2017/12/15

Sophisme ou paradoxe du menteur ?


(image JP Petit, in Logotron)


L’expression la plus concise et la plus répandue du paradoxe du menteur est « je mens ». Ce dernier est connu depuis au moins le VIIe siècle avant J.-C. La difficulté consiste à déterminer si la phrase « je mens » est vraie ou fausse.
Le raisonnement courant est le suivant : 
  • Si « je mens » est vrai, alors je mens quand je dis « je mens », puisque je mens. Donc la vérité consiste à affirmer la proposition contradictoire : « je ne mens pas ». Donc la phrase « je mens », est fausse. Paradoxe.
  • De plus, si « je mens » est faux, alors je mens en disant « je mens », puisque cette phrase est fausse. Si je mens, alors il est vrai d’affirmer « je mens ». Paradoxe.

La première conséquence de ce paradoxe a été que les logiciens ont choisi depuis Aristote de refuser de prendre en compte dans leur système logique toutes les propositions auto-référentes, c’est-à-dire celles qui expriment une vérité à propos d’elles-mêmes.

On a admis que l’ambiguïté venait initialement du fait qu’il existait un seul terme en grec ancien pour exprimer « faux » et « mensonge ».

Pour autant, la logique formelle peut nous aider à démontrer qu’il n’y a pas dans ce cas de paradoxe logique. Il n’y a qu’un sophisme.

Reformulons l’expression du paradoxe pour la rendre sujette à moins d’interprétations : « la valeur de vérité de la présente phrase est FAUX ». Appelons q cette proposition.
Appelons p la proposition : « la présente phrase [existe] ».

La proposition q signifie que la valeur de vérité de la proposition p est FAUX, c’est-à-dire qu’elle exprime le fait que (p ↔ FAUX). Par définition, la proposition p est appelée une contradiction.

Par définition de q, nous pouvons écrire comme formule : q ↔ (p ↔ FAUX).

Quelle est la valeur de vérité de q ? Pour cela, raisonnons à partir de l’équivalence :
1. (p ↔ FAUX) 
2. (p ∧ FAUX) ∨ (¬FAUX ∧ ¬p)
3. FAUX ∨ ¬p
4. ¬p
Or (p ↔ FAUX), donc ¬p ↔ VRAI , pour tous p.
Donc la valeur de vérité de q est VRAI : il est vrai d’affirmer que p est une contradiction. 
En logique formelle, il n’y a pas ici de paradoxe.

Remarquons que la formule (p ↔ FAUX) , qui définit q, est équivalente à (¬p ↔ VRAI).
On peut donc écrire que la négation de « la présente phrase » est VRAI. La signification sémantique de cette négation n’est pas évidente à exprimer. On peut proposer pour ¬p, parmi d’autres expressions candidates : « la phrase que tu n’es pas en train de lire ».

Il est plus facile de rechercher la valeur de vérité portée par ¬q, c’est-à-dire par la formule :
1.  ¬(p ↔ FAUX) 
2.  ¬((p ∧ FAUX) ∨ (¬FAUX ∧ ¬p))
3.  ¬(FAUX ∨ (¬p))
4.   VRAI ∧ p
5.   p
Or (p ↔ FAUX), donc ¬q est FAUX. C’est cohérent avec q est VRAI.
Par définition, ¬q est donc une contradiction : la négation de l’affirmation que p est une contradiction, est une contradiction. Il est contradictoire de nier que p est une contradiction. 

(Note : nous avons utilisé ici les notations les plus courantes de la logique bivalente booléenne ; la démonstration et le résultat sont identiques en logique tétravalente.) 


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