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2014/01/11

Le retour de l’or, MINTenant

Les pays BRICS sont une illustration très concrète et actuelle que l’économie n’est en réalité qu’une facette ou un masque artificiellement apposé sur la politique. Les discours qui les portent sont pourtant construits à l’opposé. Résumons les approches et voyons comment et pourquoi l'acronyme des pays MINT (Mexique – Indonésie – Nigéria – Turquie) tente d’émerger aujourd’hui, en opposition aux BRICS.

Un économiste regarde dans le rétroviseur (c’est-à-dire dans le passé) les résultats quantifiables « d’acteurs économiques » ainsi réduits à une quantification sommaire, établit ce qu’il juge être une image chiffrée représentative de quelques aspects saillants, et utilise des éléments d’une doxa pour produire ses conclusions sur le bilan de l’instant. Si il ose ensuite parler du futur, c’est pour mettre en avant des politiques économiques qu’il faudrait selon lui déployer en conséquence de ce bilan, et des principes issus de sa doxa.
[...]

Je vous recommande de lire la suite de cet article sur le site Euro-BRICS.

2013/10/23

L'implosion du marché COMEX et la désaméricanisation du monde

Visuel: Jim Kazanjian
A sequel to this article has been published 12/03/2014: 'Why and how negative GOFO really matters'. A few hours later, LBMA announced its GOFO rates will stop 01/30/2015. As we wrote before, the world gold market is decoupling: the western part is fading quickly, but the eastern part is growing at the same speed. The next victim will be COMEX gold futures. We can anticipate again a new international gold futures market will be launched in Shanghaï (SHFE). 
And remember the gold market is the unspoken foundation of International Monetary System.
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Dernière mise à jour: 01/31/2015.

Le marché des contrats à terme pour l'or (nous utiliserons la dénomination anglaise courante : "futures") du COMEX subit des variations extrêmement importantes, des amplitudes historiques, avec des influences sur le prix intraday de l'or physique à  l'avenant. Alors que ces évènements étaient déjà répertoriés au moins depuis 1999 (voir GOLD WARS par Kelly Mitchell), depuis avril 2013, leur fréquence s'accélère fortement.

La vision la plus synthétique est celle donnée par l'historique des quantités d'or physique stockées spécifiquement pour soutenir ce marché :

En haut: prix de l'or (fin du jour) ; en bas : quantité totale d'or stockée (enregistré + éligible); historique du 31/12/1974 au 18/10/2013; Source: sharelynx.com

Beaucoup s'interrogent sur la possible disparition prochaine de ce marché, et sur ses conséquences. Répondre à cette question nécessite de couvrir plusieurs sujets :
- la formation du prix de l'or (et ce qu'on appelle techniquement la "base" de l'or)
- le mécanisme du leasing de l'or
- les contrats "futures" et les "gold forward" (GOFO)
- les manipulations sur le cours de l'or, et d'autres
- les flux et les stocks d'or physique
- les tendances de fond de la géopolitique mondiale actuelle

Cet article se propose de les parcourir un à un, en restant synthétique, et si possible pédagogique.
Commençons par quelques explications sur la formation du prix de l'or et ce qu'on appelle techniquement la "base" de l'or.

Sur tout marché mature, co-existent plusieurs prix :
A: le prix auquel on veut vendre pour livraison immédiate
B: le prix auquel on veut acheter pour livraison immédiate
C: le prix auquel on veut vendre pour livraison future
D: le prix auquel on veut acheter pour livraison future

C’est la même chose pour l’or ou pour un kilo de tomates que vous achetez le dimanche sur le marché : dans ce cas vous avez le plus souvent une livraison immédiate. Mais vous pouvez acheter chez votre commerçant préféré 40 kg de tomates pour livraison la semaine prochaine, afin que vous puissiez cuisiner votre coulis. Le prix ne sera pas forcément celui affiché sur sa pancarte du jour.

Il est complètement erroné d’imaginer que le « prix du marché » c’est quand la transaction se fait au prix pour lequel A=B. Ce prix n’existe pas, il y a toujours au moins une petite différence entre les deux. Au mieux ce "prix virtuel du marché" est une moyenne arithmétique qui ne correspond à aucune transaction réelle. A B C D sont les seuls prix exacts. Tous les autres ne sont que des approximations. Construire des raisonnements sur des approximations donne des résultats… approximatifs sinon faux.

Ces prix évoluent sans cesse (par exemple au marché à la criée).
La différence entre un prix de vente et un prix d’achat est notable quand il existe un intermédiaire qui favorise la transaction (une agence immobilière par exemple).

Le prix pour livraison immédiate est appelé prix « spot ». Notez qu’il y en a bien deux, bien que par habitude on ne s’intéresse qu’au prix spot pour acheter.
Il est important de comprendre que ce prix ne tombe pas du ciel. Un niveau de prix spot se forme toujours par anticipation d’une situation future. Il existe des raisons très profondes (hors du champ économique) qui expliquent cela. C’est pourquoi un marché mature se structure autour d’un marché des contrats à terme (contrats « futures » en anglais), c’est-à-dire des prix C et D.

La différence C - B est appelée la "Base" en terme technique dans l’analyse des marchés.

La valeur absolue de cette Base est en résumé un reflet statistique de l’arbitrage qui est fait entre conserver le bien et le vendre.
Pour le marché de l’or physique, cette valeur est le reflet statistique pour tous les acteurs du marché sur le niveau de risque qu’ils perçoivent à échanger leur or contre du papier (ou une écriture informatique).

Contrairement à ce que les banques ont essayé de faire croire à l’humanité entière depuis un siècle, l’or n’est pas une matière comme les autres, et ne le sera jamais. Cela tient à sa nature physico-chimique même, et à sa quantité exploitable sur la Terre. Et c’est pour cette raison qu’il a été sélectionné par l’homme au cours des millénaires pour être le meilleur véhicule de la monnaie. C’est un phénomène proprement indépassable sur notre planète.

Le premier à avoir attiré l’attention des banquiers et banquiers centraux sur l'utilisation de la Base de l’or est le Pr FEKETE, fondateur de la Nouvelle Ecole Autrichienne d'Economie. « Curieusement » ce n’est pas un économiste au départ, c’est un mathématicien.

Le fait troublant, et que n’explique strictement aucun économiste à part ceux de la Nouvelle Ecole Autrichienne, est que la valeur de cette Base de l’or diminue régulièrement depuis la création du marché des futures de l’or après le défaut des USA en 1971.

Cela représente l’érosion de la confiance dans le système monétaire en place. En effet la valeur de cette Base est utilisée dans l’arbitrage du leasing de l'or. Ce leasing a été mis en place justement pour contrôler le prix de l’or. C’est l’érosion de ce contrôle que nous pouvons suivre par l’intermédiaire de la Base de l’or.

Oui, mais encore faut-il pouvoir le faire, c’est-à-dire avoir accès aux prix A B C D (bid et ask). Curieusement, c’est jusqu’à ce jour impossible sans payer un abonnement à un flux de trading. Nous sommes gavés de soi-disant informations sur les prix qui ne sont pas les informations sur les prix exacts. Comment alors permettre aux gens de comprendre ce qu'il se passe vraiment ?

Vous trouverez sur cette page la liste patiemment constituée des seules sources d’informations gratuites qui vous donnent des prix bid et ask pour l’or, mais pas en temps réel ou bien sans historique, en particulier pour les prix des contrats « futures ».
Il faut donc chercher un substitut à ces contrats « futures ». Nous avons choisi les taux des contrats "gold forward" (GOFO). Ils présentent un certain nombre de défauts par rapport aux contrats "futures", qui vont entraîner des approximations dans les résultats de nos analyses. C’est un filtre flou si vous voulez. Mais supposons que je n’ai pas mieux pour l’instant et que je n’aime pas rester les yeux fermés.

Il faut savoir de plus, et c’est manifeste aux yeux de tous depuis avril, que le cours de l’or n’est pas seulement contrôlé, il est tenu en laisse. Dès qu’il s’éloigne trop, il est rattrapé. Ces manipulations du marché le plus important au monde (c’est la base de tout le système) sont légales (au moins dans certaines juridictions). Il existe en effet une loi votée aux US (Gold Exchange Act, 1934) qui autorise le fond ESF du Trésor US à intervenir sur tous les marchés, par l’intermédiaire des bullions banks ou des primary dealers de la FED par exemple, pour effectuer ces transactions. La CFTC (le régulateur du marché des produits financiers dérivés) ne peut les poursuivre pour que ces actes soient condamnés, même dans le cas où ces manipulations sont rigoureusement établies.

Les mêmes institutions ont également trouvé depuis quelques années des moyens pour biaiser un peu la mesure de la Base de l’or, y compris les prix des "futures" et taux GOFO.
Mais l’affaire ne se termine pas là. C’est même une défaite écrasante pour ceux qui pensaient s'être placés hors d'atteinte.

D’une part parce que nous savons discerner les grandes masses dans le brouillard entretenu, et qu’en ce moment seules les grandes masses comptent ; d’autre part parce que ce contrôle a un défaut mortel : un prix artificiellement bas est un attrait irrésistible pour l’achat par les autres joueurs. Regardez sur cette page l'évolution des stocks d'or physique acquis par les BRICS depuis 2009.

Modification personnelle du dessin original 

Tous les analystes critiques du marché de l'or imaginent que c'est le Yuan basé sur des réserves d'or qui va rapidement remplacer le dollar comme devise de référence internationale, notamment suite aux dernières annonces de l'agence de presse officielle, et des derniers accords swaps avec l'ECB et la BoE. Je pense que c'est faire fi de la stratégie chinoise qui est depuis le début de cette crise de ne pas faire cavalier seul, ni d'être victime d'une projection d'une ambition mondiale dominatrice caractéristique de l'Occident.

En réalité, aujourd'hui plus que jamais, la stratégie internationale de la Chine passe par les BRICS. Par construction, les BRICS déterminent un monde multipolaire, et nous avons donc un système international multipolaire qui se construit en ce moment sous nos yeux. Le système monétaire international passera par une phase de transition qui utilisera simplement les multiples accords de swaps entre banques centrales pour soutenir le commerce international. Ce système international peut fonctionner dès à présent. C'est la signature avec l'ECB qui a libéré la dernière résistance technique. Cela signifie que sur le papier, le système international basé sur le dollar est désormais en état d'obsolescence et de décommissionnement programmés. Son retrait n'est plus un problème critique pour la communauté internationale, puisqu'un remplaçant est prêt à prendre le relai. C'est ce qui explique l'annonce de la  dé-américanisation du monde, reprise en coeur.

Le Système jusqu'ici dominant n’aura eu que le choix de sa mort : soit par une poussée de fièvre et emballement, soit par une saignée continue qui entraîne un sursis plus long. La grosse différence c'est que dans le deuxième cas ce ne sont pas les habituels décideurs US qui pourront décider quand l'hémorragie s'arrête. Ils se sont privés de cette dernière liberté, malgré la capacité technique de la FED à soutenir artificiellement tous les cours des Bourses aux US. Les bourses sont des marchés secondaires, ce n'est pas là que s'est déroulée la vraie bataille. 

Un moyen simple de continuer à avancer dans notre étude est d’étudier la convergence d’une série de données « majorante » : au lieu des prix des contrats "futures" à 1 mois, prenons les taux GOFO à 12 mois. Nous observons qu’ils sont par nature bien moins sujets aux fluctuations erratiques. Nous observons aussi une tendance résolue depuis deux ans à l’intérieur d’un canal baissier, malgré toutes les secousses historiques qu’a connu le marché intraday depuis avril. Si vous connaissez le tunnel de Friggit, vous pouvez l’appeler le « canal de Paul ». 

Valeurs des taux GOFO du 01/2010 au 23/10/2013 
(graphique publié dans la première mise en ligne de cet article le 23/10)

Ce graphique est mis à jour ci-dessous au moins une fois par mois. Les notes de mises à jour sont au bas de l'article.
Le canal baissier (en pointillé bleu rectiligne) croise l’axe des abscisses à l'ordonnée zéro approximativement en juin 2014. Le second support de résistance est représenté par le canal en orangé matérialisé sur les graphes ci-dessous. 

Rappelons que cette série des taux GOFO à 12 mois joue le rôle d’un majorant dans notre analyse et que l'historique de ses valeurs montre que ces taux GOFO 12M peuvent désormais à n'importe quel moment baisser suffisamment pour devenir négatifs (ce seuil est représenté au taux 0,15667).

Valeurs des taux GOFO jusqu'au 31/12/2013; 

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 3/2/2014  

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 21/2/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 10/3/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 1/4/2014. 

[La récupération et le leasing de l'or ukrainien par les US -- voir les références 1.1, 1.22.1, 2.2, 2.33.1, 3.24, 5, 678 -- pour soulager temporairement la tension sur les retraits de l'or physique est très visible sur le décalage des supports de résistance.] 

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 10/4/2014 

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 17/4/2014 

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 25/4/2014 

Comme nous l'avions anticipé la reprise des taux GOFO 12M n'aura duré qu'un mois. Leur niveau est revenu exactement sur le seuil de résistance du canal baissier (matérialisé par une ligne orangée) que nous avions identifié en octobre dernier.

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 6/5/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 31/5/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 25/6/2014

La reprise des taux GOFO en juin pendant 3 semaines de plus que normalement attendu correspond à l'annonce du leasing de l'or de la banque centrale de l'Equateur. 

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 9/7/2014

Le 09/07 : notons la récente déclaration de la Bundesbank qui souhaite renoncer au rapatriement de son or situé à New York. Virage surprenant si on ne comprend pas l'étendue du problème des stocks d'or réels. 

Baisse en 2014 des importations d'or par la Chine par rapport à 2013; 
source (voir ici pour le graphique mis à jour)

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 25/7/2014

Le 11/07 la Bundesbank confirme sa décision de rapatrier son or des USA. 
Evénement historique le 15/07: l'annonce au 6ème sommet des BRICS ; attaque de Gaza à partir du 16/07; annonce de la démission du premier ministre et du gouvernement ukrainien le 24/07, qui sera refusée en août.

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 29/8/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 19/9/2014

Le 10/09: lire cette analyse des contrats futures par Turd Fergusson.
Evénement historique le 18/9: ouverture du marché international des contrats spot sur l'or en Renminbi à Shanghai. L'ouverture du marché international des contrats à terme sur l'or en Renminbi à Shanghai est prévue en 2015, en liaison avec le SHFE..

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 10/10/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 31/10/2014

Zoom sur les valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 06/11/2014

This is currently the second biggest GOFO 1M crash in history, at the lowest rate since Brown's Bottom and CBGA first announcement 1999/09.
GOFO 12M minus 1M rate is at the highest since 2010. This means a very strong downwards pressure for GOFO 12M.
This combinaison of extremely low GOFO 1M, GOFO 12M and multiyear-record high GOFO 12M-1M is unique since GOFO inception :

daily data : quandl.com

Il faut comparer ces évolutions avec celles des taux des bons du Trésor US et au LIBOR :

Bleu: 10Y UST; Vert: 1Y; gris: 10Y-1Y; source: Treasury.gov

Ratio des taux GOFO/LIBOR à 1 et 6 mois,  du 01/01/1990 jusqu'au 14/11/2014

Cette image haute définition permet de zoomer en bas sur les libellés des événements politiques et monétaires saillants depuis 01/2010 :
Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 19/11/2014


Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 27/11/2014

Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 2/12/2014 (haute rés.)

Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance
jusqu'au 12/12/2014 (haute rés.); Source

Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 16/12/2014

Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 31/12/2014

Valeurs des taux GOFO et seuils de résistance jusqu'au 30/1/2015

2Y moving DGLR; source: sharelynx.com

La date déterminée ci-dessus par le point à l'ordonnée zéro du canal de Paul (ligne jaune et pointillés mauves) correspond explicitement aux hypothèses suivantes:
  • les tendances externes majeures affectant ce marché depuis décembre 2011 ne ralentiront pas jusqu'à la date dite (c'est à dire la baisse des stocks d'or enregistrés, l'importation nette d'or par les BRICS, etc, mentionnées dans cet article); Notre article prend comme entrée les stocks d'or enregistrés du marché COMEX car ils sont publiés de manière beaucoup plus transparente que les stocks utilisés sur le marché OTC du LBM. 
  • les tendances internes majeures de ce marché depuis au minimum décembre 2011 (absence de transparence de la fixation des taux GOFO, positions "net long" hégémoniques par la banque JP Morgan sur le COMEX, baisse brutale ou hausse du cours spot de l'or physique) n'ont que peu d'impacts;
  • l'exactitude des taux GOFO 12M publiés reste similaire à ce qu'elle était depuis fin 2011. Les taux GOFO 12M du marché LBM restent représentatifs des valeurs des contrats futures à 1 an du COMEX, et réciproquement (hypothèse de la synchronisation du marché occidental de l'or)
Si dans les mois à venir la courbe GOFO 12M sortait significativement du canal de Paul représenté en orangé/jaune, alors nous pourrons modifier la construction géométrique du canal pour prendre en compte une série de donnée plus longue (par exemple à partir de fin 2008) pour trouver d'autres supports de résistance, mais seulement après avoir revu en détail la validité de ces hypothèses.

Les valeurs négatives des taux GOFO correspondent (au flou près que nous avons mentionné) à ce qu’on appelle un marché en déport ou « backwardation ». En simplifié cela implique qu’il devient trop risqué de vendre son or et qu’il est préférable de le conserver stocké (dans sa poche) quel que soit le niveau du prix offert par les acheteurs.

Et cela implique aussi, quand ce déport devient permanent, qu’il n’existe alors plus aucun marché qui permette d’utiliser des bons du Trésor US (qui ont servis à la "création" des dollars, cf les flux vers le bloc "Interest rate market" ci-dessous) comme contrepartie pour les échanges contre de l’or physique. Même pour une quantité infinie il n’y a plus d’échange contre de l’or physique. L'intérêt du GOFO 12M est d'être un indicateur candidat pour la permanence de la "backwardation".

Source: LBMA

Ce phénomène sur le marché de l’or aura des conséquences géopolitiques et monétaires immédiates :
  • d’une part le cours mondial de l’or, qui est déjà en train de se disloquer (les primes payées en Asie n’ont rien à voir avec celles en Occident), va brutalement se séparer : il sera possible de continuer à échanger de l’or en Asie, au prix asiatique et pour le panier de devises qui seront acceptées (pas le dollar US) ; L’Europe n’aura aucun autre choix que de suivre les BRICS, comme en témoigne déjà son décrochage hors des bons du Trésor US.
  • d’autre part le prix de la dette US en or devient brusquement indéfini. Ni zéro ni infini puisqu’il n’y a plus de transactions. Il y aura donc des transactions orchestrées, officielles et officiellement artificielles, qui fixeront un « prix de l’or » légal (donc un prix du dollar) valable uniquement aux US. Il y aura donc aussi apparition d'un marché parallèle de l'or aux US, avec un prix nettement différent, très peu organisé donc très proche du troc.
Le marché des devises va en prendre un sacré coup pour les détenteurs étrangers d’US$ et UST qui restent.
Dans un premier temps, le commerce international sera réglé au moyen des lignes de swaps bilatérales progressivement mises en place entre banques centrales depuis 2009.
Pour l'évolution de la situation intérieure aux US, nous en avions déjà discuté ici.

Et ce n’est que le début. Reste à reconstruire dans ces conditions fragiles un système monétaire international résilient. C’est là qu’interviennent à nouveau la géopolitique, la dynamique Euro-BRICS que  les décideurs Européens doivent impérieusement accélérer sous peine de rater le coche de l'Histoire, et les subtilités du système-or de la Nouvelle Ecole Autrichienne. Ce sera l'occasion de prochains articles, puisqu'au final, nous n'assistons pas à une crise du dollar, mais à une crise sous-jacente sur la place de l'or dans le système monétaire, laquelle dure depuis un siècle: 1913.

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Notes:

La première partie de cette série d'articles est disponible ici. L'introduction de notre étude sur la réforme du système monétaire international est ici, et sa bibliographie ici.
Un brouillon de cet article a été publié le 21/10/2013 sur forum-gold.fr
Cet article a été posté sur Conscience Sociale le 23/10/2013 et des ajouts mineurs et corrections de coquilles ont été apportées jusqu'au 26/10. Pour les modifications postérieures voir les notes de mise à jour ci-dessous.

La Nouvelle Ecole Autrichienne d'Economie (New Austrian School of Economics) ne doit pas être confondue avec l'école néo-autrichienne de von Mises. Il y a des points communs bien sur, puisque les deux écoles ont développé la pensée de Carl Menger. Mais il existe aussi des points de divergence. En particulier la Nouvelle Ecole Autrichienne d'Economie ne recommande pas un simple standard "100% or" et propose des solutions complémentaires éprouvées pour résoudre des points bloquants afin de rendre résilient le système-or.

Concernant les stocks de métal du COMEX, il faut prêter attention à l'avertissement ajouté dans les rapports quotidiens du groupe CME à partir de début juin 2013 (voir le lien dans les annexes), et qui précise clairement que les données publiées n'engagent que ceux qui les croient. Turd Ferguson a publié le 24/10/2013 un très bon article à propos de mouvements extrêmement suspects (avec des explications officielles que l'on qualifiera "d'insulte à la raison"). Nous interprétons ces graphiques en conséquence.
Bien sur la valeur connue de ces stocks sont l'élément principal du soutien de la confiance des détenteurs de contrats "futures" arrivant à échéance, quant à leur arbitrage entre le retrait de l'or ou bien la reconduction du contrat. Et donc sur le montant des taux GOFO.

Je précise que je ne suis pas du tout intéressé par la spéculation. Je ne suis pas un marchand de métaux précieux. Je n'élabore aucune recherche à des fins de spéculation. Cependant je considère l'or comme l'élément central de la question la plus urgente à régler : celui de notre système monétaire. L'étude du marché des métaux monétaires peut à certains moments apporter des éléments pertinents pour ceux intéressés par la spéculation, qui pourraient utiliser tout ou partie de ces éléments dans ce simple objectif. Ce qui se joue en ce moment me semble d'une importance bien plus grande.
Je recommande toutefois de posséder un peu d'or métal à des fins d'assurance familiale, c'est à dire sur du très long terme, jamais de certificats-or ou des parts ETF.


Update 10/26/2013 :

After 4 days online, this article has become the second most viewed page in my cumulative log statistics since 2008 (excluding the Research Notes pages, and not counting direct hits to the home page). Here are below the top visiting countries, ranked by Google Analytics using the mean time spent on this article. The traffic came from the US first on a par with France, then Canada, Belgium, Spain, UK, Germany, Switzerland.



Update 10/28/2013 :

Some values  in the GOFO page on LBMA web site have interestingly been modified for the day 07/31/2013 since this article went online, or a little before. July 31 was Comex August gold futures first notice day (see the gold futures calendar).
Previously we could read the following values for GOFO rates :
31-Jul-13 -0.04833 -0.03333 -0.01167  0.06167  0.18
Now we can read :
31-Jul-13 -0.04833 -0.04667 -0.03500 -0.01500 0.02000
If these new data are correct, 07/31 is now the new date where GOFO 12M rate has recorded its all time low (with the exception in 1999 after CBGA-1 was announced).
LIBOR data have been modified accordingly for that day.

Of course, LBMA does not support any commitment about the values displayed on its web site, and about any update which can occur at any position. We have never expected more from a financial services association.
11/01/2013: we have updated the GOFO chart above and taken into account this new 07/31 value to draw the "Paul's channel".


Update 11/26/2013 :

12-Month GOFO (in red color below) has reached today the "first resistance" line of Paul's channel (dashed blue lines). We will see tomorrow if 12M GOFO has crossed its 50-day mobile average curve.

(the chart is updated monthly and is now inserted above in the middle of  this article)


Update 11/27/2013 :


It might be a good excuse to suppress the signal when you can't solve the problem, but never a solution:
"LBMA could charge its member banks more or even disband its Gold Forward Offered Rates (GOFO)"


Update 12/20/2013 :

We have updated the Paul's Channel chart because we found an error in the scale of the date axis: starting after 10/23/2013 the dates included all Saturday, Sunday and holidays, which introduced obviously a wrong shift. We corrected that.


Update 04/01/2014 :

Updated the URL for GOFO official page.
Added the URL for a new article explaining the transition towards a resilient new monetary system:
http://conscience-sociale.blogspot.fr/2014/03/lage-dor-de-notre-ere-est-lage-de-lor.html (FR)


Update 04/17/2014 :

Added the URL for the translation in english of the article explaining the transition towards a resilient new monetary system:
http://conscience-sociale.blogspot.com/2014/04/the-golden-age-of-our-times-is-age-of.html (EN)
Added references for the stolen ukrainian gold.


Update 11/22/2014 :

Si on rajoute en plus les conséquences du scandale du LIBOR, la question qui reste est de savoir si la LBMA va arrêter la publication des taux GOFO de Londres avant ou après le début de la diffusion des taux GOFO par le nouveau marché international de l'or à Shanghaï qui sont annoncés pour 2015 au plus tard.

2013/08/29

Les banquiers centraux et leurs émotions

[MAJ le 30/08]

Le Financial Times vient de publier un article que j'attendais depuis 2007: Central bankers have given up on fixing global finance. Vous avez bien compris: les banquiers centraux réunis à Jackson Hole renoncent à trouver une solution pour améliorer le système monétaire international et sortir de la crise globale: c'est l'abandon au statu quo.

Bien sur, même maintenir ce statu quo leur est impossible. C'est juste un aveu de leur perte totale de contrôle, ce que nous décrivons depuis des années.
Mais commençons tout d'abord notre analyse par la partie facile: ce renoncement est une émotion qui s'inscrit dans le cadre de l'acceptation du changement induit par la crise systémique globale, et son choc depuis 2007. Les banquiers centraux(*) sont passés par les émotions classiquement associées aux étapes de la courbe du changement de Kübler-Ross qu'elle a appliquée à toute forme de perte catastrophique. 

Immédiatement après le choc, l'étape de déni est celle où continue de s'exprimer le sentiment de stabilité: les banquiers centraux sont dans un état stable, ils maitrisent généralement leur travail, possèdent des habitudes, mais surtout une expertise dans ce qu’il fait. On annonce que la crise n'existe pas, ou bien qu'elle ne sera que très passagère.

Puis vient la confusion : le changement se précise, les faillites se font retentissantes (2008). Les banquiers centraux restent droits dans leurs bottes à ce stade, et ne croient pas encore au caractère systémique de la crise. On communique pour essayer de se convaincre soi-même d'un découplage des économies.

Puis vient le rejet : les banquiers centraux essayent systématiquement de défendre l’ancienne façon de faire (QE) et rejette les nouvelles idées (comme rebâtir le système monétaire international sur un panier de devises, ce qui a été proposé dès 2009).

Puis vient l’agressivité : passant par un sentiment d’amertume, et parfois de colère, les banquiers centraux peuvent devenir agressifs et prendre des décisions contraires à l'intérêt des autres. C'est la phase de guerre monétaire (currency war) depuis 2010.

Puis vient la négociation : les banquiers centraux tentent de négocier pour minimiser les impacts sur leur situation actuelle. C'est le travail de réflexion multilatérale sur la refonte du système monétaire international qui connait son point culminant en 2011. On pourra consulter :
Puis vient l'acceptation de l'échec : les banquiers centraux passent par un sentiment de frustration ou de tristesse, puisque la négociation ne donne pas de résultats. Le bilan de la réunion de Jackson Hole cette semaine en est un très bon exemple. 
On doit ici citer le dernier communiqué du FMI du 5 Août sur la modification des droits de vote et des quotas. L'application de toute la réforme de 2010 est désormais suspendue à la seule décision des Etats-Unis. En effet, un minimum de 85% des votes doivent l'entériner. 75% sont déjà réunis, et les U.S. refusent toujours de voter alors qu'ils sont les seuls à disposer d'un vote bloquant (16%). Comme le résume parfaitement Thomas Bernes :
"The failure by the Unites States to deliver on its agreement after almost three years, seriously weakens the credibility of the Unites States to exercise leadership in the future, and leaves the IMF in limbo on its resources and governance reforms."
Cette acceptation de l'échec peut présenter plusieurs facettes: une pour la communication officielle, comme à Jackson Hole, et l'autre pour des dernières actions résiduelles d’agressivité, menées sans y croire vraiment, comme la remontée des taux et le rapatriement de capitaux de tous les pays émergents vers les U.S. et menaceraient de les faire s'écrouler, à en croire certains commentateurs. La belle blague. Non seulement cette pauvre stratégie n'a eu aucun succès contre la seule zone euro, et là il s'agirait de s'attaquer à tous les autres pays à la fois, alors qu'un fonds de réserve commun de 100 milliards de dollar est déjà en préparation entre les BRICS depuis le début de l'année, lesquels avaient justement anticipés cette possibilité? La suite est parfaitement prévisible: cette campagne anti-BRICS fera rapidement long feu et va accélérer encore la dynamique intra-BRICS. Il s'agit donc en ce moment pour l'Europe, et l'Euroland en particulier, de faire comprendre aux BRICS que nous les aiderons à passer ce moment, tout comme ils nous ont aidé à passer la crise de l'euro. C'est aussi comme cela que les partenariats stratégiques prennent corps.

Puis vient pour nos banquiers centraux la phase de test : les plus progressistes essayent tour à tour de nouvelles solutions de façon limitée, ou sans concertation générale. La dislocation amorcée par la phase d'agressivité s'amplifie. Les actions s’égrènent suivant le moment où chaque banque centrale est entrée dans cette phase. C'est ainsi que se développent les accords de swaps bilatéraux, les fonds de réserve de devises comme celui annoncé par les BRICS en mars dernier, le rachat d'or par certaines banques (Russie, Chine...) et son leasing par d'autres (Inde). Ou encore l'annonce par Poutine de vouloir modifier (cette fois-ci considérablement) le mode de calcul des quotas au FMI lors du prochain G20. C'est pour être synchrone avec ce moment que j'ai proposé dernièrement l'Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique. 

Puis viendra ensuite la phase d’acceptation du changement par les banquiers centraux, mais ils en auront encore une perception négative ou de regret de "l'ancien temps". 

Puis viendra enfin la phase d’engagement : les banquiers centraux percevront les avantages du changement, et agiront positivement.


Explorons maintenant la partie plus délicate de notre analyse: celle des chemins politiques alternatifs.

L'empreinte des banquiers centraux dans le champ social n'est pas n'importe laquelle. Depuis un siècle exactement, elle est associée à des mécanismes de plus en plus renforcés de communication, qui ont comme fonction première de synchroniser les émotions du public avec celles des messages qui sont diffusés. C'est là que réside une faiblesse que certains peuvent exploiter à leur avantage. Si le public tombe lui aussi dans cet état de renoncement face aux difficultés de cette crise, on peut alors facilement lui faire avaler de belles couleuvres. 
Relisez l'article du FT et notez la phrase "The choice is this: impose capital controls or let the Fed run your economy." Ce qui veut dire en clair: renoncez à la globalisation financière ou bien concentrez toutes les décisions économiques et monétaires globales dans les mains de la Fed. Cette faiblesse humaine de croire facilement à la concentration des pouvoirs comme solution magique à toute crise, au leadership proclamé et à la simplification évidente du processus de décision comme préalable à toute bonne décision a été exploitée maintes fois dans l'histoire. Hélas, c'est un gouffre qui sépare une bonne décision et une décision pour le bien de tous. A retenir donc: à partir de maintenant et plus que jamais, prêter particulièrement attention aux conséquences politiques possibles de toute expérimentation diligentée dans l'urgence pour répondre à la crise "après avoir tout essayé".

Mais l'article du FT contient une autre perle: "A stable international financial system has eluded the world since the end of the gold standard. The first condition for creating one, however, is the ambition to try."
La toute dernière phrase est particulièrement ambiguë, et je vous propose de la comprendre comme suit: Le monde n'a plus connu un système monétaire international stable depuis la fin du standard or. La première condition pour créer un standard or, cependant, est l'ambition d'essayer.

Dans les prochains articles, je montrerai comment un nouveau standard or associé impérativement à d'autres conditions précises est la meilleure réponse possible à la crise systémique globale. Je m'appuierai pour cela sur les travaux de la Nouvelle Ecole Autrichienne d'Economie (NASOE) et du professeur Fekete en particulier. En effet, puisque les banquiers centraux sont découragés, et les institutions de Brettons Woods en panne, c'est la fenêtre d'opportunité tant attendue pour faire percer cette riche idée: phase de test, d'acceptation et d'engagement :)  Nous tiendrons également compte du caractère multipolaire du monde actuel.



(*) : le terme "banquiers centraux" est simplificateur et désigne ici la somme des influences prépondérantes qui s’exercent pour les décisions structurant le système financier et monétaire international. Il ne recouvre pas nécessairement et pas seulement tous les gouverneurs des banques centrales du monde.

2013/08/20

Vers un nouveau système monétaire international (partie 1)

[A translation in English of Part. 1 is available here: Towards a resilient international monetary system.
La Partie 2 de cette série est disponible ici: L’age d’or de notre ère est l’age de l’or]

La crise de légitimité que traversent les institutions de la gouvernance mondiale mise à place après 1945 est en train d’aboutir à un effondrement pur et simple de l’ancien cadre de coopération internationale. Or rien à ce jour ne semble prêt à le remplacer en dehors d’une myriade de projets d’intégration régionale plus ou moins aboutis. 

Les entités régionales supra-nationales qui se constituent actuellement à marche forcée dans un contexte d’urgence croissante forment bel et bien les briques du monde multipolaire de demain. Ces intégrations sont certes une étape indispensable, mais sans un nouveau cadre de gouvernance « mondiale » capable de réunir harmonieusement ces nouvelles composantes, les conflits d’intérêt ne tarderont pas à les opposer et entraîneront vite le monde dans les logiques qui ont régné en Europe de la fin du XIX° siècle et durant la première moitié du XX° siècle.

Ces tensions, chacun peut dès aujourd'hui les voir déjà monter entre blocs sur les thèmes de l’accès aux matières premières, du commerce, des monnaies, le tout mettant sous haute pression la fragile paix mondiale et mettant en péril l’impressionnant développement des puissances émergentes et la longue période de prospérité des puissances occidentales.
Le prochain G20 qui doit se tenir à Moscou en septembre est la prochaine occasion que le monde se donne pour trouver des solutions aux difficultés croissantes que rencontre son équilibre. Or le temps presse… 

Le rapprochement stratégique Euro-BRICS 
Le Laboratoire Européen d'Anticipation Politique (LEAP) et l'Université MGIMO élaborent désormais depuis 2010 et au fil de séminaires des propositions concrètes pour un rapprochement stratégique Euro-BRICS devant permettre :
•  à l’Europe de se trouver plus résolument vers les dynamiques d’avenir que portent les BRICS 
•  et aux BRICS de trouver l’allié dont ils ont besoin pour pouvoir engager la réforme du système de gouvernance mondiale en leur faveur. 
De ce double développement simultané, le monde dans son ensemble a tout à gagner. 

Aussi le dernier séminaire du réseau Euro-BRICS qui s'est déroulé à Moscou les 23 et 24 Mai 2013 a abordé plusieurs thèmes porteurs de conflits majeurs auxquels le rapprochement Euro-BRICS apporterait des solutions, et parmi lesquels figurent les problématiques monétaires et commerciales.

Mon intervention avait pour titre : "Vers un système monétaire international résilient aux crises systémiques". 
Elle présentait une synthèse stratégique de la première partie de mes réflexions sur l'évolution du système monétaire international, qui concerne le court-terme. A sa lecture, son contenu (texte intégral ci-dessous) pourrait pourtant vous sembler trop avant-gardiste voire farfelu. Il n'en est rien. J'en veux pour preuve l'annonce en juillet dernier de l'utilisation de la zone spéciale de Qianhai à des fins d'innovation sur les flux financiers. Et dès juin, la Asian Development Bank, le Centre for International Governance Innovation et le Hong Kong Institute for Monetary Research ont publié une étude intitulée "A Practical Approach To International Monetary System Reform: Building Settlement Infrastructure For Regional Currencies" (initialement présentée en décembre 2012) et qui se situe exactement dans la stratégie que j'ai décrite.



Vers un système monétaire international résilient aux crises systémiques.

Bruno Paul, 23 mai 2013, Moscou, 4ème séminaire Euro-BRICS.

En avril 2010, les pays membre de la World Bank ont conclu un accord pour modifier sa gouvernance sévèrement critiquée. Le Congrès U.S. ne l’a pas encore ratifié.

Le 26 mars 2013 les BRICS ont annoncé l’ouverture en 2014 de leur propre banque de développement qui court-circuitera à terme la World Bank et d'un fond d'échanges doté de plus de 100 milliards d’USD.

En réponse à la question que j’ai posée à la conférence #futureecon du 19 Avril dernier organisée par le FMI, à propos de l’éventualité de la création d’un second FMI par les BRICS, l’inquiétude est reconnue par le directeur général adjoint du FMI, M. Min Zhu, et la question n’est pas tabou. Il faut rappeler ici que le monde a connu à l’entre deux-guerres une période d’utilisation de deux monnaies de réserves prépondérantes et utilisées à part quasi-égales : le dollar US et la livre sterling, chacune avec leur zone d’influence géographique.[5] Continuer à se projeter vers un système monétaire international unique et une monnaie de réserve unique n’est donc sans doute qu’un réflexe ou une habitude intellectuelle.

Les communiqués du FMI indiquent par ailleurs un engagement à une révision des quotes-parts d’ici janvier 2014, proposition défendue par les BRIC dès 2008.[1]

En avril et mai, les réunions du G20-Finance, de la World Bank, du FMI et du CMFI ont permis de mettre en évidence la très forte convergence des débats internationaux et d’un Consensus sur 3 principes clés: réformes de structure qui permettront de placer la dette sur une trajectoire viable, de réduction des déficits à moyen terme d’une part et des déséquilibres macro-économiques mondiaux d’autre part. Il s’agit explicitement de rétablir la résilience du système économique international. 

Précisons enfin que le communiqué du CMFI indique spécifiquement un engagement à s’abstenir de dévaluations compétitives.[6]

Il faut alors distinguer deux groupes de pays : ceux qui s’inscrivent réellement dans ce consensus, et ceux pour qui il ne s’agit que de mots. Une analyse factuelle de l’évolution des indicateurs macroéconomiques depuis 2008 jusqu'à ce jour nous autorise à isoler d’un côté le groupe des USA, Japon, et Royaume-Uni, et de l’autre côté celui de tous les autres pays du G20.
Les efforts de convergence budgétaire au sein de la zone euro sont en particulier remarquables. Le gouvernement économique intégré de la zone euro, avec un président nommé à sa tête qui serait chargé notamment d'une harmonisation de la fiscalité des pays membres et de prolonger le plan de lutte contre la fraude fiscale se précise chaque jour un peu plus, ces derniers jours par la voix officielle de François Hollande qui le souhaite d’ici 2015.
En face, sans avoir besoin de prononcer officiellement les termes de « dévaluation compétitive », l’arme du QE de la guerre monétaire a déjà permis au yen de perdre de manière continue 25% de sa valeur face au dollar, à l’euro, et au yuan depuis octobre 2012. Les analystes annoncent la poursuite de cette tendance tout au long de 2013.

Il faut donc constater à ce jour l’échec de la mission stratégique de surveillance financière par le FMI, dont les communiqués officiels cautionnent les pratiques des pays qui ne jouent pas le jeu multilatéral.

Ce constat a déjà poussé les acteurs BRICS à élaborer une stratégie commune de réforme du système monétaire international [4]. Je l’estime partagée par les décideurs de l’Euroland, et dans la logique d’un rapprochement Euro-BRICS. Rappelons les grands jalons de cette stratégie multilatérale:

- réforme et entrée en vigueur des quotes-parts et droits de vote au FMI en faveur des pays BRICS

- réforme du panier de monnaies constituant les SDR (avec le gramme d’or)

- création d’un marché très liquide et profond pour le commerce international basé sur les nouveaux SDR

- rééquilibrage lent des déséquilibres macroéconomiques mondiaux à moyen terme : c’est-à-dire 20 ans au strict minimum

Le mouvement politique sans précédent de la création par les BRICS d’une nouvelle banque de développement, loin d’apparaître comme étant un simple doublon, sert aussi à stimuler diplomatiquement l’avancée de la stratégie multilatérale. 

La question primordiale devient alors à mon sens : avons-nous à disposition le temps nécessaire pour assurer le succès de cette stratégie? Comme le dit l’introduction de notre séminaire: « le temps presse ». Nous avons publié dans le Magazine d’Anticipation Politique une analyse de la politique américaine en remontant sur plus d’un siècle, et nous montrons que la politique de keynésianisme militaire à l’œuvre dans ce pays conduit à une érosion de la démocratie, à un point aujourd'hui tel qu’une partie significative des citoyens états-uniens seront d’ici quelques années en lutte déclarée contre leur gouvernement fédéral. A la pression internationale va s’ajouter pour leur gouvernement un accroissement rapide de la pression domestique.[7]

Par ailleurs le rôle de dévoilement exercé par la crise systémique mondiale a été mis en œuvre :

- premièrement dans les bouleversements récents et anticipés du marché de l’or qui ont fait apparaître aux yeux de tous la manipulation du cours par l’intermédiaire des ventes à découvert de contrats "futures" sur le marché COMEX à NewYork, suivi du retrait immédiat de la quasi-totalité des seuls stocks éligibles d’or physique abrités par JPMorgan Chase, l’une des six sociétés qui se partagent ce marché du stockage d’or contrepartie des contrats "futures".

Source: ZeroHedge

En 2 jours, 400 t d’or ont ainsi disparu de ce marché.[3] Apparaît ensuite la perte de corrélation entre la cotation officielle de l’or (c’est-à-dire de l’or papier) et celle de l’or physique qui n’est désormais accessible qu’au moyen de l’addition d’une prime qui a très fortement augmentée, et très dépendante de l’approvisionnement local ; puis signalons enfin le record historique pour les importations d’or physique par les pays asiatiques au premier trimestre, dont 300 t pour la Chine.

Source: ZeroHedge

- Deuxièmement le dévoilement est évident dans les diffusions croissantes des listes de milliers de possesseurs de comptes bancaires dans les paradis fiscaux depuis 2007 (avec le Lichtenstein puis la Suisse [2]), dans les enquêtes que les Etats, y compris ceux de la sphère anglo-saxonne, sont alors obligés de diligenter, et finalement dans la régulation montante des envois automatiques de données à partir des banques des paradis fiscaux vers les Etats de résidence.

Ces dévoilements sont des facteurs majeurs d’accélération de la crise systémique globale, dans sa phase actuelle.

Il me parait dès lors indispensable non pas d’abandonner la stratégie multilatérale de réforme du système monétaire international, mais de la compléter rapidement par une autre initiative du groupe Euro-BRICS. Cette initiative se dessine dans la logique actuellement à l’œuvre de dislocation géopolitique mondiale, et je la nomme Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique. Son but est de limiter les effets de la guerre monétaire, et de venir compléter l’utilisation des nombreux nouveaux swaps bilatéraux.

Notre proposition consiste à développer ou créer des Régions Administratives Spéciales pour chaque pays du groupe Euro-BRICS. Ces Régions seraient dédiées aux flux de marchandises échangés par chaque pays du groupe Euro-BRICS avec les Etats-Unis et le Japon, à l’image du statut existant pour Hong-Kong ou Macao. L’inclusion du Royaume-Uni dans cette liste de partenaires commerciaux spéciaux pourrait s’étudier également, mais le processus est rendu beaucoup plus long et incertain pour la zone Euro à cause de l’existence des traités européens. Une éventuelle sortie volontaire de l’EU27 par le Royaume-Uni remettrait à l’étude son inclusion dans cette liste.

Les pays Euro-BRICS n’effectueraient plus de paiements ou de vente de marchandises directement avec les Etats-Unis et le Japon ; Un transfert et une refacturation seraient obligatoirement effectués dans les Régions Administratives Spéciales (RAS). L’idée serait alors de pouvoir utiliser dans ces Régions une monnaie différente des monnaies des pays Euro-BRICS, de la même façon que le dollar de Hong-Kong n’est pas le Yuan ou le Renminbi. Précisons que nous nous intéressons pour l’instant seulement aux flux physiques, c’est-à-dire à la plus grande part de l’économie réelle. Les monnaies actuelles resteraient convertibles sur le marché mondial. Ces Régions Administratives Spéciales concentreraient le risque lié au commerce avec des pays présentant des fluctuations de taux d’échange des devises trop élevées. Les pays Euro-BRICS seraient en mesure de réguler à leur guise le taux de change entre leur devise et celle en vigueur au sein de leur propre RAS. Ces RAS seraient développées ou créées autour des ports principaux actuellement utilisés pour les échanges avec les USA et le Japon. L’installation d’activités financières non strictement indispensables (fonds privés…) y serait découragée.

Le commerce entre les pays Euro-BRICS ne doit pas être affecté par le développement de ces RAS, et si possible ne pas transiter par elles. Ces régions ne doivent servir qu’à dresser un mur de protection pour les échanges avec les pays qui ont prouvé leur manque de volonté à respecter jusqu'ici la gouvernance nécessaire à un dialogue multilatéral efficace.

Cependant, il est souhaitable que les échanges commerciaux au sein du groupe Euro-BRICS renforcent leur abandon du dollar comme devise de transaction, y compris pour les produits pétroliers. Les accords actuellement en vigueur devraient être modifiés dans ce sens. 

L’Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique est très flexible. Chaque pays peut progresser à son rythme dans cette direction, respectant la nouvelle logique coopérative de la gouvernance globale résumée par l’expression d’Evgenia Obitchkina : celle de « la multipolarité dans la diversité ». [8]

L’avantage principal d’un tel « collier de perles » de RAS qui entourerait Etats-Unis et Japon, outre la réduction du risque de change lié au contrôle strict du taux de change et aux délais de refacturation qui peuvent être adaptées, réside dans la résilience du système en cas de défaut majeur d’institutions financières aux Etats Unis ou au Japon ; Pour le groupe Euro-BRICS, les structures financières de défaisance (Special Purpose Vehicles) seraient alors localisées dans ces RAS et le risque systémique y serait contenu, sans mettre en péril les entreprises et les dettes publiques des pays du groupe Euro-BRICS.

Cette initiative peut finalement se résumer de manière simple : il s’agit d’organiser et de réguler l’interface entre la zone dollar-yen et le reste du monde. Le périmètre économique et commercial du groupe Euro-BRICS est suffisant pour amorcer avec succès cette contention du risque systémique.

Dans une deuxième étape, on pourrait envisager un contrôle des flux de capitaux entre le groupe Euro-BRICS et celui formé par les USA et le Japon, mais ceci me parait moins prioritaire et peut être développé indépendamment. La crise asiatique de 97 et la crise de l’euro ont déjà permis de prendre conscience de la nécessaire mise en place d’importantes réserves de change ou de mécanisme de substitution pour amortir les crises monétaires ou un retrait brusque des capitaux par des sociétés américaines. 

Le monde de demain, mais aussi les perspectives visibles de sortie de cette crise dépendent dans une large mesure des qualités du nouveau système monétaire international et de sa meilleure stabilité. L’Initiative Multipolaire de Résilience Stratégique est un nouveau pas vers un système monétaire international dual résilient aux crises. Pour reprendre l’expression de Deng Xiaoping « Un monde, un système dual », voilà l’horizon vers lequel avancer. Comme le disait Richard Fuller, pour changer les choses, il s’agit non pas de combattre ce qui existe déjà mais de construire un nouveau modèle qui rendra l'ancien obsolète. La simple évocation de cette possibilité est déjà un argument diplomatique porteur pour renforcer l’efficacité de la stratégie multilatérale, ou l’accélérer. Cette Initiative porte en germe une réelle capacité d’influence politique pour le groupe Euro-BRICS, et une synergie croissante par l’effet de réseau.




[2] Peu après l’accord avec le FISC français est intervenu un accord entre UBS Suisse et les USA.
[3] K. Weiner a proposé peu après la tenue du séminaire Euro-BRICS une autre explication de ce fait. Elle est peu connue et mérite d'être mentionnée car elle nous semble digne d'intérêt.
[4] M. Otero-Iglesias, M. Zhang, EU-China Collaboration in the Reform of the International Monetary System, RCIF Working Paper No. 2012W07, 4/2012; M. Otero-Iglesias, China, the Euro and the Reform of the International Monetary System, 10/2012.
[5] C. R. Schenk, The Retirement of Sterling as a Reserve Currency after 1945: Lessons for the US Dollar?, Canadian Network for Economic History conference, 10/2009; B. Eichengreen, M. Flandreau, The rise and fall of the dollar, or when did the dollar replace sterling as the leading international currency?, NBER Working Paper 14154, 2008.
[6] Statement by Secretary Jacob J. Lew at the International Monetary Financial Committee (IMFC) Meeting, 04/2013.
[7] B. Paul, The inevitable counter-revolution of the American people, Magazine of Political Anticipation, n.8, 03/2013; Voir également la version longue de cet article en français: L'inévitable contre-révolution du peuple Américain, Conscience-Sociale.org, 03/2013.
[8] E. Obitchkina, « From the diplomacy of states to that of networks: powers and areas of interest », 3rd Euro-BRICS seminar, Cannes, 09/2012.