Depuis le 21 Août, les évènements s'accélèrent autour de la crise Syrienne.
Il est fort possible que cette pression retombe après le G20 en fin de semaine, ce qui représenterait d'ailleurs un moyen diplomatique puissant pour bouleverser le programme de cette rencontre au plus haut niveau,
la toute première du genre organisée hors d'un territoire controlé par un pays de l'OTAN ou dans la sphère d'influence immédiate des USA. Ce programme prévoyait de mettre enfin au centre de la table le problème le plus crucial de notre temps, celui de la modification en profondeur du
système monétaire international (en commençant par de nouvelles modifications des droits de vote au FMI). La prochaine fenêtre d'opportunité après Moscou n'est pas encore connue, puisqu'en 2014 c'est l'Australie qui organisera la réunion.
Cependant je pense nécessaire, en plus de demander un débat public sur les fameuses preuves qui accableraient nous dit-on le régime de Bachar el-Assad, de contribuer sans plus attendre à ce débat.
Il s'agit d'abord de replacer la raison, et non pas la raison d'Etat, au centre. Il s'agit de mériter notre liberté, en luttant chaque fois qu'elle pourrait être rognée. Comme nous l'a dit Thomas Jefferson: "Si une nation civilisée s'attend à pouvoir être ignorante et libre à la fois, elle s'attend à quelque chose qui n'a jamais existé et qui n'existera jamais."
1/ Sur le constat d'utilisation des armes chimiques
Ce constat est en train d'être effectué par des inspecteurs de l'ONU. Leur rapport complet, incluant toutes les pièces médico-légales, devrait être immédiatement rendu public. Publier une synthèse est notoirement insuffisant, depuis que l'on sait que ces inspecteurs peuvent ceder à de très fortes pressions de la part de l'ONU, comme le relate
l'ancien inspecteur de l'ONU Scott Ritter dans
son livre.
2/ Sur les moyens nécessaires à l'emploi d'armes chimiques le 21 Août
Le
récent document déclassifié par la France décrit en synthèse ces moyens utilisables par le gouvernement Syrien. Il est insuffisant. En particulier il ne décrit pas les moyens effectivement utilisés le 21 Août, en commencant par les vecteurs (quel est l'intérêt de mentionner les SCUDs si ceux-ci n'ont pas été utilisés?). Il mentionne également en conclusion:
"Nous estimons enfin que l’opposition syrienne n’a pas les capacités de conduire une opération d’une telle ampleur avec des agents chimiques. Aucun groupe appartenant à l'insurrection syrienne ne détient, à ce stade, la capacité de stocker et d'utiliser ces agents, a fortiori dans une proportion similaire à celle employée dans la nuit du 21 août 2013 à Damas. Ces groupes n’ont ni l’expérience ni le savoir-faire pour les mettre en œuvre, en particulier par des vecteurs tels que ceux utilisés lors de l’attaque du 21 août."
Et qu'en est-il d'
estimer cette capacité pour des groupes n'appartenant ni à l'authentique insurrection syrienne, ni au gouvernement syrien, et
dont on sait qu'ils sont actifs sur le territoire? Pourquoi limiter la recherche de coupables à deux parties seulement ?
3/ Sur le mobile d'utilisation des armes chimiques
Le même document se limite à nous dire:
"il est clair, à l’étude des points d’application de l’attaque, que nul autre que le régime ne pouvait s’en prendre ainsi à des positions stratégiques pour l’opposition."
Et qu'en est-il si l'opposition ou un autre groupe avaient décidés de sacrifier la population et ces positions pour justement provoquer des retorsions gravissimes sur le gouvernement syrien? Qu'en est-il si les armes conventionnelles avaient été bien utilisées par le gouvernement syrien, et les armes chimiques par d'autres groupes sur les mêmes cibles? En plus de simples présomptions ou de la présence d'un mobile, quelles preuves avons-nous que les armes chimiques ont bien été utilisées par ceux rapidement dénoncés des gouvernements français et américains, et par nul autre?
Tous les groupes présents en Syrie ayant des mobiles suffisants pour utiliser ces armes, l'existence d'un mobile ne peut constituer une preuve, même indirecte.
4/ Sur la défense du droit international, la coalition et les moyens de réponse envisagés
Comment le gouvernement français actuel peut-il envisager un instant de participer à une coalition au côté des Etats-Unis, sachant les crimes commis par le gouvernement et les moyens armés de ce pays en particulier au Moyen-Orient et encore impunis, et sans les dénoncer avec autant de vigueur que ceux reprochés au gouvernement Syrien? Comment politiquement cette coalition ne serait-elle pas un aveu de partager les mêmes vues, sinon pire: les mêmes valeurs?
Comment peut-on imaginer vouloir défendre le droit international comme le déclare Mr Ayrault, et s'associer avec le pays qui le viole le plus systématiquement sans subir de retorsions, en particulier depuis le parjure de Colin Powell à l'ONU et l'attaque injustifiée de l'Irak, et l'emploi en Irak de
bombes au phosphore et
d'armes à l'uranium, qui sont aussi des armes interdites par le droit international?
Pourquoi, si le gouvernement français est si sûr de la culpabilité du gouvernement syrien, ne pas monter une coalition avec la Russie par exemple pour apporter "une réponse proportionnée sans renverser le régime de Bachar el-Assad" comme l'a déclaré le gouvernement français?
Comment imaginer qu'après la Libye et l'Iraq un bombardement par des missiles de croisière (ouvertement annoncé par les Etats-Unis, qui mentionnent même le chiffre de 200 missiles) constitue cette "réponse proportionnée sans renverser le régime de Bachar el-Assad"?
Comment imaginer "empécher le régime syrien de toute nouvelle utilisation d'armes chimiques" (je cite) sans détruire l'intégralité de son stock, et donc sans associer nécessairement des bombardements avec une occupation au sol de longue durée, comme en Irak?
En tant que citoyen français, j'attends des réponses à toutes ces questions, et j'attends surtout de mon gouvernement qu'il en partage de solides, afin que notre nation prouve encore qu'elle est libre.