mais aussi en Italie, en Hollande ou en Allemagne. C’est bien une réoccupation de l’Europe par l’armée américaine, les Etats européens n’ayant en réalité quittés leur statut de colonie lors des 70 années écoulées que lors de brèves parenthèses comme celle du Gaullisme. Le TTIP et les amendes récentes sur les banques européennes ne sont à cet égard que des moyens de rétablir l’imposition directe des européens, après l’imposition indirecte qui se manifeste au travers des achats de bons du Trésor américain par tous les Etats.

Quel homme trouvera le courage de marcher dans les pas de Dominique de Villepin lors du prochain sommet, et refusera par sa voix que son pays suive le chemin fatal où les Etats-Unis et la Grande-Bretagne veulent mener l’alliance ? Qui, ne cédant pas à la précipitation, à l'incompréhension, à la suspicion ou à la peur, se rappellera les mots de Démocrite : le caractère d’un homme fait son destin ? Au sein de ce sommet, la lourde responsabilité et l'immense honneur qui sont les leurs doivent les conduire à donner la priorité au désarmement des adversaires en Ukraine, dans une paix qui ne serait pas un langage orwellien, en collaboration avec l’Union Eurasiatique.

Servir le mensonge, ou bien la liberté

En face de la marée montante de la bêtise, il est nécessaire également d'opposer quelques refus. Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu'un esprit un peu propre accepte d'être malhonnête. Or, et pour peu qu'on connaisse le mécanisme des informations, il est facile de s'assurer de l'authenticité d'une nouvelle. C'est à cela qu'un journaliste libre et un citoyen doit donner toute son attention. Car, même s'il ne peut dire tout ce qu'il pense, il lui est possible de ne pas dire ce qu'il ne pense pas ou qu'il croit faux. Et c'est ainsi qu'un journal libre se mesure autant à ce qu'il dit qu'à ce qu'il ne dit pas. Cette liberté toute négative est, de loin, la plus importante de toutes, si l'on sait la maintenir. Car elle prépare l'avènement de la vraie liberté. En conséquence, un journal indépendant donne l'origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l'uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure, si relative qu'elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu'aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge.

C’est ce que nous attendons de tous les commentateurs à l’issue du prochain sommet de l’OTAN.

Chérir la vérité avec obstination

Nous en venons ainsi à l'ironie. On peut poser en principe qu'un esprit qui a le goût et les moyens d'imposer la contrainte est imperméable à l'ironie. On ne voit pas Kerry, Netanyahou, Fabius, Ashton, Iatseniouk, pour ne prendre que des exemples parmi d'autres, utiliser l'ironie socratique. Il reste donc que l'ironie demeure une arme sans précédent contre les trop puissants. Elle complète le refus en ce sens qu'elle permet, non plus de rejeter ce qui est faux, mais de dire souvent ce qui est vrai. Un journaliste libre, en 2014, ne se fait pas trop d'illusions sur l'intelligence de ceux qui l'oppriment. Il est pessimiste en ce qui regarde l'homme. Une vérité énoncée sur un ton dogmatique est censurée neuf fois sur dix dans les grandes rédactions. La même vérité dite plaisamment ne l'est que cinq fois sur dix. Cette disposition figure assez exactement les possibilités de l'intelligence humaine. Elle explique également que des journaux français comme Le Canard Enchaîné puissent publier régulièrement les courageux articles que l'on sait. Un journaliste libre, en 2014, est donc nécessairement ironique, encore que ce soit souvent à son corps défendant. Mais la vérité et la liberté sont des maîtresses exigeantes puisqu'elles ont peu d'amants.

Cette attitude d'esprit brièvement définie, il est évident qu'elle ne saurait se soutenir efficacement sans un minimum d'obstination. Bien des obstacles sont mis à la liberté d'expression. Ce ne sont pas les plus sévères qui peuvent décourager un esprit. Car les menaces, les suspensions, les poursuites obtiennent généralement l'effet contraire à celui qu'on se propose. Mais il faut convenir qu'il est des obstacles décourageants : la constance dans la sottise, la veulerie organisée, l'inintelligence agressive, l’ostracisme, et nous en passons. Là est le grand obstacle dont il faut triompher. L'obstination est ici vertu cardinale. Par un paradoxe curieux mais évident, elle se met alors au service de l'objectivité et de la tolérance.

Les esprits indépendants forment l'histoire

Voici donc un ensemble de règles pour préserver la liberté jusqu'au sein de la servitude. Et après ?, dira-t-on. Après ? Ne soyons pas trop pressés. Si seulement chaque citoyen des pays occidentaux voulait bien maintenir dans sa sphère tout ce qu'il croit vrai et juste, s'il voulait aider pour sa faible part au maintien de la liberté, résister à l'abandon et faire connaître sa volonté, alors et alors seulement cette guerre serait déjà gagnée, au sens profond du mot.

Oui, c'est souvent à son corps défendant qu'un esprit libre de ce siècle fait sentir son ironie. Que trouver de plaisant dans ce monde enflammé ? Mais la vertu de l'homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. Personne ne veut recommencer aujourd’hui la double expérience de 1914 et de 1939. Il faut donc essayer une méthode qui serait la justice et la transparence, sous l’égide des Nations Unies puisque l’OTAN ne peut agir à sa place, pour conduire aux inspections, et au désarmement dans la paix. Mais la justice ne s'exprime que dans des cœurs déjà libres et dans les esprits encore clairvoyants. Former ces cœurs et ces esprits, les réveiller plutôt, c'est la tâche à la fois modeste et ambitieuse qui revient à l'homme indépendant. Il faut s'y tenir sans voir plus avant. L'histoire tiendra ou ne tiendra pas compte de ces efforts. Mais ils auront été faits.

Même si finalement malgré tous nos efforts une nouvelle guerre a lieu, l’Europe étant une nouvelle fois détruite dans les années les plus terribles de sa longue histoire, il faut œuvrer dès aujourd’hui à sa future reconstruction. Cela commencera par insuffler l’esprit et le courage, et l’honneur. Les générations prochaines se souviendront alors de nos voix, retrouveront notre esprit et marcheront dans nos pas, bien après que l’OTAN aura été engloutie par l’histoire. Les peuples qui cultiveront ces valeurs ne cesseront pas de se tenir debout face à l'histoire et devant l’humanité.

Dr. Bruno Paul, d'après le manifeste d'Albert Camus.




[1] ‘La fabrication du consentement: de la propagande médiatique en démocratie’, Edward Herman et Noam Chomsky, 1988
[2] ‘Sur la télévision’, Pierre Bourdieu, 1996
[3] '1984', E.A. Blair, dit George Orwell, 1949
[3b] 'Attention Médias ! Mediamensonges du Golfe. Manuel antimanipulation', Michel Collon, 1992
[4] La politique profonde et l’Etat profond’, Conscience-Sociale.org, 03/2014
[6] a) « Discours de Colin Powell devant le Conseil de Sécurité de l'ONU », 05 février 2003 ; b) Dès 2004, les inspections américaines menées pendant la guerre s'accordent pour dire que l'Irak avait abandonné son programme nucléaire, chimique et biologique après 1991 (Iraq Survey Group Final Report, GlobalSecurity.org, 2004) ; c) « Colin Powell : comment la CIA m'a trompé », Nouvel Observateur, 03/2013
[8]Russia Invades Ukraine”, Strategic NATO Public Relations Stunt. Where are the Russian Tanks?, Global Research, 08/2014
[9] publié quelques heures après la parution de notre article: 'Europe de l'Est: l'Otan veut déployer cinq nouvelles bases', RiaNovosti, 31/08/2014

2014/04/01

Rentrer à Matignon, ou rentrer dans l’Histoire

Rentrer à Matignon, ou rentrer dans l’Histoire.
Lettre ouverte à Monsieur Valls.



Monsieur le Premier Ministre,

Nous vous félicitons pour votre récente nomination à Matignon. 

Vous savez comme nous que la situation de la France, de l’Europe et du monde requiert une acuité toute nouvelle. 

Vous avez aujourd’hui l’opportunité de décider si vous voulez rentrer dans l’Histoire de France en devenant un homme d’Etat.

Pour cela, vos plus proches concitoyens vous conseillent de commencer par annoncer publiquement le programme suivant, qui vise à redonner enfin une vision positive, de l’élan et du courage au peuple français :
  • Affirmation de l’indépendance de la France, par la sortie unilatérale de l’OTAN par la France, qui sera effective 12 mois plus tard
  • Désaveu complet du régime de Kiev et reconnaissance du statut actuel de la Crimée
  • Désaveu de la politique étrangère et des programmes de surveillance massive des Etats-Unis, en rappelant l’ambassadeur de France à Washington
  • Désaveu du nouveau pacte transatlantique (TTIP) en l’état
  • Développement d’une nouvelle stratégie visant à redynamiser les relations de la France avec les pays BRICS ; annonce de l’intention de votre première tournée diplomatique dans chaque capitale des pays BRICS
  • Désaveu du Service pour l’Action Extérieure de la Commission Européenne, et demande expresse de le cantonner à exécuter seulement les décisions prises par le Conseil Européen, en restreignant fortement son autonomie
  • Présentation des excuses officielles pour le rôle tenu par la France dans le dernier conflit libyen
  • Affirmation du nouveau soutien de la France au Président Assad en Syrie
  • Soutenir les demandes de retrait de toutes les troupes militaires américaines en Europe
  • Affirmation de l’indépendance complète de votre politique par rapport aux décisions des agences de notation sur notre dette souveraine
  • Affirmation du rôle positif pour l’Europe des récentes annonces de l’établissement du clearing en Yuan à Londres et à Frankfort
  • Affirmation de la volonté du nouveau gouvernement de tout mettre en œuvre pour que la France intègre dès que possible le nouveau système monétaire et financier en construction, en commençant par votre souhait de faire entrer la France comme membre de la nouvelle Banque Mondiale de Développement initiée par les pays BRICS
  • Affirmation du rôle moteur qu’entend jouer la France parmi les pays de la zone euro avec ce programme, dans la seule ambition de créer de nouvelles synergies et un mouvement positif en levant les blocages existants
  • Réaffirmer l’absolue nécessité de l’indépendance totale de la Justice en France
  • Réaffirmer l’absolue nécessité du respect du droit international par tous les pays, et du rôle à tenir par la France en la matière
  • Affirmation de la volonté de la France de jouer désormais un rôle leader dans la définition et l'instauration rapide des nouvelles régulations bancaires, contre l'évasion fiscale, et notamment  aussi concernant une union bancaire européenne la plus efficace possible
  • Affirmation de votre support personnel pour la modification des traités Européens.


Avec un tel programme suivi par les actes en conséquence, toutes vos prochaines annonces sur les autres réformes de politique intérieure seront courageusement acceptées par vos concitoyens et les effets de cet élan politique se feront positivement sentir dès les élections européennes.

Vos concitoyens vous demandent de faire votre devoir et de les représenter dignement. Chaque changement de gouvernement est porteur d’espoir, mais éventuellement de nouvelles déceptions s'il ne prête pas attention aux réels enjeux historiques.

Si nous pouvons compter sur vous, vous pourrez compter sur nous.





2013/11/20

Questions Internationales: les Etats-Unis, JFK, et la CIA

A.I. Solzhenitsyn
 Le bimensuel Questions Internationales publie ce mois (N°64, nov-déc 2013) un large dossier de 80 pages sur les "Etats-Unis: vers une hégémonie discrète". L'équipe éditoriale brosse au fil des articles un portrait des plus rassurants pour la situation de ce pays. Il restera le seul dominant nous dit-on ("hégémonie") et il choisit de lui-même de se montrer plus "discret". Pas fuyant, ni en déroute, ni même en retraite. Ni absent, ni ralenti, ni malade, ni convalescent, ni bien Sur impuissant. C'est un "repli apparent", "une politique extérieure furtive", et même "une modestie internationale affichée... qui nourrit une stratégie à long terme d'une hégémonie durable" selon Serge Sur (rédacteur en chef).

Page 8 on peut cependant noter un passage intéressant à propos du Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) et des relais de l'influence des USA en Europe: 
"C'est ainsi que le projet, dont la négociation est ouverte, de zone de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis, tend à absorber l'Union dans une sorte d'Otanie économique qui compléterait la vassalisation sécuritaire, monétaire, financière de l'Europe occidentale. Règles, normes, standards américains seraient, par la force des choses, plus que jamais la loi commune au lieu de la compétition actuelle avec une Union qui sait conserver son autonomie. 
Pour cela, les Etats-Unis disposent, dans l'Union même, de relais actifs, publics ou privés. François Mauriac polémiste évoquait, à propos de certains hommes politiques européens, des "poulets nourris aux hormones américaines". Ils ont beaucoup de descendants dans tous les milieux."
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce dossier USA de manière plus détaillée, comme nous l'avons déjà fait (en février, en mars). Il est plus urgent pour aujourd'hui de passer à un problème plus grave dans cette publication.

Questions Internationales est publié par La Documentation Française, imprimé par la Direction de l'Information Légale et Administrative, et bénéficie de la participation de Sciences Po Paris. Son rédacteur en chef, au CV académique, est actuellement juge ad hoc à la Cour internationale de justice de La Haye. Fort bien.

Pourquoi dès lors accepter la publication p110-114, à l'occasion du 50ème anniversaire de la mort de JFK, d'un article de Charles Cogan, ancien chef de la CIA à Paris, et qui commence par ce résumé:
"L'assassinat de John F. Kennedy fut commis par un tueur isolé, Lee Harvey Oswald dont l'acte s'explique en partie par son admiration pour Fidel Castro et son animosité envers le gouvernement et le président des Etats-Unis. Deux éléments suggèrent que Fidel Castro aurait pu être le commanditaire de l'assassinat : le caractère outrancier du personnage et le fait qu'il était au courant des complots ourdis contre lui par les frères Kennedy. A ce jour, aucune information probante n'est toutefois apparue pour corroborer cette hypothèse et la question reste ouverte."
De l'avis même de son auteur, rien ne vient corroborer cette hypothèse castriste 50 ans après les faits. Par contre, d'autres pistes ont été depuis patiemment investiguées, et qui viennent à la fois totalement invalider le rôle de Castro comme commanditaire de l'assassinat, révéler le rôle déterminant et positif joué par Robert Kennedy (dont je me souviens) auprès de son frère, pour le soutenir contre son entourage de conseillers dans la résolution de la crise des missiles; qui viennent également totalement invalider la thèse officielle du tireur isolé, et qui mettent en lumière le rôle de l'état profond (qui recouvre les officines comme la CIA et le FBI) dans la gouvernance du pays. 

J'aurais attendu du comité scientifique et du comité de rédaction d'un tel journal publié par nos institutions de la République un respect plus marqué des valeurs de vérité historique. Au strict minimum, une mention comme "Selon la thèse officielle de la commission d'enquête Warren,..." au début du texte aurait par exemple permis au lecteur de comprendre le nécessaire recul à avoir. Un encart pour donner brièvement un autre point de vue n'aurait pas été de trop non plus.

Je me vois donc obligé de mentionner moi-même ces éléments, puisque cela n'a pas été fait, afin qu'on ne pense pas qu'au pays des Lumières un tel discours honteux qui fait obstacle à la raison et à la vérité passe sans qu'un citoyen ne remplisse son devoir. Nous ne sommes pas à Washington, Dieu merci.

Pour être concis, nous rappelons les références suivantes. Les liens qui ne sont pas en italique conduisent aux textes intégraux et à leurs références documentées qui corroborent les propos: 

"The JFK Assassination: New York Times Acknowledges CIA Deceptions" Peter Dale Scott, Global Research, October 2009
- The Assassinations of the 1960s as `Deep Events'Peter Dale Scott, History-Matters.com, October 2008
JFK and 9/11: Insights Gained from Studying BothPeter Dale Scott, Global Research, December 2006
- The CIA, the drug traffic, and Oswald in Mexico, Peter Dale Scott, History-Matters.com, December 2000
- The 3 Oswald deceptions: The operation, the cover-up and the conspiracy, Peter Dale Scott; This piece was originally published in:Deep Politics II
- The Kennedy-CIA divergence over Cuba, Peter Dale Scott, History-Matters.com; This piece was originally published in: Deep Politics II
- CIA files and the pre-assassination framing of Lee Harvey Oswald, Peter Dale Scott; This piece was originally published in: Deep Politics II 
Deep Politics II: Essays on Oswald, Mexico and Cuba. The New Revelations in U.S. Government Files, 1994-1995. Newly Revised Edition, 1996. JFKLancer Publications
- Deep Politics and the Death of JFK, Peter Dale Scott, 1993, University of California Press.

On pourra aussi s'intéresser aux travaux publiés de la commission parlementaire "Select Committee on Assassinations" de 1979 qui concluent notamment:
"The committee believes, on the basis of the evidence available to it, that the Cuban Government was not involved in the assassination of Kennedy."

Et je rappelle à Serge Sur que le maintien de cette parole est une condition nécessaire de justice. Je cite en anglais puisqu'il comprend fort bien cette langue:
"In keeping silent about evil, in burying it so deep within us that no sign of it appears on the surface, we are implanting it, and it will rise up a thousand fold in the future. When we neither punish nor reproach evildoers, we are not simply protecting their trivial old age, we are thereby ripping the foundations of justice from beneath new generations." 
(A.I. Solzhenitsyn, 1918 – 2008 ; The Gulag Archipelago, 1958-68)
J'ai résumé les causes socio-politiques qui ont conduit au drame du 22 Novembre 1963 dans la première partie de cet article publié en Mars. Parce que la justice n'a jamais pu s'exercer de manière satisfaisante, cette date marque celle de l'émancipation officieuse mais définitive de l'appareil sécuritaire américain vis-à-vis de l'Etat de droit. Ce n'est pas un acte de naissance de l'Etat profond, mais c'est un acte hautement visible et symbolique de son pouvoir, geste rendu logique à ses yeux parce qu'il n'avait pas pu contrôler cet opposant puissant.

La leçon que l'Histoire nous a donnée, retranscrite ici par Solzhenitsyn, nous explique la lente dérive du contexte socio-politique américain étouffé par cet Etat profond jusqu'au coup d'Etat permanent démarré en 2001. J'ai synthétisé l'accélération de cette dérive jusqu'à nos jours dans la deuxième partie de l'article, donnant ainsi un cadre cohérent pour appréhender les conséquences prochaines que j'exposent en conclusion, et en particulier l'inévitable contre-révolution du peuple américain qui conduira nécessairement à ré-exposer en pleine lumière l'intégralité des dessous de cette affaire.

Une société qui se pense libre ne peut en aucun cas faire l'économie de la justice, et réciproquement: une société qui fait l'économie de la justice ne peut se penser libre. C'est pourquoi le système judiciaire américain est autant miné de l'intérieur, et le premier ouvertement remis en cause. Sa défaillance a entraîné les sonneurs d'alarme toujours plus loin, en boule de neige jusqu'au tremblement de terre Snowden qui a écroulé les jeux d'alliance chancelants du gouvernement US.

L'Histoire retiendra que les individus au sein de l'Etat profond ont voulu jouer avec des forces sociales qui les dépassaient, et dont ils n'ont jamais compris la portée, comme tous les tyrans. Ils ont vécu dans l'illusion, ont donc voulu imposer l'illusion de masse à un niveau jamais atteint dans l'Histoire, et ils sont finalement rattrapés par la réalité. Tout le monde peut voir maintenant qu'un César multiforme a bel et bien franchi le Rubicon et que les institutions sont devenues des simulacres. Les masques et les décors de carton tombent. C'est l'effet de dévoilement de la crise.

Le long processus de dé-américanisation du monde passe nécessairement aussi par une dé-américanisation de l'Europe. Dans ce berceau historique de l'esprit démocratique, ce mouvement se traduit de manière plus aiguë par un dépassement des représentants de ce que Francis Dupuis-Déri a nommé l'agoraphobie politique, c'est à dire la peur ou la haine du peuple assemblé pour délibérer et se gouverner. Cette peur justifie dans l'esprit de ceux affectés qu'une élite auto-proclamée exerce son «pouvoir sur» le peuple, se situant donc dans un rapport dialectique de domination hiérarchique et de confiscation du pouvoir.

[Conclusion de l'article complétée en plusieurs ajouts entre le 20 et le 26/11]

2013/10/14

Remembering Bob K.

A revolution is coming — a revolution which will be peaceful if we are wise enough; compassionate if we care enough; successful if we are fortunate enough — But a revolution which is coming whether we will it or not. We can affect its character; we cannot alter its inevitability. 
(R. F. Kennedy, 1925 - 1968 ; Speech in the United States Senate, 9 May 1966) 

Our answer is the world's hope; it is to rely on youth. The cruelties and the obstacles of this swiftly changing planet will not yield to obsolete dogmas and outworn slogans. It cannot be moved by those who cling to a present which is already dying, who prefer the illusion of security to the excitement and danger which comes with even the most peaceful progress. This world demands the qualities of youth: not a time of life but a state of mind, a temper of the will, a quality of the imagination, a predominance of courage over timidity, of the appetite for adventure over the love of ease.[...]
First, is the danger of futility: the belief there is nothing one man or one woman can do against the enormous array of the world's ills — against misery, against ignorance, or injustice and violence. Yet many of the world's great movements, of thought and action, have flowed from the work of a single man. [...]
It is from numberless diverse acts of courage and belief that human history is shaped. Each time a man stands up for an ideal, or acts to improve the lot of others, or strikes out against injustice, he sends forth a tiny ripple of hope, and crossing each other from a million different centers of energy and daring those ripples build a current which can sweep down the mightiest walls of oppression and resistance.[...]
The second danger is that of expediency: of those who say that hopes and beliefs must bend before immediate necessities. Of course, if we must act effectively we must deal with the world as it is. We must get things done. But [...] there is no basic inconsistency between ideals and realistic possibilities, no separation between the deepest desires of heart and of mind and the rational application of human effort to human problems.[...because] it ignores the realities of human faith and of passion and of belief — forces ultimately more powerful than all of the calculations of our economists or of our generals. Of course to adhere to standards, to idealism, to vision in the face of immediate dangers takes great courage and takes self-confidence. But we also know that only those who dare to fail greatly, can ever achieve greatly.[...]
And a third danger is timidity. Few men are willing to brave the disapproval of their fellows, the censure of their colleagues, the wrath of their society. Moral courage is a rarer commodity than bravery in battle or great intelligence. Yet it is the one essential, vital quality of those who seek to change a world which yields most painfully to change.[...]
For the fortunate amongst us, the fourth danger, my friends, is comfort, the temptation to follow the easy and familiar paths of personal ambition and financial success so grandly spread before those who have the privilege of an education. [...] 
There is a Chinese curse which says, "May he live in interesting times." Like it or not we live in interesting times. They are times of danger and uncertainty; but they are also more open to the creative energy of men than any other time in history. And everyone here will ultimately be judged — will ultimately judge himself — on the effort he has contributed to building a new world society and the extent to which his ideals and goals have shaped that effort. 
(R. F. Kennedy, 1925 - 1968 ; Day of Affirmation Address, 6 June 1966)

     O captain! dear father! 
     This arm beneath your head; 
     It is some dream that on the deck, 
     You've fallen cold and dead. 
My Captain does not answer, his lips are pale and still; 
My father does not feel my arm, he has no pulse nor will; 
The ship was long ago anchor'd safe and sound, its voyage since never closed and done; 
From fearful trip, the victor ship, has yet to come in with object won; 
(inspired by W. Whitman - 1865)




2008/08/24

L’affaire Dominici ou la politique de l’occultation


 Tel aurait pu être le titre du dernier ouvrage à propos du tragique triple meurtre du mardi 5 Aout 1952, à Lurs. Cette affaire exceptionnelle m’est suffisament proche (et je ne parle pas seulement en kilomètres) pour que je me sois intéressé aux 732 pages rédigées par Eric Guerrier. Bien m’en a pris, car son livre rétablit avec une grande rigueur un très grand nombre de faits vérifiables, sans aucun parti-pris préconçu. J’ai tout particulièrement apprécié sa méthode consistant en définitive à séparer les faits et les protagonistes en 3 phases successives.

La première pour le meurtre des deux parents Drummond; la deuxième pour le meurtre d’Elizabeth Drummond, agée de 10 ans, évanouïe puis mortellement frappée de 2 terribles coups de crosse, de sang-froid. Et la troisième pour la phase publique, celle d’une étonnante enquête judiciaire, et de procès non moins déroutants.

A chaque phase, ce sont de nouvelles complicités, de nouvelles responsabilités, de nouvelles compromissions et de nouvelles culpabilités qui peuvent être sondées séparément, bien que tout l’édifice logique reste articulé et cohérent. Du tragique fait divers à l’affaire d’Etat, Eric Guerrier nous livre de précieuses informations sur les ressorts qui animent une société toute entière. Il n’est pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, et cette affaire est aussi une occasion historique de jauger une société à l’aune d’une victime innocente.

 Quelles que soient vos convictions actuelles sur cette affaire, vous pouvez la soumettre à l’épreuve des faits patiemment reconstruits par Eric Guerrier, à la suite de la longue bibliographie qui existe déjà. Il réussit à aller beaucoup plus loin et beaucoup plus en profondeur sur tous les plans de cette “énigme” judiciaire que les ouvrages précédents sur toutes les thèses envisagées, dont il montre le possible intérêt mais aussi les limites ou les contradictions. J’ai ainsi pu retrouver avec encore plus de détails historiques la trace de la piste Bartkowski et la double vie de Jack Drummond dans le contexte politique de la guerre froide et de la IVème République, ou suivre l’hypothèse inquiétante du rôle de Roger “Zézé” Perrin ou de Gustave Dominici. Nous y retrouvons également beaucoup d’éléments relatés lors d’un “Rendez-Vous avec X” sur France Inter le 22 mai 1999 pour la première diffusion.
Détail à l’attention de Eric Guerrier : la personne non nommée qui a remarqué la première la présence du pantalon de Gustave séchant derrière les volets de sa chambre le matin du 5, est le docteur Dragon d’Oraison.

Références du livre d’Eric Guerrier : 
L’affaire Dominici – Expertise du triple crime de Lurs
Edition Cheminements, 2007
A la mémoire d’Elizabeth Drummond.

Existent encore aujourd’hui :

  • la base de l’ancien pilône EDF du Km 32, lieu du rendez-vous fatal fixé à la famille Drummond;

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  • le mas de la Grand’Terre vu de la borne du km 32, de l'autre côté de la route. Le départ du chemin à gauche mène vers le petit pont.

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Ont complètement disparu suite à l’élargissement de la RN et à la croissance de la végétation : le murier; le puisard; la majeure partie de la zone de stationnement, lieu des deux premiers crimes.

  • photographié à partir de la route, le petit pont enjambant la voie de chemin de fer avant le virage, avec la Durance en arrière plan;

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La croix commémorative de l’autre côté du pont, située à 15 m environ du lieu du meurtre d’Elizabeth, est encore régulièrement fleurie et décorée, comme en ce lendemain du mardi 5 Août 2008. Le lieu précis du meurtre d'Elizabeth n’existe plus depuis les travaux de l’autoroute sur le remblai du km 91 de l’A51.  

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Je suis passé devant la maison où vit aujourd’hui Yvette Barth (la femme de Gustave Dominici au moment des faits), à quelques petits km du lieu du drame. C’est l’une des 3 ou 4 dernières personnes vivantes qui pourraient raconter avant de disparaître la vérité sur les circonstances exactes entourant la mort d’Elizabeth : que s’est-il passé entre le moment des coups de feu et 4h du matin sur le lieu du crime et à Grand Terre; quelles personnes ont décidé qu'il fallait tuer une enfant de 10 ans blessée et évanouïe; qui lui a porté les coups fatals avec la crosse de la vieille carabine US M1.

Les mobiles de cette dernière mise à mort sont désormais bien connus, le cercle des responsabilités est très resserré, mais pour que le souvenir d’Elizabeth ne nous hante plus, les derniers éléments entourant ces questions devront enfin être portés à la connaissance de tous. Notre conscience sociale le réclame, car sa mort est un des signes indubitables qui prouve que quelque chose d’essentiel a été oublié par les protagonistes à un moment donné. C’est cette part d’humanité qu’intimement ou inconsciemment nous voulons retrouver. L’espoir de ce genre de quête c’est qu’elle ne soit pas définitivement perdue, car nous resterions chacun des amputés.