2008/08/24

L’affaire Dominici ou la politique de l’occultation


 Tel aurait pu être le titre du dernier ouvrage à propos du tragique triple meurtre du mardi 5 Aout 1952, à Lurs. Cette affaire exceptionnelle m’est suffisament proche (et je ne parle pas seulement en kilomètres) pour que je me sois intéressé aux 732 pages rédigées par Eric Guerrier. Bien m’en a pris, car son livre rétablit avec une grande rigueur un très grand nombre de faits vérifiables, sans aucun parti-pris préconçu. J’ai tout particulièrement apprécié sa méthode consistant en définitive à séparer les faits et les protagonistes en 3 phases successives.

La première pour le meurtre des deux parents Drummond; la deuxième pour le meurtre d’Elizabeth Drummond, agée de 10 ans, évanouïe puis mortellement frappée de 2 terribles coups de crosse, de sang-froid. Et la troisième pour la phase publique, celle d’une étonnante enquête judiciaire, et de procès non moins déroutants.

A chaque phase, ce sont de nouvelles complicités, de nouvelles responsabilités, de nouvelles compromissions et de nouvelles culpabilités qui peuvent être sondées séparément, bien que tout l’édifice logique reste articulé et cohérent. Du tragique fait divers à l’affaire d’Etat, Eric Guerrier nous livre de précieuses informations sur les ressorts qui animent une société toute entière. Il n’est pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, et cette affaire est aussi une occasion historique de jauger une société à l’aune d’une victime innocente.

 Quelles que soient vos convictions actuelles sur cette affaire, vous pouvez la soumettre à l’épreuve des faits patiemment reconstruits par Eric Guerrier, à la suite de la longue bibliographie qui existe déjà. Il réussit à aller beaucoup plus loin et beaucoup plus en profondeur sur tous les plans de cette “énigme” judiciaire que les ouvrages précédents sur toutes les thèses envisagées, dont il montre le possible intérêt mais aussi les limites ou les contradictions. J’ai ainsi pu retrouver avec encore plus de détails historiques la trace de la piste Bartkowski et la double vie de Jack Drummond dans le contexte politique de la guerre froide et de la IVème République, ou suivre l’hypothèse inquiétante du rôle de Roger “Zézé” Perrin ou de Gustave Dominici. Nous y retrouvons également beaucoup d’éléments relatés lors d’un “Rendez-Vous avec X” sur France Inter le 22 mai 1999 pour la première diffusion.
Détail à l’attention de Eric Guerrier : la personne non nommée qui a remarqué la première la présence du pantalon de Gustave séchant derrière les volets de sa chambre le matin du 5, est le docteur Dragon d’Oraison.

Références du livre d’Eric Guerrier : 
L’affaire Dominici – Expertise du triple crime de Lurs
Edition Cheminements, 2007
A la mémoire d’Elizabeth Drummond.

Existent encore aujourd’hui :

  • la base de l’ancien pilône EDF du Km 32, lieu du rendez-vous fatal fixé à la famille Drummond;

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  • le mas de la Grand’Terre vu de la borne du km 32, de l'autre côté de la route. Le départ du chemin à gauche mène vers le petit pont.

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Ont complètement disparu suite à l’élargissement de la RN et à la croissance de la végétation : le murier; le puisard; la majeure partie de la zone de stationnement, lieu des deux premiers crimes.

  • photographié à partir de la route, le petit pont enjambant la voie de chemin de fer avant le virage, avec la Durance en arrière plan;

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La croix commémorative de l’autre côté du pont, située à 15 m environ du lieu du meurtre d’Elizabeth, est encore régulièrement fleurie et décorée, comme en ce lendemain du mardi 5 Août 2008. Le lieu précis du meurtre d'Elizabeth n’existe plus depuis les travaux de l’autoroute sur le remblai du km 91 de l’A51.  

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Je suis passé devant la maison où vit aujourd’hui Yvette Barth (la femme de Gustave Dominici au moment des faits), à quelques petits km du lieu du drame. C’est l’une des 3 ou 4 dernières personnes vivantes qui pourraient raconter avant de disparaître la vérité sur les circonstances exactes entourant la mort d’Elizabeth : que s’est-il passé entre le moment des coups de feu et 4h du matin sur le lieu du crime et à Grand Terre; quelles personnes ont décidé qu'il fallait tuer une enfant de 10 ans blessée et évanouïe; qui lui a porté les coups fatals avec la crosse de la vieille carabine US M1.

Les mobiles de cette dernière mise à mort sont désormais bien connus, le cercle des responsabilités est très resserré, mais pour que le souvenir d’Elizabeth ne nous hante plus, les derniers éléments entourant ces questions devront enfin être portés à la connaissance de tous. Notre conscience sociale le réclame, car sa mort est un des signes indubitables qui prouve que quelque chose d’essentiel a été oublié par les protagonistes à un moment donné. C’est cette part d’humanité qu’intimement ou inconsciemment nous voulons retrouver. L’espoir de ce genre de quête c’est qu’elle ne soit pas définitivement perdue, car nous resterions chacun des amputés.

4 commentaires:

  1. Vous dites ceci: Lieu du Rendez-vous fatal à la famille Drummond. Quel Rendez-vous? Vous épousez aussi la thèse rocambolesque de W. Reymond? ET citer Guerrier, à part lui faire de la pub, essayez de faiire une bonne analyse de son pavé, ce qui est loin d'être le cas dans votre article.

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  2. Au sujet du rendez-vous : les faits les plus établis dans cette affaire montrent que le scénario qui nécessite le moins d'hypothèses est bien celui du rendez-vous fixé à Jack Drummond.
    C'est donc bien ce scénario qu'il faut considérer par une démarche rationnelle. Que ce scénario soit repris par d'autres auteurs est tout à fait indépendant, et leurs conclusions n'engagent qu'eux. Je n'ai pas à les commenter dans cet article.
    A propos d'une meilleure analyse du livre de Guerrier que vous appelez de vos voeux, je vous propose que vous en rédigiez une et que vous la publiez sur internet. Je me ferai alors un plaisir de la commenter.

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  3. la route a été élargie , faisant disparaitre le puisard, le murier, l'aire de stationnement des Drummond. A été supprimé aussi la borne kilométrique en ciment, le pylône de la ligne électrique. Un terrassement a été effectué à l'emplacement précis ou a été retrouvé le corps d'Anne Drummond, ce terrassement n'a aucune utilité : pourquoi l' avoir fait ? l' endroit où a été retrouvé le corps de l' enfant, a été rasé par la construction de l' autoroute… cela fait beaucoup de disparition d' indices des lieux… pourquoi l' état, par le biais des autorités locales a t il fait disparaître tout les éléments visibles dans cette affaire ? et ce, une décennie après le drame . L'affaire Dominici embarrasse t elle à ce point la République ?. Quand j'ai visité les lieux je me trouvait devant le pont, ma voiture était garée juste à coté de la base de l'ancien pylône, j' avais le dos tourné vers la route, j'étais face au pont, en train de réfléchir, un bruit de moteur qui ralentissait à la hauteur de ma voiture m'a fait tourner le regard vers mon véhicule, du pont je pouvais l'apercevoir, c' est un véhicule de la gendarmerie qui avait ralenti et qui après m'avoir apercu en bas du chemin, a redémarré. Est il suspect aux yeux des autorités d'être présent sur les lieux de triple meurtre de Lurs? est ce dérangeant ? j'ai toujours une impression de malaise , quand je repense à cet épisode.

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    1. Je n'ai toujours pas trouvé de meilleur livre sur le sujet que celui de Guerrier. Si vous ne l'avez pas je vous le conseille pour avoir des réponses. Sinon je ne pense pas que la gendarmerie ait depuis longtemps des consignes particulieres. Elle fait ses patrouilles c'est tout.

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