Je ne sais pas si vous avez fait attention, mais on ne parle plus que du
Cloud Computing ces temps-ci dans les équipes informatiques. Il s’agit en simplifié de l’utilisation des infrastructures des géants du web pour les besoins informatiques des entreprises.
La promesse semble plutôt alléchante pour ces dernières : accès immédiat, tarification à l’usage, montée en charge facilitée… j’aurais l’occasion d’y revenir dans d’autres billets, mais pour celui-ci je voudrais parler de la guerre des Plates-Formes qui se joue en coulisses.
Qu’est-ce qu’une Plate-forme tout d’abord ? C’est le Graal de tout éditeur. C’est la création d’un écosystème intégrant étroitement matériel et logiciel et qui pourra faire naître d’autres innovations tierces, d’autres solutions qui lui seront intimement liées, et dont le succès de l’un profitera à l’autre. Parmi les plates-formes d’audience mondiale, on peut citer bien sur Windows (win32, .Net), MacOS, Java, Eclipse, mais aussi iSeries, zSeries, xBox, et les consoles de Nintendo. Je n'inclue pas Linux qui n'appartient pas spécifiquement à un éditeur unique et qui ne constitue donc pas un avantage concurentiel pour un lui. La tactique avec l'utilisation de Linux réside plus dans l'abaissement de l'investissement nécessaire pour créer la partie logicielle de l'écosystème, bien plus qu'une différenciation.
Et désormais on voit surgir de nouvelles plates-formes, de nouveaux écosystèmes conçus pour une utilisation massive simultanée (the web as a platform) : Amazon Web Services, Google App Engine, Microsoft RedDog, Facebook Platform, Salesforce Force.com sont les plus connus, bien qu’ils soient loin d’être tous d’un positionnement équivalent, on y reviendra. C’est aussi l’ambition de Symbian et d’Androïd.
La valeur première d’un écosystème, c’est de créer de l’innovation, et de permettre à son éditeur de s’en saisir pour créer de la valeur. La raison d’être de la mjorité de Start-Ups est de se faire racheter par l’éditeur de la plate-forme qu’elles ont choisi comme tremplin. Ces solutions vont alors compléter l’offre de l’éditeur de rang 1, qui les font grandir en cohérence avec ses autres actifs logiciels, en assurant une diffusion commerciale à une nouvelle échelle.
C’est ce qui est en train de se passer pour Animoto, une start-up qui a basé sa solution sur les services web d’Amazon. Comme les services proposés par Amazon elle-même. Ce qui fait que lorsque Animoto sera rachetée, Amazon n’aura quasiment aucun délai pour redéployer cette solution en cohérence complète avec son catalogue existant. Un time-to-market parfait.
On peut de là penser qu’accélérer ce time-to-market est aussi un des objectifs de Google App Engine (GAE). On a vu par exemple que le rachat de Blogger s’était soldé par une année environ sans que cette solution soit hébergée sur la même plate-forme, et puisse bénéficier de l’intégration avec les autres actifs de Google. Si Blogger avait été développé directement avec GAE, ce délai aurait été très fortement réduit, et le succès de Wordpress ou SixApart sans doute amoindri.
C’est aussi pour cela que l’ouverture de GAE à un autre langage que Python, demandée à grands cris par les développeurs Java par exemple, prend du temps. Il faut que Google prenne ses dispositions afin de s’assurer de pouvoir potentiellement immédiatement maintenir les applications dans tous les langages qui seront supportés par GAE, dans le cas où ils racheteraient le futur Facebook qui serait développé sur GAE. Au vu de l’infrastructure massivement distribuée de Google, ce n’est surement pas une question triviale.
C’est donc bien une guerre de séduction des développeurs qui s’opère pour ces éditeurs. Au plus une plate-forme en capture, au plus elle accroît ses chances de faire naître en son sein un rejeton porteur de relai de croissance, au détriment de ses concurents. Et qui sera immédiatement digéré lors de l’acquisition, laquelle sera rendue bien plus difficile pour les éditeurs concurents. Les victoires de demain se préparent aujourd’hui.
C’est à cette chronique que nous allons nous intéresser au fil de nos billets, ainsi qu’à ses conséquences et liens sociaux. Comme la crise actuelle risque de brouiller les cartes de l'adoption de ces solutions, nous aurons également un oeil vigilant sur ses évolutions.