2013/02/11

L'hiver américain


 Le 11 janvier 2013 à New-York, Aaron Swartz[1] mettait fin à ses jours. Il était l’objet d’une procédure depuis janvier 2011 pour un acte des plus bénins : cet intellectuel de 26 ans avait copié 4 millions d’articles scientifiques de la base JSTOR au contenu de laquelle il avait droit d’accès du fait de ses activités au MIT. Bien que l’intégralité de ces articles ait été financée par des fonds publics, la plupart ne pouvaient être consultés qu’avec une souscription. C’est en signe de protestation contre les limitations d’accès à un bien commun qu’Aaron Swartz a commis cet acte. Etant un des fers de lance du mouvement revendiquant un accès libre aux informations[2], Aaron Swartz n’a pourtant jamais rediffusé ces fichiers et les a rendus en juin 2011 au MIT. Dès le mois suivant il était cependant mis en accusation par un procureur, qui a encore alourdi les charges pesant contre lui en septembre 2012. Aaron Swartz était alors l’objet, toujours pour les mêmes faits, de 13 chefs d’accusation et encourait jusqu’à 35 ans de prison, 1 million de dollar d’amende  accompagnés de procédures de rétorsion aggravées. À titre de comparaison éclairante, la loi U.S. punit d’un maximum de 20 ans de prison les faits qualifiés d’aider des terroristes à se procurer une arme nucléaire.[3] Le 9 janvier JSTOR ouvrait finalement ses archives au public, mais la machine de persécution du système judiciaire US ne pouvait plus être arrétée.

En ce premier jour de mémoire[4] , il nous semble important de souligner la contribution essentielle d’Aaron Swartz dans le domaine de la politique des libertés individuelles. Celles-ci sont en effet à nouveau profondément questionnées avec l’émergence des  systèmes d’informations sociaux et l’accès de masse à internet. C’est ici un moment historique où les trois entités du pacte social (les citoyens, les entreprises et l’Etat) sont dans l’obligation de redéfinir attentivement leur positionnement respectif, et qui survient conjointement au déclin des Etats-Unis sur la scène internationale. Nous y reviendrons en dernière partie après avoir discuté :
  • La symbolique du geste d’Aaron Swartz
  • Les conséquences immédiatement observées
  • Les autres conséquences que l’on peut attendre des tendances lourdes ainsi mises en lumière

Tout un symbole

Aaron Swartz vivant est déjà un symbole : jeune, inventif, entrepreneur de start-ups, intellectuel engagé, progressiste, il a déjà acquis un prestige certain dans la génération connectée par le courage de ses positions sur les libertés individuelles menacées et son lobby contre la loi SOPA. C’est aussi un symbole pour le système qui érode les libertés individuelles de manière accélérée depuis 2001.[5]
La mort d’Aaron Swartz nous rappelle celle de Mohamed Bouazizi, qui s’est lui aussi suicidé à 26 ans en signe de protestation ultime contre la politique de son gouvernement. Son geste sera un symbole pour toute une génération de jeunes qui se reconnaitront en lui. De la même manière, la mort d’Aaron Swartz est aussi un geste politique, celui d’un homme persécuté par un système judiciaire qui trahit ses citoyens au lieu de les protéger[6]. Les deux années de procédures kafkaïennes[7] où le procureur outrepasse sans aucun contrôle l’esprit et la lettre des lois en utilisant un texte entré en vigueur un mois après l’entrée des U.S. dans la première guerre mondiale[8] ou le très controversé CFAA[9] dans le seul objectif de contraindre Aaron Swartz à plaider coupable pour lui permettre d’obtenir une sentence plus faible, ne nous rappelle rien d’autre que Le Procès[10], où un homme de 30 ans est brusquement entraîné dans un système judiciaire arbitraire, inhumain et absurde. Aaron Swartz aura finalement une conscience  morale plus forte que celle de Joseph K. Sa lucidité, et non son désespoir, lui indique que « la seule façon de ne pas perdre au jeu auquel le gouvernement le contraint, c’est de ne pas jouer ». S’il sort ensuite du jeu, c’est nous qui endossons son témoignage[11].


Les premières conséquences

La mort d’Aaron Swartz présente tous les ingrédients pour accélérer une prise de conscience au sein de la communauté connectée. Comme tout symbole, il est fédérateur.
La partie change de dimension, mais pas de perspectives. Les nouveaux acteurs ne se sentent pas seulement concernés ; ils se sentent eux-mêmes visés par les intentions politiques d’un système judiciaire coercitif, qui ignore superbement les dérives extraordinaires des acteurs du système financier et qui persécute les défenseurs des libertés individuelles. Cette idée même du sens commun de la justice bafouée est capable de fédérer au-delà des frontières traditionnelles des partis. Ce n’est pas un petit groupe de personnes qui est remis ouvertement en cause, mais bien la réelle légitimité d’un système de gouvernement qui autorise de tels traitements judiciaires. C’est donc une profonde crise politique qui s’annonce.

Les premières initiatives sont de deux ordres :

1) La mobilisation « Opération Angel » tout d’abord, qui vise à prolonger immédiatement l’action politique de Aaron Swartz en modifiant la loi CFAA, par un lobbying contre la proposition de loi CISPA, ou des pétitions pour remplacer les procureurs et intervenants clés dans l’affaire Aaron Swartz. Ces actions sont publiques et se prolongent en manifestations dans la rue. Pour les participants elles sont connectées au mouvement Anonymous, qui est le groupe politique informel le plus proche des positions d’Aaron Swartz. Ainsi le port des célèbres masques et les #Anonymous sont fortement corrélés à ces manifestations :

 Impacts des premières mobilisations sur le réseau Twitter ;
Source : topsy.com

2) La radicalisation du mouvement apparait dès le 25 janvier avec le hacking du site ussc.gov qui lance la phase publique de la mobilisation « Last Resort » (dernier recourt). Ce type de radicalisation avait été anticipée.
Il s’agit ici d’une action à visée médiatique, qui se déroule exclusivement sur Internet et aux marges des lois en vigueur. Le message diffusé[12] à cette occasion par ce collectif de la mouvance Anonymous exprime très clairement plusieurs motivations :
  • Qu’il s’agit d’une opération préparée de longue haleine en réponse aux arrestations d’hacktivistes.  On pense notamment à l’arrestation du groupe LulzSec, aux US et en Europe[13] suite au retournement  de « Sabu » en 2011, qui a été convaincu de collaborer en tant qu’agent double avec le FBI. Les peines encourues sont toujours supérieures à 20 ans de prison.

  • Que son déclanchement est la conséquence de la mort d’Aaron Swartz, directement causée par la persécution d’Etat dont il a fait l’objet ;
  • Que le sens commun de la justice est au-dessus de l’expression de la loi par l’Etat, quand celle-ci est perçue comme une trahison de l’intérêt des citoyens ou de leurs libertés ;
  • Qu’il n’y a pas de volonté de négocier ; c’est un ultimatum qui est lancé au gouvernement pour qu’il lance une réforme en profondeur des nombreuses lois liberticides ;
  • Qu’il s’agit d’une pure expression politique du combat en cours entre citoyens et Etat pour préserver les libertés individuelles, et pas une simple performance technique à des fins de publicité. Si des interlocuteurs sont désignés pour les réformes à engager, il s’agit d’intellectuels progressistes qui n’ont aucun lien avec ces hackings ;
  • Qu’il ne peut y avoir qu’une seule issue : la mise en place par le gouvernement des réformes exigées. Le combat ne cessera pas avant cela ; il s’étend donc dans le temps et dans l’espace puisque plusieurs sites fédéraux ont été infiltrés selon Anonymous ;
  • Que le message s’adresse aux citoyens du monde entier, et pas seulement aux Américains même si c’est seulement ce dernier qui est visé ; c’est une caractéristique essentielle de ce mouvement de contestation, qui recrute des membres actifs au-delà des frontières, même pour des causes dont on pourrait naïvement penser qu’elles ne concernent que les citoyens américains ;

Après le DoJ: la FED attaquée

On remarque que cet ultimatum pouvait prendre de court le reste du mouvement Anonymous, jusqu’à présent plus modéré. Pourtant cette opération a été « validée » par le reste du mouvement (ses auteurs ont notamment participé à de nombreuses autres opérations préalables) et est ainsi officiellement supportée par le collectif #YAN chargé de médiatiser les opérations. Les très rares messages qui expriment des doutes ou des distances n’ont aucun écho (j’exclue les milliers de comptes twitter tout juste piratés et qui ont tous le même jour diffusé le même commentaire négatif pour discréditer cette opération). Désormais, il n’est pas exagéré de dire que tout membre d’Anonymous qui ne souhaiterait pas être confondu avec cette rébellion contre le gouvernement U.S. devrait au préalable créer pour se distinguer un autre « concept-chapeau », une autre marque. Anonymous a répondu à la logique d’escalade imposée par l’érosion programmée des libertés civiques.

Deuxième remarque : le premier hacking de cette opération s’est accompagnée de la diffusion de plusieurs archives cryptées, pour l’instant sans la clé de lecture. Elles contiennent sans doute des fichiers récupérés sur des sites fédéraux. Ce choix de diffusion, s’il vise explicitement à contacter de manière sécurisée des journaux, n’utilise pas les procédures déjà rodées du canal Wikileaks. Cela a surpris la communauté et entraîné un doute chez les médias qui redoutent déjà de ne plus être protégés par le 1er amendement[14], jusqu’à la diffusion le 4 février d’une liste de 4600 noms de hauts représentants des institutions financières des U.S. avec leurs coordonnées et mots de passe (cryptés), obtenus en hackant certains sites de la Reserve Federale.


La Fed a bien tenté de minimiser cette infiltration[15], mais après la nouvelle diffusion le 8 février d’un listing de 120 000 fichiers présents sur plusieurs serveurs de la FED[16], il faut en tirer d’autres conséquences :

  • L'immense majorité de ces fichiers sont d'accès public, mais pas tous. Ces Anonymous ont eu accès pendant une longue durée au système de fichiers de ces serveurs, en lecture et en écriture ; 
  • Il est donc parfaitement possible que les Anonymous aient pu placer de nouveaux fichiers java ou des scripts ColdFusion en remplacement de certains présents, ce qui potentiellement pouvait permettre d’enregistrer les mots de passe circulant dans le flot d’exécution de l’application utilisée par les banquiers, lesquels sont à ce moment-là le plus souvent stockés en mémoire et sans cryptage.
  • En effet, il faut s’interroger sur le fait de diffuser la liste des mots de passe cryptés sur Internet : la première mesure prise sera de réinitialiser tous les mots de passe une fois l’application restaurée par la FED dans un état non compromis (ou sensé l’être !... si un attaquant était en mesure d’opérer en mode "man-in-the-middle" ou avec un code applicatif compromis à ce moment critique, il récupérerait en quelques heures ses logs avec tous les nouveaux mots de passe non cryptés qui viennent d'être choisis par les utilisateurs…). 
  • Pour notre part, cela signifie que ces mots de passe avaient déjà remplis leur usage pour les Anonymous, c’est-à-dire que leur valeur était connue… et qu’ils avaient déjà été utilisés par ailleurs. Etre en capacité de modifier les fichiers du serveur d’applications signifie pouvoir envoyer sur le PC des banquiers utilisateurs un code approprié qui peut exploiter leurs configurations précises : plugins java, flash, navigateur… les failles « zero-day » de ces composants deviennent particulièrement faciles à utiliser pour récupérer ensuite d’autres informations ou fichiers directement sur le PC de ces utilisateurs. Le listing diffusé des fichiers n’en fait pas mention… mais cette opération Last Resort ne fait que commencer. On comprend qu'outre les noms et adresse livrés au public, le plus déstabilisant pour le système financier U.S. c’est ce que nous ignorons encore et qui soit en la possession des Anonymous tant les possibilités sont vastes ! C’est une pratique habituelle des guerres de l’information.
Le même jour, Bloomberg annonçait qu’Obama avait l’intention d’accélérer la publication d’un ordre exécutif présidentiel permettant d’accroître la cybersurveillance[17] (aussi nommé cybersécurité suivant de quel côté on se trouve) dans la lignée de la proposition CISPA. L'escalade continue.[18]

Terminons cette partie par une précision : 
l’ex-policier Dorner a lancé le 4 février une vengeance personnelle meurtrière contre plusieurs personnes de son ancien service, en publiant auparavant sur sa page facebook un long manifeste intitulé lui aussi Last Resort.
Cet homme, patriote et soldat, qui a totalement perdu confiance dans le système judiciaire et policier de Los Angeles, qui se déclare explicitement soutenir Obama et le camp démocrate, est contre la vente libre des armes à feu, n’a aucune connexion avec l’opération des Anonymous. Pour reprendre le titre du dernier fichier diffusé par ces Anonymous : « Dorner est un symptôme, pas un syndrome »

[part 3 to be continued soon]




[2] Standard RSS, Open Access, Creative Commons, Demand Progress, mouvement contre la loi SOPA/PIPA
[3] “Participation in nuclear and weapons of mass destruction threats to the United States”, 18 USC § 832
[6] Boston.com, 02/01/2013
[10] Œuvre de Franz Kafka, rédigée entre 1914 et 1925
[11] The Nation, 01/12/2013
[12] See the video (full text here)
[13] CNN.com, 03/06/2012
[14] EFF.org, 07/2012
[15] Networkworld.com, 02/08/2013
[16] ZdNet.com, 02/08/2013
[17] TheVerge.com, 02/08/2013
[18] En réponse à cet ordre présidentiel (critiqué ici), le 4ème round de l'opération a été déclenché au moment du discours sur l'Etat de l'Union le 12 février (#OpSOTU). Ce fut un échec, sans doute par manque de temps de préparation des détails techniques. Mais on peut se demander pourquoi les leaders de #OpLastResort n'ont pas dévoilé à cette occasion la ou les clés de décryptage des fichiers "warheads" qu'ils avaient diffusé au départ de l'opération, puisque cet ordre présidentiel représente justement les lois liberticides contre lesquelles ils s'élèvent. Ils se sont contentés de dire qu'il y aurait 12 rounds dans ce combat contre le gouvernement US.
Le 17 février, un autre Anonymous apparemment indépendant des leaders de l'opération #OpLastResort a diffusé sur Zerobin des données brutes qu'il déclare extraites d'une base de données du site State.gov, le ministère des affaires étrangères US. Dans l'attente de confirmations, il faut rester prudent à ce sujet pour l'instant, des manipulations restent parfaitement possibles. Rien de plus facile que de créer des fausses données apparemment ou partiellement vraies.


Le jour d'après, les leaders d'#OpLastResort ont annoncé un nouveau hack sur une banque d'investissement qui s'occupe notamment des Municipal bonds. C'est un client de l'agence Stratfor qui avait été hackée par Anonymous et dont un important historique d'emails avait ensuite été diffusé via Wikileaks début 2012. Voir cet article de ZdNet.


2013/01/29

Operation Last Resort and the upcoming American Winter

This Operation from Anonymous has started its public phase on Friday January 25, 2013 early in the morning, with the hacking of ussc.gov website. It has been re-hacked again on January 27th.

The text released for this 'Operation Last Resort' indeed deserves a strong attention. It explains why the common sense of justice is above the state expression of the law, when it is perceived as a betrayal of the people.

Excerpt of the video (full text here) :
“Citizens of the world, 
Anonymous has observed for some time now the trajectory of justice in the United States with growing concern. We have marked the departure of this system from the noble ideals in which it was born and enshrined. We have seen the erosion of due process, the dilution of constitutional rights, the usurpation of the rightful authority of courts by the “discretion” of prosecutors. We have seen how the law is wielded less and less to uphold justice, and more and more to exercise control, authority and power in the interests of oppression or personal gain. 
We have been watching, and waiting. 
Two weeks ago today, a line was crossed. Two weeks ago today, Aaron Swartz was killed. Killed because he faced an impossible choice. Killed because he was forced into playing a game he could not win — a twisted and distorted perversion of justice — a game where the only winning move was not to play. 
[...]Last year the Federal Bureau of Investigation revelled in porcine glee at its successful infiltration of certain elements of Anonymous. This infiltration was achieved through the use of the *same tactics which lead to Aaron Swartz’ death. It would not have been possible were it not for the power of federal prosecutors to thoroughly destroy the lives of any hacktivists they apprehend through the very real threat of highly disproportionate sentencing. As a result of the FBI’s infiltration and entrapment tactics, several more of our brethren now face similar disproportionate persecution, the balance of their lives hanging on the severely skewed scales of a broken justice system.  
We have felt within our hearts a burning rage in reaction to these events, but we have not allowed ourselves to be drawn into a foolish and premature response. We have bidden our time, operating in the shadows, adapting our tactics and honing our abilities. We have allowed the FBI and its masters in government — both the puppet and the shadow government that controls it — to believe they had struck a crippling blow to our infrastructure, that they had demoralized us, paralyzed us with paranoia and fear. We have held our tongue and waited.With Aaron’s death we can wait no longer. 
The time has come to show the United States Department of Justice and its affiliates the true meaning of infiltration. The time has come to give this system a taste of its own medicine. The time has come for them to feel the helplessness and fear that comes with being forced into a game where the odds are stacked against them.  
This website was chosen due to the symbolic nature of its purpose — the federal sentencing guidelines which enable prosecutors to cheat citizens of their constitutionally-guaranteed right to a fair trial, by a jury of their peers — the federal sentencing guidelines which are in clear violation of the 8th amendment protection against cruel and unusual punishments. This website was also chosen due to the nature of its visitors.[...] 
Today we are launching the first of these. Operation Last Resort has begun… 
Warhead – U S – D O J – L E A – 2013 . A E E 256 is primed and armed. 
It has been quietly distributed to numerous mirrors over the last few days and is available for download from this website [the sentencing website] now. We encourage all Anonymous to syndicate this file as widely as possible. The contents are various and we won’t ruin the speculation by revealing them. Suffice it to say, everyone has secrets, and some things are not meant to be public. 
At a regular interval commencing today, we will choose one media outlet and supply them with heavily redacted partial contents of the file. Any media outlets wishing to be eligible for this program must include within their reporting a means of secure communications. 
We have not taken this action lightly, nor without consideration of the possible consequences. Should we be forced to reveal the trigger-key to this warhead, we understand that there will be collateral damage. We appreciate that many who work within the justice system believe in those principles that it has lost, corrupted, or abandoned, that they do not bear the full responsibility for the damages caused by their occupation. 
It is our hope that this warhead need never be detonated. 
However, in order for there to be a peaceful resolution to this crisis, certain things need to happen. There must be reform of outdated and poorly-envisioned legislation, written to be so broadly applied as to make a felony crime out of violation of terms of service, creating in effect vast swathes of crimes, and allowing for selective punishment. There must be reform of mandatory minimum sentencing. There must be a return to proportionality of punishment with respect to actual harm caused, and consideration of motive and mens rea. The inalienable right to a presumption of innocence and the recourse to trial and possibility of exoneration must be returned to its sacred status, and not gambled away by pre-trial bargaining in the face of overwhelming sentences, unaffordable justice and disfavourable odds. Laws must be upheld unselectively, and not used as a weapon of government to make examples of those it deems threatening to its power.  
For good reason the statue of lady justice is blindfolded. No more should her innocence be besmirked, her scales tipped, nor her swordhand guided. Furthermore there must be a solemn commitment to freedom of the internet, this last great common space of humanity, and to the common ownership of information to further the common good. 
We make this statement do not expect to be negotiated with; we do not desire to be negotiated with. We understand that due to the actions we take we exclude ourselves from the system within which solutions are found. There are others who serve that purpose, people far more respectable than us, people whose voices emerge from the light, and not the shadows. These voices are already making clear the reforms that have been necessary for some time, and are outright required now. 
It is these people that the justice system, the government, and law enforcement must engage with. Their voices are already ringing strong with a chorus of determined resolution. We demand only that this chorus is not ignored. We demand the government does not make the mistake of hoping that time will dampen its ringing, that they can ride out this wave of determination, that business as usual can continue after a sufficient period of lip-service and back-patting. 
Not this time. This time there will be change, or there will be chaos… 
-Anonymous”

This is clearly an ultimatum. In government's eyes, an authentic act of rebellion asking for huge legal reforms in order to turn back on the current road to tyranny

You can follow the updates of this #OpLastResort here (and here for Operation Angel). It is simultenaously going on with a dedicated Twitter social storm to help to inform people and to gather momentum in US.

This #OpLastResort is the tipping point reached over by the Anonymous movement against US government. Such a political action was anticipated here. Now, it is not just a question of PIPA/SOPA, internet neutrality, or privacy rights. It has become for the concerned citizens a question of justice and of their very own liberty.

This will obviously make many other people to move accordingly. For instance Richard Stallman has just published "Protect Your Friends - Protect Julian Assange" : everywhere in US, each people will soon have to make their own political choice, because it is their justice system, and their Republic. And two sides will form, a tiny one and a large one. 

It can be expected that the US government do nothing towards Anonymous requirements, and ignore them publicly (and continue to fight behind the scenes), because they have no others practical choices. It is significant four days later the mainstream media has only published little coverage beside the serious ultimatum launched. We can at this moment link to Washington Times, Examiner, Slate, InformationWeek, IBTimes, Business Insider, The Inquirer, The Register, BBC, WND, CNN, SkyNews, NewEuropeStudentNewsIE, MensNews, MSN, numerous business technology news websites like C|NetZdNet (and others media but in french, german, greek, chinese, russian, arab, spanish, corean... not in english).

The national security ideology dominant into the US government since at least 1976 has finally met its fierce opponent : the widespread ideology about US government corruption and its betrayal of their own citizens. This is very  different than the Occupy movement turned against big CEOs and banks. It is no more a question of revenue sharing (social justice), but a question of power (the way to exercise justice). Each past step and law allowing erosion of civil rights in the same time have made this sentiment to grow in US across any political party, any class, any sector (public, private, and military), any state, any county. And any repression like with AaronSwartz will make the political opponents more and more committed.


Update 02/05/2013 : the second step
Anonymous' @OpLastResort hacked again yesterday others federal IT systems, and announced this putting in emphasis first the attention from [major newspapers and citizens] America and second the US financial  world as the target. More than four thousands updated credentials, cell phones, hashed passwords from bank top management execs were spread.
As I wrote:  two sides will form, a tiny one and a large one. There are of few of them, and we know them.


Read also this good article from ZdNet.
The situation is now embarrassing for Federal Reserve. And this is putting even more pressure against Business as Usual supporters.

Update 02/19/2013 : the following steps
Read this article from ZdNet for a summary, or this one in french.

2013/01/25

La crise écologique globale exige une refonte du système monétaire international

 J’ai commencé depuis quelques semaines à rédiger un essai sous licence CC qui exposait les premiers résultats de l’approche transdisciplinaire que j’ai menée. Sa raison d’être est de contribuer aux réponses à la crise écologique globale. Comme je l’ai écrit en 2010 (ainsi que Dupré et Griffon en 2008), la crise systémique actuelle n’est qu’un des symptômes de cette crise ultime. J’écris ultime à dessein : cette crise sera dépassée ou renverra l’humanité dans un tel état de délabrement que toute ambition de libération de l’homme sera définitivement évanouie, tout comme sa propre humanité. En effet, pour résumer la situation en quelques mots simples : les études les plus poussées ont montré que notre planète ne pourra tout simplement pas nourrir et abreuver la population mondiale prévue en 2050, et pour certaines régions du monde dès 2030, dans les conditions actuelles des relations internationales. Les pertes humaines d’une nouvelle guerre comme celle de 1939-1945 (65 millions de victimes) ne changeraient rien à la situation globale. C’est une limite absolue induite par les répartitions dans l'espace et le temps entre la population, les moyens techniques, les ressources disponibles (matières premières et énergétiques). On consultera en priorité à ce sujet L. Brown « Plan B » plusieurs éditions ; D. Dupre, M. Griffon « La planète, ses crises et nous » 2008 ; et les références Agrimonde et MEA citées dans mes articles sur la crise écologique globale et la politique alimentaire internationale

Les voies menant à un progrès technique décisif sont interdites : c’est la crise scientifique (cf Ref. 1). La seule voie de sortie satisfaisante pour l’humanité passe par une refondation des relations internationales. Or celles-ci sont actuellement bloquées sur son point le plus fondamental : la réforme du système monétaire international. Si cette réforme n’est pas complètement menée à bien dans les 5 ans à venir, alors les soubresauts de la crise écologique globale imposeront ensuite une adaptation de la population mondiale aux ressources disponibles, malgré les naissances. Cela veut dire au final des centaines de millions de morts non naturelles, davantage encore tant que l’énergie disponible par habitant diminuera par épuisement, et un contrôle draconien des naissances dans les pays qui pourront l’organiser. Moins de rendement agricole, moins d’eau pour les cultures, moins de possibilités d’innovation technique et davantage de migrations incontrôlées des populations. Ce déclin de civilisation face à une crise écologique a déjà été historiquement analysé de manière très fouillée (cf J. Diamond, « Collapse », 2005). Nous connaissons donc toutes les terribles conséquences, étape par étape de cette voie d’un déclin par paliers brutaux. 

Il faut rajouter à ces facteurs celui d’une catastrophe écologique. L’étude de référence Millenium Ecosystem Assessment de l’ONU qui a rassemblé 1300 experts de 95 pays s’est aussi intéressée aux effets des futures catastrophes écologiques (Breakdown in Ecosystem Services). Un des 4 scénarios investigués (Order From Strength) indique une probabilité de 70% pour la survenue d’un accident écologique soudain et catastrophique qui toucherait 1 million de personnes, 40% de probabilité pour 10 millions de victimes, et 10% de probabilité pour 100 millions de victimes (MEA “Ecosystems and Human Well-Being”, volume 2 Scenarios, p.139). Un exemple de ce type de catastrophe serait par exemple la fusion d’un cœur de réacteur de centrale nucléaire, suivie d’un accident de criticité au sein du corium fondu, et d’une dernière explosion qui diffuserait dans l’environnement notamment des dizaines de kilos de plutonium produit lors du fonctionnement normal du réacteur, parmi les substances les plus toxiques. 

Comment imaginer un instant que notre sens de l’humanité, notre nature, resterait intact au travers d’un tel déclin qui déclencherait les pires instincts, même pour les populations des rares pays épargnés? Aucune nation ne peut espérer s’enfermer dans une forteresse et oublier que le reste du monde s’entretue. Ce futur, celui de nos enfants, se détermine de nos jours. Nous savons donc que c’est notre responsabilité dès aujourd’hui. Nous avons déjà argumenté que ne pas agir revient à faire un choix, négatif. Il n’existe pas de position neutre ou en retrait sur les décisions vis-à-vis de notre devenir collectif. Il ne s’agit pas pour autant de dire que « Soit vous faites partie de la solution, soit vous faites partie des freins ». Nous aurons l’occasion d’y revenir dans une prochaine analyse sociologique, plus fine. 

La voie recommandée par de nombreux auteurs ces dernières années (J. Diamond « Collapse » 2005 ; J. Rifkin « Une nouvelle conscience pour un monde en crise » 2010 ; F. Lenoir « La guérison du monde » 2012 ; J. de Rosnay « Surfer la vie » 2012) se limite à proposer de changer soi-même avant tout. Je pense qu’il faut y voir deux moments bien distincts: celui où la volonté de changer spirituellement se manifeste par un désir d’ouverture, par une recherche de supplément de concepts non formés (le terreau dont je parlais dans l'article pour les découvreurs) ; et celui de la création d’idées fécondes, d’un nouveau paradigme, ce qui est d’une toute autre teneur. Une nouvelle conscience est un préalable, mais ce n’est pas une solution. 

Seuls de rares auteurs ont tenté d’aller plus loin dans les propositions de solution : L. Brown « Plan B » plusieurs éditions; D. Dupré, M. Griffon « La planète, ses crises et nous » 2008 ; J. Rifkin « La troisième révolution industrielle » 2011 ; et dans la mesure de scénarios contrastés limités aux ressources agricoles, l’étude Agrimonde de 2010. Examinons les.

L’étude Agrimonde a produit sur cette base deux scénarios agricoles et alimentaires normatifs, visant à nourrir la planète de manière soutenable en 2050. Le scénario de rupture AG1 est basé sur des conditions beaucoup plus proches de la réalité actuelle, notamment sur l’évolution des rendements et des surfaces agricoles. L’une des conclusions principales est qu’AG1 nécessite impérativement une coopération internationale accrue sur les échanges de produits agricoles et la régulation de ce marché. Cette hypothèse est aussi centrale dans les solutions esquissées par Brown, Dupré et Griffon. Mais elle n’est pas conforme au constat de dislocation géopolitique mondiale que l’on a anticipé à la suite des travaux précurseurs du Laboratoire Européen d’Anticipation Politique, et que tout le monde constate aujourd’hui comme une des conséquences historiques de la crise systémique globale. Cette coopération internationale, tout comme le régime de garantie des droits afférents sont majoritairement portés au niveau des institutions internationales. Or " la garantie des droits interroge la nature et la légitimité des pouvoirs " (G. Massiah « Une stratégie altermondialiste », 2011). La dislocation géopolitique mondiale qui est en cours affaiblit les instances onusiennes. Elles sont le plus souvent impuissantes à garantir les droits, au bénéfice de la loi du plus fort et des justices à deux vitesses. L’inégalité de l’accès au droit s’aggrave. 

Les dernières pistes proposées par Rifkin (2011) prennent bien en compte cette continentalisation, pour reprendre un terme né en Europe qu’il utilise dans son dernier livre, par opposition à la mondialisation. Il estime aussi nécessaire de « mettre Adam Smith à la retraite », et identifie donc ce volet de la crise scientifique actuelle. Il propose également des solutions de production « latérale » d’énergie, par les citoyens.

A ma connaissance on ne connait pas encore de solution industrielle pour la pile à combustible, ou encore  le stockage prolongé et sécurisé de l'hydrogène dans les matériaux, c'est une barrière forte (bien que l'européen Mc Phy Energy s'attaque sérieusement à ce sujet). Pour le solaire photovoltaïque dispersé sur chaque maison: quel est le coût écologique de fabrication, de distribution et de recyclage des équipements individuels, et leur efficacité? Rifkin n'apporte pas à ce stade de démonstration que ce modèle latéral est la solution la plus viable pour la transition énergétique. Sa vision concernant l'effet latéral est intéressante, mais appliquée à la production et distribution d'énergie est-ce le bon paradigme ? Je ne le vois pas argumenter sur ce point qui est crucial. Pour séduisante qu’elle soit, rien ne prouve que l’énergie totale produite par ces générateurs suffise pour la planète en 2050. Créer de toutes pièces une nouvelle filière énergétique suffisamment efficace, maîtrisée et durable requiert sans nul doute une nouvelle percée en physique fondamentale ; c’est ici que nous sommes confrontés au blocage par cet autre volet de la crise scientifique.

D'autres modèles de production un peu plus centralisés (municipaux par exemple) mais sans nucléaire sont tout à fait possibles à plus ou moins long terme suivant leur maturité, et certaines réalisables immédiatement: les générateurs de vapeur solaires utilisant la technologie de solaire thermique à concentration par exemple, qui bénéficient d'effet d'échelle qui rendent la solution économiquement très intéressante, ou bien les générateurs/récupérateurs d’énergie à zéolithes (système de combustion CREDO par exemple).

Il nous paraît opportun de citer les dispositifs électrochimiques utilisant  les réactions nucléaires à faible énergie (LENR - par exemple le réacteur de Piantelli) dont l'enseignement est présent depuis 2012 à l'université MIT (videos) et fait l'objet de réguliers congrès scientifiques internationaux (vidéos du dernier congrès en Corée sous l'égide de l'initiative Energy, Environment, Water, and Sustainability, vidéos du colloque au CERN en mars 2012), ou le CIHT de l'américain BlackLightPower. Ces derniers bien que séduisants sont des solutions très lentes à maturer :
  • dans la communauté académique - qui a créé son propre lieu de débat (ou bien ici), 
  • dans les médias dominants, y compris les journaux de vulgarisation - pour lesquels la "fusion froide" reste sauf exception un tabou, 
  • et à développer à l'échelle industrielle : l'article précurseur de Fleischman et Pons date par exemple de 1989, et Fleischman est décédé en août 2012.

Enfin, Rifkin se limite à envisager des solutions d'auto-suffisance énergétique par continent. Mettre en place un nouveau système économique autarcique continentalisé ne prend son sens que quand on résout comment le système fonctionne à ses interfaces entre les zones économiques et monétaires: bref, supporter la continentalisation va de pair avec une refonte du système monétaire international puisque c’est lui la clé de voûte des échanges. Cette pièce manque. 

Que l’on ne s’y trompe pas : les propositions de Rifkin peuvent fort bien servir de locomotive à des décideurs qui veulent aller de l’avant, et produire un effet d’entraînement. Leur valeur est déjà immense rien qu’en cela. Mon propos est d’en montrer certaines limites et comment envisager de les dépasser. 

Si la « croissance verte » est un simulacre d’idée pour la résolution de la crise écologique globale, la proposition de retour à la spiritualité est un constat d’absence d’idées : c’est un ensemble de concepts non formés, un préalable. C’est à ce vide que je me suis attaqué. Cependant, je me suis lancé dans ce projet d’essai tout en sondant la réceptivité de ma sphère sociale sur ces orientations. En réponse, je dois rester lucide et tenir compte du constat que le moment n’est pas encore arrivé pour l’accueil de ces idées de nouvelle conception des relations internationales, orientées en priorité autour d’un objectif commun : les solutions pour résoudre les tensions actuelles associées à celles pour pouvoir s’engager ensuite dans la résolution de la crise écologique globale. Cette double projection, le long terme donnant davantage de sens au moyen terme et donc aux priorités stratégiques des agendas, ne rencontre pas l’écho suffisant. Le terrain n’est hélas pas encore prêt. 

Pour être plus en accord avec la capacité de réception, je segmente donc mon projet de publication d’un essai en concentrant mon anticipation politique sur la première étape chronologique de ma feuille de route : la refonte du système monétaire international, dans la continuité d’une partie de mes articles (cf Refs 2, 3, 4, 56). C’est le nœud gordien vers où sont actuellement dirigées toutes les attentions des décideurs, témoin en est la crise émergente au Japon. C’est le cadre de mon prochain article à paraître en mars, avec en perspective les inévitables conséquences sur les USA, un prolongement qui n’apparaît pas encore à l’esprit des analystes (cf Ref 7).

MAJ le 28/01 :
Ajout dans l'article de compléments sur les nouveaux dispositifs de production d'énergie les plus porteurs du mouvement "free energy", dont les multiples lieux de débat se développent justement en réaction à la crise scientifique dans le milieu académique. Dans les multiples initiatives proposées par ce mouvement il faut trier soi-même les bons concepts des approches plus farfelues, mais cela fait partie du débat et de l'appropriation collective.

MAJ le 31/01 :

MAJ le 03/06 :
J'ai contribué les 23 et 24 mai au 4ème séminaire Euro-BRICS organisé par le L.E.A.P./E2020 et l'Université MGIMO de Moscou, qui a réunit des participants de haut niveau des pays ou organisations suivants: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, zone euro (France, Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Belgique), Commission Européenne.
Mon intervention s'intitulait "Vers un système monétaire international résilient aux crises systémiques", et se situe dans la parfaite continuité de ce que j'expose dans cet article. Je publierai bientôt le texte de cette intervention.
A signaler également:
"He called on both sides to deepen cooperation in areas such as financial supervision and regulation, macro policies and improvement of capital market system, and beef up coordination and cooperation within international financial institutions including the International Monetary Fund and the World Bank, in a bid to jointly promote the establishment of a new international financial order featuring fairness, justice, inclusiveness and orderliness."

Pour les découvreurs

 Il est impossible à la conscience humaine de réaliser brusquement un grand bond par un acte de volonté autonome. Comme je l’écrivais en 2008, « Une prise de conscience, c'est comme un changement d'orbite : ça requiert du temps, une impulsion initiale, de l'énergie entretenue, et l'état d'arrivée est sensiblement différent de l'initial. » Ce qui nécessite du temps pour un individu en nécessite d’autant plus pour une collectivité, c’est-à-dire pour la conscience sociale. Ce n’est pas un accroissement linéaire, puisque ce qui est important c’est d’atteindre une masse critique, et non pas une majorité, avant de faire basculer la partie restante. 

Cette masse critique ne peut être atteinte que par une diffusion jusqu’aux récipiendaires, qui doivent être en état d’écoute. Cette diffusion est saturée depuis l’avènement des medias de masse. Internet ne change rien à la donne en ce qui concerne cette première étape, celle de l’atteinte d’une masse critique. Ainsi ce blog se veut aussi une expérience sociologique à notre époque moderne, au service d’une question simple : comment les idées nouvelles se propagent-elles ? Depuis 2008, nous avons ainsi utilisé, en tant qu’auteur de contenus originaux ciblant en priorité les premiers cercles de diffusion de nouvelles idées, les moyens de diffusion suivants : blogs sous licence CC, syndication, wikipedia, réseaux sociaux (au moins 5), mais aussi publications par un think-tank, réunions publiques, conférences, conseil en entreprise, contact au CESE, le tout dans plusieurs langues et dans des domaines volontairement croisés dans une approche transdisciplinaire : économie, science politique, sciences fondamentales, finance, écologie, sociologie, technologie de l’information, relations internationales et géopolitique. Nous avons pris soin d’articuler toutes nos recherches dans un cadre conceptuel philosophique robuste (1), même si il ne forme pas nécessairement système et si les références directes de ces repères dans nos textes sont volontairement peu fréquentes. Sans développer une histoire des idées ou une épistémologie, nous avons enfin étudié les publications d’idées émises par quelques autres auteurs en Occident, vivants ou disparus, et les échos qui en résultaient. 

En synthèse, les principaux éléments que nous avons observés ou déduits, et d’autres auteurs bien avant nous, sont les suivants. Je les livre sans fard pour les découvreurs. 

Sur les idées : 

· L’approche des concepts s’élabore avec le groupe social. Les concepts non complètement formés constituent un terreau. Le terreau n’est pas la graine. Il est constitué d’éléments verbaux dérivant des idées existantes et de comportements. C’est une somme d’expériences, du sensible jusqu’à l’apprentissage de concepts virtuels. Le jeu est un exemple d’organisation sociale pour accumuler efficacement cette expérience. 

· Les idées se créent, se conçoivent ensuite sans le groupe. C’est un acte individuel de volonté, à l’avancée vacillante. Une idée est un concept formé. Une graine autour d'un germe. 

· Le terreau le plus fertile au monde n’engendre pas de graine, sans une volonté spécifique. Ainsi en va-t-il de la meilleure éducation qui soit possible. C’est cela qui rend irréelle toute justification d’une inégalité héréditaire ou héritée. Une position hiérarchique donnée n'est absolument pas équivalente à une valeur individuelle intrinsèque, bien que l'existence même de cette hiérarchie puisse souvent laisser penser le contraire à chacun de ses membres. Une hiérarchie est uniquement une construction sociale, jamais une mesure absolue de la valeur personnelle. Mais elle est très rarement comprise comme telle. La sociobiologie offre un bon exemple de ce débat. On lire avec intérêt L'empire des gènes: histoire de la sociobiologie.

· Une idée nouvellement née pour se diffuser dans la conscience sociale doit être totalement délivrée de son créateur. Tout lien d’appartenance au créateur est un frein pour l’envol d’une idée ; c’est d’ailleurs le plus souvent l’indice d’un simulacre. Une idée vibrante est une idée autonome. 

· Une mauvaise idée ne remplace pas et n’efface pas une bonne idée. Il n’y a pas de mauvaises idées, ce ne sont que des simulacres d’idées. 

Sur les sociétés : 

· Bien que de la description sociologique la plus exacte soit celle du "champ social", celle-ci peut se révéler moins efficace quand il s'agit d'expliquer la propagation des idées et concepts. Dans ce contexte, nous préférons dire que les sociétés humaines sont structurées hiérarchiquement, mais plusieurs hiérarchies cohabitent et se superposent, formant à ces endroits des réseaux maillés. La complexité d’une société croît avec le nombre de ces structures, mais une société n’est pas équivalente à un réseau dont les nœuds seraient idempotents. 

· Les hiérarchies relèvent d’un lien social de subordination conscient ou non, qui peut se décliner selon une échelle de prestige. L’organisation politique des sociétés, y compris l’expression par la voie démocratique, n’efface en rien ces hiérarchies, mais elle peut favoriser ou restreindre l’émergence des idées. 

· Le prestige se gagne sous des formes combinées très diverses. Il constitue l’état visible le plus enraciné d’une société. Nous pouvons citer le prestige de naissance (lignée, caste), de grade, de diplôme ou de position (fonction privée, publique ou militaire), de simple représentation (célébrité, spectacle mais aussi à un moindre niveau tout attribut ostentatoire), de mérite (reconnaissance du courage, d’un exploit ou d’une création). 

· Le prestige se perd peu avec le temps, et ne disparaît pas avec la mort, car le prestige est une empreinte dans la conscience sociale. 

· Une hiérarchie est un organe social de sélection et d’amplification des idées. Sans un contrôle continu par le reste de la société, elle acquiert une volonté propre et cherche inévitablement en priorité à perdurer et relègue au second plan sa raison d’être originelle. Sa fonction est alors détournée par cette nouvelle volonté. Elle devient institution et outil d’entretien du statu quo. 

· Les sommets des hiérarchies sont incapables de créer des idées, ou deviennent sinon des leaders qui marquent l’histoire. Elles ne peuvent habituellement que piloter ou favoriser les idées qui émergent. Leur seul pouvoir est de ralentir (ou d’accélérer) la diffusion d’une idée, mais celle-ci une fois créée survit plus longtemps que toute volonté hiérarchique. Anéantir son créateur n’est qu’un retard de plus, pas un réel contrôle. 

· Toutes les hiérarchies n’ont pas pignon sur rue, leur degré de transparence peut aller jusqu’à l’opacité la plus totale sans pour autant modifier leur pouvoir de pilotage des idées. C’est une lutte permanente entre volonté individuelle du secret et volonté collective de transparence. 

Sur la diffusion des idées : 

· Il est impossible à une société d’empêcher la création d’idées contraires aux buts de ses hiérarchies dominantes du moment. Même le génocide ne le peut pas. 

· Si une hiérarchie utilise la violence comme instrument de contrôle, elle rend immédiatement plus perméable les autres hiérarchies de la société. Celles-ci seront plus facilement imprégnées par de nouvelles idées, qui se diffuseront plus vite, ainsi qu’aux concepts non formés. C’est l’effet d’accélération que l’on connait aux crises. 

· La diffusion à une large échelle de concepts non formés a un corollaire : une société ne résiste pas à une idée dont le moment est venu, c’est-à-dire une fois que le terreau a été répandu. 

· Une diffusion horizontale à large échelle n’est pas du tout équivalente à une diffusion hiérarchique. Les idées se diffusent à large échelle (c’est-à-dire imprègnent de nouveaux individus) par la voie hiérarchique descendante exclusivement. Par contre, les concepts non formés se diffusent horizontalement à large échelle par les sensations et l’exemple. 

· Seules les idées, et non les armes, ont le pouvoir de faire évoluer les orientations des hiérarchies, et par là-même des masses ; le monde ne change que par elles. Changer le monde n’implique pas nécessairement de changer de hiérarchie. On détourne plus facilement un fleuve qu’on ne creuse une nouvelle vallée. 

· Il est d’autant plus facile pour une idée issue du bas d’une hiérarchie d’imprégner le sommet d’une autre hiérarchie que celle-ci est distante (en terme de km, de langue, de métier, de temps…).



Un exemple de concept non complètement formé, malgré son soucis apparent de formalisme :


A concept map showing the key features of concept maps