2016/01/17

Prochaine crise bancaire : hard-landing en Europe dans une nouvelle réalité

Suite à l'alerte lancée par ZeroHedge il y a quelques heures, je diffuse dès maintenant un extrait commenté de mon article publié dans le Global Europe Anticipation Bulletin GEAB 101 le 15/01 en français, le 16/01 en english, le 17/01 en Deutsch, italiano, español, português, et sur ce site le 26/01 en РУССКИЙ.

[Mise à jour le 21/01/2016] : remplacement de l'article complet par un extrait commenté.
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Prochaine crise bancaire : hard-landing en Europe dans une nouvelle réalité

Ce début d'année est marqué par les annonces d'un "cataclysme"[1] attendu cette année sur les marchés boursiers. La différence avec 2008 c'est que, cette fois, ce ne sont pas uniquement des analystes contrariants -comme le LEAP dès sa publication du GEAB de février 2006- qui lancent ces alertes mais les institutions les plus établies : BIS[2], Fed[3] (par la voix de Richard Fisher de la banque fédérale de Dallas), FMI[4], et de très grandes banques comme Société Générale[5], RBS et UBS[6].

Ces acteurs ont donc rejoint les autres analystes, tels que nous, qui dénoncent la formation de cette bulle financière bien plus gonflée que la précédente, et une reprise occidentale qui n'en est pas une.
 [...]

Chronique d'une crise annoncée

Les indicateurs en ce 12 janvier montrent la tempête déflationniste qui se creuse, comme un baromètre : le GSCI Commodity Index[8] à 284,7 points (valeur la plus basse depuis 2004) ; le Baltic Dry Index à 402 points (valeur la plus basse depuis 1985, date de création de cet indice!) ; la banque centrale chinoise vide de manière continue sa réserve de change depuis juin 2014, en moyenne au rythme de 37 milliards de dollar US par mois soit plus vite qu'elle l'avait remplie ; [...]

Evolution mensuelle des réserves de change de la Chine 1980-2015 ; source : tradingeconomics

[...]
Nous ne nous contenterons pas d'une alerte en 2 mots comme RBS, ni de dénoncer les crachs comme résultant des manipulations des marchés par les banques centrales[9] comme Bank of America, ni de rappeler que déjà un demi-million d'emplois[10] dans le secteur bancaire ont disparu depuis 2008. 


En effet, il nous semble être notre devoir d'essayer d'anticiper les conséquences de cette tempête sur les pays européens, car personne ne le fera mieux que nous Européens. L'exercice est périlleux mais il doit être mené pour aider à la décision, pour défricher l'avenir.

Impréparation du système bancaire occidental

Tout d'abord : cette crise commencera comme en 2007, par une crise financière causée aux USA par des produits dérivés au risque non maîtrisé, non régulé. C'est en effet le pays qui en a créé le plus, et qui compte le plus de banques fortement détentrices de ces produits. Cette crise financière se transformera très vite en une crise bancaire, puisqu'il n'existe plus de séparation entre banques d'affaires et banques de détail, parce que les régulations récentes comme la loi Dodd-Frank ont été facilement détournées, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe[11], et parce que les volumes représentés par les produits dérivés sont astronomiques[12] et en décroissance trop lente[13], au point que le célèbre investisseur Warren Buffet a qualifié ces produits financiers « d'armes de destruction massive » par le risque systémique qu'ils font courir. Et comme en 2008, cette crise bancaire se propagera en Europe du fait du découplage encore non-abouti en 2016 de ces deux économies.
[...]

[Ajout le 21/01:
L'article de ZeroHedge auquel je réponds donne une information de tout premier ordre sur l'état de criticité des "subprimes pour traders" liées au pétrole de schiste. Ce fait ouvre la possibilité crédible d'un nouveau Lehman Brothers (en l'occurence: Wells Fargo) à tout moment. Les mass media commencent à s'en émouvoir: voir la revue de presse que je tiens à jour dans les commentaires du présent article.
Sachant les conséquences exceptionnellement graves qui s'ensuivraient, il me semblait indispensable de diffuser immédiatement cet extrait puisque je ne parle pas seulement d'alerte mais surtout de piste de solution qui concerne chaque personne dans son quotidien. C'est cette piste que je vais maintenant exposer.]

Un système bancaire occidental en perte de sens

Cette disparition du système bancaire occidental ne doit pas être vu comme le point terminal de l'histoire, un retour à l'âge de pierre. Au contraire, c'est de là que tout peut repartir sur un pied entièrement nouveau, et de manière brutalement accélérée. Depuis 2008 nous soutenons que la crise systémique globale doit se comprendre comme un dégel, une débâcle, une libération des énergies et des mouvements. Le monde était resté figé, congelé en particulier depuis 1971 (fin de la convertibilité or-dollar). La guerre froide devenue glaciation des esprits.

Il faut comprendre que les QE massifs et les politiques monétaires à taux zéro ou négatif (ZIRP, NIRP) ont signalé la fin d'un processus que Keith Werner résume parfaitement : les grandes banques ne sont désormais plus des banques, car elles ne font plus ce métier. Il explique que depuis 30 ans, les grandes banques ont œuvré avec les banques centrales pour réduire à néant les taux d'intérêt (intentionnellement ou pas, peu importe). Il en résulte que désormais les banques ne proposent plus aux déposants un rendement en retour du risque représenté par leurs dépôts. Cependant, un nombre croissant de personnes sont au courant des risques encourus. Par exemple celui induit par l'exposition hallucinante de ces banques aux produits dérivés. Même la détention de dette souveraine dans leur bilan n'est plus considérée comme étant sans risque[15]. Au final ces banques ont un grand nombre d'employés et brassent un tas d'activités pour procurer des intérêts ridiculement faibles aux déposants.

C'est pourquoi, poursuit-il, de plus en plus de personnes et notamment les plus connectées, ne voient plus les banques que comme des fournisseurs de distributeurs de billets et de terminaux pour les points de vente, et des opérateurs de clearing pour les paiements, pour la lutte contre la fraude. Mais tout ceci ne sont que des services périphériques, et pas le cœur de métier pour un banquier respectable. Et la réalité est que les banquiers ont abandonné leur cœur de métier, et il ne leur reste que les services périphériques. 

Quelques caractéristiques du nouveau paysage bancaire pour notre atterrissage d'urgence : nouveaux acteurs, nouveaux outils

Cette situation ne peut pas perdurer : ne dit-on pas que la nature a horreur du vide ? C'est pourquoi ce cœur de métier ainsi que les métiers périphériques vont être conquis facilement par des outsiders et des nouveaux entrants.

Ces nouveaux acteurs seront de deux types : tout d'abord des filiales de banques russes et chinoises qui proposeront des activités bancaires liées au développement local de la Nouvelle Route de la Soie et de la Grande Ceinture Maritime (One Belt, One Road). Ces banques auront pour caractéristiques de disposer de fonds propres importants en or, et de graduellement proposer de re-monétiser l'or[16]. Les banques occidentales en seront incapables, tout comme les banques centrales seront incapables de faire remonter à 4 % les taux d'intérêt des obligations à 10 ans.

Le second type d'acteurs sera constitué par les outsiders des solutions de paiement par mobile (m-payment). Ces solutions connaissent un essor fulgurant en Asie[17] depuis 10 ans :
  • WeChat Tenpay/Wallet de Tencent a 20 % du marché du paiement mobile en Chine ; 200 millions[18] d'utilisateurs ont dépensé 11 milliards de yuan en 2015 au moyen de cette solution, avec l'atout que représente le stock captif des 600 millions d'utilisateurs de la messagerie WeChat ;
  • Alipay Wallet d’Alibaba a plus de 300 millions d'utilisateurs, 800 millions de comptes Chinois et gère 80 millions de transactions par jour avec 45 millions de paiements. Il représente 80 % du marché du paiement mobile Chinois.
Il est annoncé par certains analystes que le m-commerce générera 334 milliards de dollar US, soit 50% du total des ventes de détail. À noter que ces solutions savent aussi transférer un montant à quelqu'un, sans acte de vente (P2P). Il est essentiel de noter que ces solutions sont conçues pour ne pas dépendre d’un réseau d’acceptation de cartes bancaires ou de terminaux de paiement électroniques (TPE), qui sont très peu diffusés en Chine à l’inverse des pays occidentaux.

WeChat Tenpay/Wallet vient d'être ouvert en Afrique du Sud[19] et il est annoncé dans plus de 20 pays en Asie, Europe, Amérique, et Australie. Depuis la fin de l'année dernière, Alipay est proposé au Japon et en Corée.

Les acteurs occidentaux sont d'abord les Google Wallet et ApplePay. Ils sont basés sur une approche technique complètement différente (Host Card Emulation) des solutions précédentes à cause de la diffusion des réseaux d'acceptation des cartes bancaires et des TPE. L’offre s’élargie dernièrement avec les solutions Compte Nickel ou Orange Cash ou Lydia. Citons aussi le nec-plus-ultra en matière de sécurisation des transactions de m-paiement avec Antelop, une société française. Toutes ces solutions, à part la dernière qui dispose du plus haut niveau de certification, présentent des faiblesses de sécurité mais ce n'est pas le seul différenciateur sur ce marché très concurrentiel.

Ces solutions seront naturellement utilisées pour rebondir quand le système bancaire traditionnel flanchera. Si les distributeurs automatiques de billets sont débranchés, les TPE inactifs, sortez votre mobile !

[...]
[Ajout le 21/01:
A ma connaissance personne n'avait évoqué à ce jour cette possibilité de se reporter massivement sur les paiements par smartphone, ces derniers étant très largement diffusés aujourd'hui (cf nombre de ventes en France en 2015 ; livraisons mondiales de smartphones de 2010 à 2015) quand tout le système bancaire s'éteint tout à coup (bank holiday).

Cette ouverture donne de toutes nouvelles perspectives là où il n'y avait qu'une impasse paralysante et des leviers de négociation aux groupes de pression face aux banques occidentales, dès aujourd'hui, pour peu qu'ils se saisissent de cette idée afin de les marginaliser. Il n'y a plus de too-big-to-fail (TBTF) qui tienne, plus de logique de statu quo qui s'impose.]




[1] Source : The Telegraph, 11/01/2016
[2] Source : The Telegraph, 25/06/2015
[3] Source : Business Insider, 06/01/2016
[4] Source : Global Research, 31/12/2015
[5] Source : The Guardian, 12/01/2016
[6] Source : The Telegraph, 11/01/2016
[7] Source : Conscience Sociale, 19/11/2012
[8] Source : Bloomberg, 14/01/2016
[9] Source : ZeroHedge, 28/12/2016
[10] Source : Bloomberg, 31/12/2015
[11] Source : Les Echos, 04/01/2016
[12] Source : Visual Capitalist, 17/12/2015
[13] Source : BIS
[14] Source : The Telegraph, 31/12/2015
[15] Source : Emerging Markets, 101/10/2015
[16] Source : Conscience Sociale, 19/09/2014
[17] Source : Fintech Asia, 19/11/2015
[18] Source : TechCrunch, 10/11/2015
[19] Source : ZDNET, 03/12/2015

2015/12/15

Le Réveil de la Force

"Je vais finir ce que tu as commencé...
et revenir du côté obscur!"

Ce titre, bien qu'il rappelle l'actualité de la Guerre des Etoiles, signifie essentiellement le réveil de l'esprit de souveraineté et en conséquence l'émergence progressive de la puissance continentale eurasiatique, de Lisbonne au Kamchatska et d'Oslo à Singapour.

Le cœur de cette puissance réside désormais dans le triangle Russie-Inde-Chine. Il bat concrètement dans de multiples institutions (Union Economique Eurasiatique, BRICS, SCO, ASEAN/APT, AIIB, NDB, CSTO...) qui ont inventé la dé-dollarisation du système financier international et dans de multiples accords de libre échange qui s'y sont développés depuis la fin des années 90, structurant la politique de voisinage de ces géants. Il est intéressant de noter que la création de la Commission Eurasiatique s'est inspirée de la Commission Européenne mais en prenant en compte les expériences tant positives que négatives de l'UE d'après les mots de Medvedev. C'est ainsi que la Commission Eurasiatique est présidée par un Conseil, composé des vice-Premiers ministres de chaque pays membre, ou que le nombre d'officiels est proportionnel à la population de chaque pays membre.

Cet esprit souverain se dilate naturellement dans toutes les directions, obéissant à des invariants géographiques (ce que l'on appelle en géopolitique « la permanence de la carte ») :
  • vers l'Asie du sud-Est, où cette influence se déploie dans les accords commerciaux et les nouvelles positions stratégiques en mer de Chine. On peut associer cet élan à la poussée vers l'Arctique par la Russie et vers l'Antarctique par la Chine ;
  • de l'Asie Centrale vers le Moyen-Orient, où elle s'appuie fortement sur l'Iran -représentant de l'esprit souverain depuis la Révolution de 1979 face aux forces dissolvantes de la mondialisation promulguée par les néo-conservateurs- pour défendre fermement la Syrie ; 
  • vers l'Europe de l'Ouest, où cette poussée de souverainisme entraîne l'obsolescence rapide des institutions du bloc occidental; 
  • et vers l'extrême Occident, où elle s'appuie sur Cuba -représentant de l'esprit souverain depuis la Révolution de 1953- et sur la culture Bolívarienne en Amérique du Sud.
À titre d'exemple, la crise depuis 2008 démontre que les institutions de l'Union Européenne sont incapables de réforme et de remise en question, et les peuples européens en condamnent désormais massivement la logique castratrice. Citons également les accords commerciaux comme le TTIP qui est vécu par les Européens comme une camisole de force et une trahison, ou encore l'OTAN qui comme anticipé se révèle désormais totalement paralysée en interne, comme le prouve l'absence de tout soutien effectif de « l'alliée » Turquie par les pays membres de l'OTAN après le traquenard du SU-24 qui a été abattu.

L'émergence de Corbyn est également un signe de cette émergence du souverainisme, du rejet des fondements de la politique présente en Europe depuis 70 ans. Dernier exemple et non des moindres, celui de la poussée historique du Front National aux élections régionales en France, qui dès les résultats au soir du dimanche 13/12/2015 a fait se cristalliser toute la campagne présidentielle de 2017, en polarisant le « camp des patriotes » contre « celui des mondialistes qui veulent dissoudre le sentiment national ». 

Il ne reste aux technocrates qu'à instaurer des coupes-feux (loi Urvoas en France, état d'urgence, menaces de guerre civile par le Premier Ministre…) pour diminuer encore les règles démocratiques, et gagner un peu de temps. Cela ne changera pas la trajectoire implacable de l'Histoire, qui fait que l'obsolescence éclatante des institutions les condamnent au placard et à l'oubli. Comme Camus l'a proclamé: seuls les esprits indépendants forment l'Histoire.

La crise systémique globale dont la phase aiguë a duré de 2007 à 2015 a dépassé son point haut et vient d'atteindre un nouveau stade, celui de la recomposition, dans un contexte géopolitique mondial où les BRICS jouent et gagnent.

C'est dans cette libération des nouvelles forces politiques en Europe, enfin affranchis de la tutelle américaine, que sont présents plusieurs scénarios de recomposition dans les années à venir.
  • soit les peuples européens gagnent une indépendance exacerbée et restent divisés : ils se condamnent alors à n'être que de simples satellites lointains des géants asiatiques, sans influence extérieure ; 
  • soit la force issue de leur nouvelle indépendance alliée à une compréhension les conduit à adhérer à l'Union Eurasiatique, garante de la stabilité sur le continent ; 
  • soit cette indépendance acquise ne sera qu'une mascarade de plus, dans laquelle le maître derrière le rideau sera encore la City -mais cette fois sans l'alliance avec Wall Street- et où la plupart des dirigeants partageront la même chemise brune, pour afficher des velléités de plus en plus agressives vis à vis de l'Union Eurasiatique, rebouclant en pure perte sur la tragédie du XXème siècle.
Nous nous attacherons au fil des mois à déchiffrer et anticiper les tendances en Europe qui vont nous orienter vers l'un ou l'autre de ces scénarios. La direction est claire, le point de chute encore incertain.



2015/12/06

Airstrikes in Syria and Iraq

Looking closely at the official figures of airstrikes in Syria or Iraq, we can say that by December 16, 2015 Russia military forces will have conducted more airstrikes in Syria since 09/30/2015 than the whole international coalition led by U.S. (including Australia, Belgium, Denmark, The Netherlands, UK, Bahrain, Canada, France, Jordan, Saudi Arabia, Turkey and UAE) will have conducted in Syria and Iraq since 09/22/2014 - starting more than a year before Russia.

US-led coalition military forces conducted less than 7 airstrikes per day in Syria since 09/22/2014, on average.

Russia is conducting on average more than 111 airstrikes per day in Syria. From 09/30/2015 to 12/4/2015 Russian military forces have conducted 3,561 sorties and destroyed 7,334 targets.

From 09/30/2015 to 12/25/2015 Russian aviation has conducted 5,240 sorties in Syria, including 145 sorties by long-range aviation. More than 10,610 targets were destroyed.

Sources of data: wikipedia, defense.gov.
For a summary of figures and references, read :
http://sputniknews.com/infographics/20151130/1030993895/russia-syria-operation-interactive.html 

Updated 2/5/2016 :
- US-led coalition is reporting the number of damaged or destroyed targets in addition to the number of strikes. When available, we compare numbers of destroyed targets.
- As of Feb. 3, the U.S. and coalition have conducted a total -since 09/22/2014- of 10,113 strikes (6,763 Iraq / 3,350 Syria).
  • U.S. has conducted 7,753 strikes in Iraq and Syria (4,611 Iraq / 3,142 Syria)
  • Rest of coalition has conducted 2,360 strikes in Iraq and Syria (2,152 Iraq / 208 Syria)
- Report on January 15: Since September 30, the Russian Aerospace Forces in Syria have made 5,662 sorties, including 145 sorties made by strategic missile and long-range bomber aviation. The Russian military have also carried out 97 launches of sea-based and air-based missiles.
On January 15-18 Russia’s warplanes have made 157 sorties destroying 579 terrorist targets.
On January 25-31 Russian aviation made almost 470 sorties and attacked more than 1,350 targets.
On February 1-4 Russia’s Aerospace Defense Forces made 237 sorties and attacked 875 targets of terrorist organizations.

Jour d'élections en France


Le soldat est persuadé qu’un certain délai indéfiniment prolongeable lui sera accordé avant qu’il soit tué, le voleur — comme le traître, le corrompu, l'assassin — avant qu’il soit pris, les hommes d'État avant qu'ils soient rattrapés par l'histoire, les hommes en général avant qu’ils aient à mourir.
C’est là l’amulette qui préserve les individus — et parfois les peuples — non du danger mais de la peur du danger, en réalité de la croyance au danger, ce qui dans certains cas permet de le braver sans qu’il soit besoin d’être brave. 
Dans tous les autres cas c'est là la marque de la folie qui perd les individus — et parfois les peuples — et qui justifie de répéter cette parole célèbre que Sophocles a mis dans la bouche du peuple voici 2500 ans :

 – Celui qu’un dieu pousse à sa perte prend souvent le mal pour le bien, et il n’est garanti de la ruine que pour très peu de temps.


~ Librement inspiré de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, 1919, tome 4, Pp. 14.

2015/11/22

Contre l'Etat Islamique. Contre l'Etat Profond. La Russie et la France en fer de lance.

Il a fallu les plus terribles attentats au cœur de Paris depuis la Libération pour que la plus grande part des Français se secouent enfin de leur torpeur et demandent en colère qu'il soit mis un terme à l'existence du groupe État Islamique [1]. Les politiciens s'en sont immédiatement rendus compte puisque la campagne des régionales est gelée [2] tant que la cérémonie aux Invalides n'aura pas eu lieu [3].

Il faut reconnaître que l'évolution politique de Hollande a lentement distendu les attaches atlantistes profondément nouées par l'administration Sarkozy. Alors que le gouvernail atlantiste de la France [4] a été prépondérant jusqu'à la fin 2014, un courant opposé que l'on peut appeler "la politique de l'Est" s'est amorcé très discrètement depuis 2013. En effet on peut recenser :
  • l'intervention contre les groupes armés islamistes au Mali de la France début 2013 avec le soutien de la Russie [5] -laquelle vient d'être d'ailleurs tout récemment frappée sur ce sol avec la Chine [6] ; 
  • le rôle en coulisses de la France dans la résolution du conflit en Ukraine, dans le format "Normandie", qui tranche avec la posture de la Pologne par exemple ;
  • la longue négociation très diplomatique avec la Russie sur la vente des Mistrals qui ont été cédées à l'Égypte, un pays récemment retourné vers son alliance traditionnelle avec la Russie ;
  • la participation de la France à la signature de l'accord sur le nucléaire iranien, en rupture avec sa position quelques mois plus tôt concernant les frappes contre Assad [7] ;
Si la politique étrangère idéale à laquelle nous appelions [8] n'a pas été choisie, les derniers attentats ont démontré que ce n'était pas pour protéger les Français.

Néanmoins, il est indubitable que les attentats de janvier et de novembre -ce dernier avec 3 kamikazes qui terminent leur trajectoire mortelle à moins de 200 m de Hollande au Stade de France- ont un effet d'accélération qui aide la France à recomposer rapidement ses alliances [13, 13b]. On notera par exemple l'activation de l'article 42.7 du traité de Lisbonne [14] à la place de l'article 5 du traité de l'OTAN qui aurait placé la riposte française sous le contrôle de fait des États-Unis, et avec une coordination inévitable avec la Turquie. Par ce geste, même si certains pourraient le juger modeste, la France a rendu concrète l'Europe de la Défense pour la toute première fois de l'histoire de ce continent. C'est le nouveau départ de l'esprit de souveraineté européenne avec la France en fer de lance qui rejoint la Russie [15]. 

La réalité historique [9, 10] renvoie au néant l'illusion grotesque au cœur de toute la politique visible de l'État Profond une fois ce dernier parvenu au pouvoir [11], illusion que décrivait Suskind dès 2004 : 
[Karl Rowe] said that guys like me were "in what we call the reality-based community," which he defined as people who "believe that solutions emerge from your judicious study of discernible reality." I nodded and murmured something about enlightenment principles and empiricism. He cut me off. "That's not the way the world really works anymore," he continued. "We're an empire now, and when we act, we create our own reality. And while you're studying that reality -- judiciously, as you will -- we'll act again, creating other new realities, which you can study too, and that's how things will sort out. We're history's actors . . . and you, all of you, will be left to just study what we do." [12]
Avez-vous remarqué combien nombre de commentateurs de l'instant ont déjà du mal à se rappeler que le groupe État Islamique était il y a si peu appelé Al-Qaïda en Iraq ? Ont-ils oublié que la nébuleuse Al-Qaïda était une création toujours entretenue par la CIA [16]? Que la CIA a développé AQI [16b] pour mener une guerre proxy afin d'anéantir l'état Syrien [17, 18] ? Que la CIA est le bras armé originel de l'État Profond américain et l'un des deux vecteurs -avec la haute finance [19]- de sa transformation en État transnational invisible ? Le développement du concept d'État Profond en sciences politiques est tel qu'il rend obsolète, ou à tout le moins incomplète, toute analyse politique ou de relations internationales qui en ferait fi.

La définition la plus limpide de l'État Profond américain a été donnée par Daniel Inouye qui a présidé un comité spécial (Senate Select Committee on Secret Military Assistance to Iran and the Nicaraguan Opposition) de 1987 à 1989 dans le cadre de l'enquête parlementaire sur l'affaire Iran-Contra des années 1980. Lors des débats, Inouye a déclaré en 1987, en parlant des opérations qui avaient été révélées :
"[There exists in this country] a shadowy Government with its own Air Force, its own Navy, its own fundraising mechanism, and the ability to pursue its own ideas of the national interest, free from all checks and balances, and free from the law itself." [22b]
On comprend que l'État Profond américain a fait tâche d'huile (oil) en assurant l'essor du groupe État Islamique de Syrie et d'Irak.

Ce que veulent dire tous les politiciens qui attaquent l'État Islamique, c'est qu'ils attaquent l'État Profond américain et ses ramifications internationales. C'est de manière immédiate une offensive pour détruire la logistique et le matériel létal -la guerre contre l'État Islamique- mais ce sont les circuits collectant et recyclant les milliards du budget de ce dernier qui sont également visés partout dans le monde [20, 21, 22]. 

Se dresser contre l'État Islamique, c'est se dresser contre toutes les ramifications des l'État Profond américain. La Russie et la France sont désormais engagés en fer de lance, promesse d'une nouvelle alliance continentale [23]. 
L'affaiblissement ainsi causé à cet ennemi des peuples à l'extérieur des frontières américaines va alors inévitablement se traduire par une libération des forces démocratiques à l'intérieur de ses frontières.[24]